Les dirigeants de l'UE appelés à se prononcer sur le conflit commercial avec Trump information fournie par Reuters 26/06/2025 à 08:51
par Philip Blenkinsop et Jan Strupczewski
Les dirigeants de l'Union européenne (UE) réunis en sommet à Bruxelles doivent indiquer jeudi à la Commission européenne s'ils souhaitent conclure rapidement un accord commercial avec les États-Unis, au prix de conditions plus favorables à Washington, ou s'ils veulent durcir le bras de fer dans l'espoir d'obtenir davantage.
Selon des fonctionnaires et des diplomates, la plupart des dirigeants de l'UE semblent pencher pour un accord rapide, car le bloc pourrait alors tenter d'adopter des mesures pour rééquilibrer ses échanges commerciaux avec les Etats-Unis.
La Commission, qui négocie les accords commerciaux au nom de l'UE, va demander aux dirigeants des 27 États membres réunis à Bruxelles comment ils souhaitent répondre à la date limite du 9 juillet, dans moins de deux semaines, fixée par le président américain Donald Trump pour la conclusion d'un accord.
L'UE a précédemment déclaré qu'elle visait un accord mutuellement bénéfique, mais étant donné que Washington semble vouloir maintenir ses droits de douane de 10% sur la plupart de ses produits et menace de les relever si les négociations se prolongent, un nombre croissant de pays du bloc sont désormais favorables à une résolution rapide, selon des diplomates européens.
"Il est dans l'intérêt de tous que le conflit commercial avec les États-Unis ne s'aggrave pas davantage", a déclaré mardi le chancelier allemand Friedrich Merz devant la chambre basse du Parlement allemand.
"Je sais que la Commission européenne négocie avec beaucoup de prudence à cet égard et qu'elle a tout notre soutien. J'espère que nous parviendrons à une solution avec les États-Unis d'ici le début du mois de juillet", a-t-il ajouté.
L'UE est déjà confrontée à des droits de douane américains de 50% sur l'acier et l'aluminium, de 25% sur les voitures et les pièces détachées, ainsi qu'à des prélèvements similaires de 10% sur la plupart de ses autres produits, que Donald Trump a menacé de porter à 50% en l'absence d'accord.
MESURES DE RÉÉQUILIBRAGE
Le seul accord commercial conclu par les États-Unis à ce jour l'a été avec la Grande-Bretagne, avec des droits de douane de 10% toujours en vigueur. Les responsables américains affirment qu'aucun partenaire commercial ne verra ses droits de douane baisser.
Alors que quelque 23 dirigeants arriveront à Bruxelles directement après le sommet de l'Otan à La Haye, peu d'entre eux voudront faire suivre l'accord d'augmentation des dépenses annuelles de défense des pays de l'alliance, conclu la veille, d'une guerre économique.
"Un groupe de pays de l'UE souhaite protéger les entreprises en acceptant apparemment ce à quoi elles se sont habituées, à savoir une base de 10%", a déclaré un diplomate européen.
La question demeure de savoir si l'UE doit répondre par ses propres mesures à cette base de 10%. "Nous sommes également préparés à cette éventualité avec une série d'options", a déclaré Friedrich Merz.
L'UE a décidé d'imposer des droits de douane sur 21 milliards d'euros de produits américains, sans toutefois les appliquer. Alors qu'elle débat actuellement d'une série de mesures supplémentaires pouvant concerner jusqu'à 95 milliards d'euros d'importations américaines, certains Etats membres sont favorables à un assouplissement.
"La Commission a déclaré à juste titre que certains États membres rognent trop les mesures de rééquilibrage proposées, ce qui risque d'en affaiblir la portée", a déclaré un diplomate.
Parmi les options figure une taxe sur la publicité numérique qui frapperait des géants américains tels que Google GOOGL.O , Meta META.O , Apple AAPL.O , X ou Microsoft MSFT.O et réduirait l'excédent commercial des États-Unis avec l'UE dans le domaine des services. L'UE a de son côté un excédent commercial avec les États-Unis dans le domaine des biens.
LES SANCTIONS CONTRE MOSCOU ÉGALEMENT AU PROGRAMME
La Commission a proposé un accord entre l'UE et les États-Unis visant à réduire à zéro les droits de douane respectifs sur les produits industriels, ainsi que de nouveaux achats potentiels de gaz naturel liquéfié (GNL) et de soja par les Européens.
Washington a toutefois manifesté peu d'intérêt, préférant mettre l'accent sur les éléments qu'il considère comme des obstacles, tels que la taxe sur la valeur ajoutée, les normes environnementales et les règles relatives aux plates-formes en ligne, sur lesquels l'UE ne veut pas bouger.
En marge du sommet, les dirigeants européens s'efforceront également d'apaiser les inquiétudes de la Slovaquie et de la Hongrie concernant la fin de leur accès au gaz russe, comme le prévoit le plan de l'UE visant à supprimer progressivement toutes les importations de gaz russe d'ici à la fin de 2027.
Les diplomates européens ont déclaré que des garanties données par les dirigeants européens au sujet du gaz devraient permettre aux deux pays de soutenir le 18e train de sanctions de l'UE contre la Russie, qu'ils bloquent actuellement. Ces sanctions pourraient être adoptées vendredi.
L'UE risque cependant de devoir retirer sa proposition d'abaisser le plafond des prix du pétrole russe transporté par voie maritime, à 45 dollars le baril contre 60 dollars actuellement, car cette mesure n'a pas obtenu le soutien des États-Unis et des pays ayant une importante industrie pétrolière - la Grèce, Malte et Chypre - s'y opposent également.
(Reportage de Philip Blenkinsop et Jan Strupczewski, avec Milan Strahm à Bruxelles et Andreas Rinke à Berlin, version française Benjamin Mallet, édité par Jean-Stéphane Brosse)