Le retour à une certaine prudence est de bon aloi information fournie par Les sélections de Roland LASKINE 19/12/2025 à 14:37
Le 19 décembre 2025
Les héros sont fatigués. Après une année de bataille incessante, à chercher dans tous les recoins de la cote de bonnes raisons de pousser toujours plus haut les feux de la rampe, une certaine lassitude se fait aujourd'hui sentir dans les rangs des investisseurs. Le rallye de fin d'année peine à s'affirmer. Une lueur d'espoir s'est rallumée en fin de semaine avec de bonnes nouvelles en provenance de l'inflation de part et d'autre de l'Atlantique, mais l'heure n'est plus aux grandes envolées lyriques. Le marché reste dubitatif sur la soutenabilité des prévisions de croissance et de rentabilité de l'IA, ainsi que sur la reprise du commerce mondial attendue pour l'an prochain. Les tensions observées sur les taux d'intérêt à long terme, notamment sur les échéances à 20 et 30 ans, au plus haut depuis cinq ans aux Etats-Unis, au Japon et dans la zone euro, montrent que le niveau d'exigence des détenteurs de capitaux est également monté d'un cran sur les obligations.
Le « coup de pompe » le plus flagrant concerne bien sûr le compartiment des valeurs technologiques, en raison des niveaux de valorisation exorbitants des actions de ce compartiment (33,2 fois les profits attendus pour 2026) et de l'anticipation d'une entrée progressive de ce secteur vers une phase plus mature du cycle, synonyme de ralentissement progressif de la croissance. La dégradation constatée depuis plusieurs mois des flux de trésorerie des mégacaps du secteur entamés par les énormes besoins de financement des investissements, alimente aussi les inquiétudes. Avec une progression du PIB américain, tiré à plus de 40% par les ventes de puces électroniques liées à l'IA, les relais de croissance du côté des secteurs traditionnels s'avèrent assez limités. Le Dow Jones a bénéficié au cours de ces derniers mois d'un fort rattrapage (+15% en six mois), mais l'essentiel du chemin est désormais derrière nous.
Même chose pour les indices d'actions de la zone euro, qui s'apprêtent à terminer l'année sur un gain moyen de 16%, ce qui fait de 2025 un excellent millésime. Toutefois, en excluant les valeurs financières et les télécommunications, qui ont tiré les indices vers le haut, le tableau est plus nuancé. Après avoir traqué la performance dans à peu près tous les domaines, les investisseurs sont en panne d'inspiration. Même des secteurs, comme celui de l'armement porté par une hausse inédite des budgets de la défense, ou la « tech » européenne, ne font plus rêver. Les investisseurs, qui croyaient avoir trouvé dans les Mid et Small caps un formidable vivier d'opportunités, ont, eux-aussi, pris leurs distances.
La « fatigue boursière » dont il est aujourd'hui question n'a rien de grave. Elle est parfaitement compréhensible. Après la série de records de hausse que nous avons vue sur à peu près tous les indices, exception faite du CAC 40, les investisseurs ont besoin de s'assurer que les avoirs sont placés au bon endroit. On leur a suffisamment reproché d'avoir fait preuve de complaisance en refusant de regarder les sujets qui fâchent, comme l'hyper-concentration de la hausse des cours sur un nombre restreint de valeurs, pour s'offusquer aujourd'hui de leur perspicacité.
Ce retour à une plus grande vigilance est frappé du sceau du bon sens. La correction récente intervenue sur les mégacaps technologiques américaines, tout comme l'apparition d'une vraie concurrence dans le domaine des puces électroniques venue casser le monopole de Nvidia, constituent une bonne nouvelle. Ces évolutions récentes vont, peut-être, nous éviter de connaître le krach retentissant que tout le monde redoute sur le Nasdaq.
