Les craintes de récession assombrissent les perspectives du luxe européen
information fournie par Reuters 08/04/2025 à 18:11

Une mannequin présente une création de la collection automne-hiver 2025/2026 de Gucci

par Mimosa Spencer

Les craintes d'une récession économique provoquée par les droits de douane de Donald Trump douchent les espoirs de l'industrie du luxe, qui comptait sur les riches Américains pour redresser la croissance de ses ventes.

Lundi, le courtier Bernstein a dit s'attendre désormais à ce que les ventes mondiales de produits de luxe reculent de 2% cette année alors qu'il tablait auparavant sur une croissance de 5%, expliquant cette révision à la baisse par les retombées de droits de douane annoncés par Donald Trump le 2 avril.

"L'incertitude et la poursuite probable de la déroute des marchés boursiers créent une prophétie auto-réalisatrice : une récession mondiale", écrit Luca Solca, analyste chez Bernstein, dans une note adressée aux clients.

Les droits de douane imposés par Donald Trump, plus importants que ne le craignaient de nombreux acteurs financiers, ont ébranlé les Bourses du monde entier et déclenché une guerre commerciale, en particulier avec la Chine.

Les valeurs du luxe n'ont pas échappé au mouvement de vente: le titre du champion mondial du luxe, le groupe français LVMH, est désormais en baisse de 2% depuis le début de l'année. Celui de Kering, maison-mère de la marque Gucci, est en baisse de 31%.

Considérés comme mieux placés que leurs concurrents pour faire face à un ralentissement car exposés à une clientèle plus riche, Hermès et Richemont, propriétaire du joaillier Cartier, sont en baisse de 8% et 6% respectivement.

"Le bouleversement lié aux droits de douane a nourri les inquiétudes", observe Mario Ortelli, associé directeur du cabinet de conseil Ortelli & Co, spécialisé sur le luxe. "Cela n'aide en rien le sentiment des consommateurs du luxe".

Au premier trimestre, la croissance des ventes du secteur du luxe devrait ralentir à 0,5%, contre environ 3% au quatrième trimestre 2024, selon des estimations de HSBC établies avant le récent plongeon des marchés boursiers.

LVMH sera le premier du secteur à faire le point sur ses comptes trimestriels le 15 avril. Sa division mode et maroquinerie devrait enregistrer des ventes stables, d'après un consensus de Visible Alpha.

Moncler, qui publiera ses résultats le 16 avril, devrait enregistrer une hausse de 1,3% de ses ventes, contre 10% pour Hermès, dont la publication est attendue le lendemain.

Les ventes de Kering, qui publiera ses résultats le 23 avril, devraient à l'inverse chuter de près de 10%, toujours plombées par les difficultés de sa marque phare Gucci.

Les analystes préviennent toutefois qu'il ne sera pas facile de tirer des conclusions pour le reste de l'année à partir de ces chiffres trimestriels.

Mardi, les analystes de Jefferies ont dit attendre "un minimum de stabilité" avant d'ajuster leurs prévisions pour le secteur.

D'autant que des groupes comme LVMH, Kering et Richemont pourraient compenser les droits de douane en modifiant leurs prix.

Selon les estimations d'UBS, les droits de douane américains de 20% sur les produits en provenance de l'Union européenne et de 31% sur ceux en provenance de la Suisse devraient inciter les marques de luxe européennes à augmenter leurs prix aux États-Unis d'environ 6% en moyenne afin de protéger leurs bénéfices.

Reste à savoir si les consommateurs même les plus aisés pourront suivre le mouvement si une récession économique devait advenir.

(Rédigé par Mimosa Spencer à Paris, avec la contribution d'Elisa Anzolin à Milan et de Tassilo Hummel à Paris, Version française Florence Loève, édité par Blandine Hénault)