Le changement d'état d'esprit que nous percevons depuis plusieurs semaines milite pour une gestion à la fois prudente et diversifiée. Ce n'est donc pas un hasard si, sur nos quatre portefeuilles, ceux orientés vers la recherche d'une certaine régularité des performances à moyen et long terme enregistrent les meilleurs scores. La sélection d'ETF Monde (+12,4% depuis le 1er janvier) n'a pas échappé à la volatilité ambiante, mais elle a pleinement bénéficié de la diversification des positions prises hors d'Europe, mais aussi dans la zone euro sur des secteurs ayant bien fonctionné, comme ceux de la banque et de l'assurance. Dans un autre registre, la bonne performance de la sélection de fonds ISR/PEA (+11,6% depuis le 1er janvier) montre qu'il n'existe pas de corrélation négative entre la recherche de critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance) et la performance financière des entreprises. Toutes les analyses réalisées sur ce sujet attestent au contraire d'un impact positif, et stable dans le temps, de la mise en œuvre des critères ESG sur l'orientation des valeurs sélectionnées.
L'écart de performances constaté entre le portefeuille Offensif (+0,06% depuis le début de l'année) et le Défensif (+7,7%) relève de la même logique. Ce dernier structuré autour des valeurs bancaires (BNP Paribas et Commerzbank), des télécoms (Orange et Deutsche Telekom), de la production et de la gestion de l'énergie (Engie et Schneider Electric), du luxe (Hermès, LVMH et L'Oréal) ou de l'industrie (Air Liquide, Thales et Airbus), s'est maintenu au-dessus du CAC 40 durant la majeure partie de l'année. Il a perdu une partie de son avance au cours des deux derniers mois de l'année, notamment en raison de la contre-performance des valeurs de l'armement, mais il n'a pas démérité. Sur les cinq dernières années, ce portefeuille défensif affiche un gain substantiel de 41 %. La semaine dernière, nous sommes largement revenus sur les raisons de la sous-performance du portefeuille Offensif depuis le 1er janvier. Celle-ci se retrouve également sur les cinq dernières années, avec un score deux fois inférieur au Défensif. Nul doute que nos choix de valeurs n'ont été des plus judicieux. C'est le moins que l'on puisse dire… Mais, il semble aussi que l'évolution récente des marchés rend plus difficile qu'auparavant la mise en place de ce type de stratégie. La part croissante que représente le trading électronique dans les échanges quotidiens n'est pas étrangère à cette situation. Les ajustements de cours, à la hausse comme à la baisse, dès la divulgation de la moindre nouvelle s'effectuent aujourd'hui avec une rapidité et une amplitude nettement plus forte qu'auparavant. Le jeu traditionnel des rotations sectorielles s'accélère et le « retour à la moyenne » est effectué désormais presque instantanément. Tout ceci, sans laisser le temps aux arbitragistes d'exploiter à leur profit la correction des excès constatés sur le marché. La gestion dynamique n'est évidemment pas condamnée. Elle doit désormais plus s'orienter vers la recherche d'opportunités détectées à partir de l'analyse fondamentale des sociétés, que sur l'exploitation à court terme des mouvements erratiques de la cote.
D'un point de vue stratégique, il nous semble que la méfiance qui s'est emparée du marché ne va pas disparaître de sitôt. Dès les premières séances de 2026, notre stratégie va consister à mettre plus l'accent sur le caractère défensif de nos portefeuilles, que sur une attitude offensive traditionnellement de mise en début d'année. L'objectif sera de rechercher un certain équilibre en évitant d'accorder une place trop importante aux valeurs les plus fortement valorisées, comme la technologie, le luxe, ou encore l'armement ayant suscité un engouement démesuré. Des valeurs plus résilientes, appartenant notamment aux secteurs de l'énergie, des services financiers ou des services aux collectivités, de l'agroalimentaire et les services informatiques qui sont une courroie incontournable dans le domaine de la mise en œuvre des nouvelles technologies, méritent d'être recherchées en priorité. L'immobilier, plus particulièrement les sociétés foncières qui distribuent l'intégralité de leurs bénéfices, ne manquent pas d'intérêt, mais elles ne sont pas éligibles au PEA.
Bonne lecture et joyeuses fêtes de Noël à vous tous,
Roland Laskine