La pause douanière touche à sa fin, l'incertitude des marché persiste
information fournie par Reuters 04/07/2025 à 18:26

Le délai accordé par le président Donald Trump aux principaux partenaires commerciaux des États-Unis pour conclure des accords ou faire face à une hausse massive des droits de douane expire la semaine prochaine, mettant fin à 90 jours de volatilité mais laissant les investisseurs dans l'incertitude quant à la suite.

La propension du locataire de la Maison blanche à user de la menace ou à imposer de nouvelles surtaxes, pour ensuite faire marche arrière, a provoqué des turbulences sur les marchés au cours des trois derniers mois, mais les investisseurs se sont quelque peu habitués à cette versatilité.

Rien n'indique donc que la date-butoir du 9 juillet sera un jour de grand enthousiasme à la fin de la pause de 90 jours accordée en avril pour les négociations. Au contraire, la plupart des investisseurs s'attendent à une forme de retard, de pause ou de compromis.

Voici un aperçu de la situation des principaux marchés aujourd'hui par rapport au moment où Donald Trump a lancé sa première salve de droits de douane le "Jour de la Libération" du 2 avril dernier :

RALLYE DES ACTIONS

Les Bourses mondiales se sont fortement redressées après l'intense volatilité déclenchée par l'annonce des droits de douane américains début avril.

L'indice MSCI World .MIWD00000PUS , qui avait perdu 10% entre le 2 et le 9 avril, le jour où Donald Trump a annoncé la pause sur ses surtaxes, a atteint des records consécutifs et a gagné plus de 11% depuis l'annonce initiale du 2 avril.

Les marchés actions ont bénéficié d'un nouvel élan en mai lorsque Washington et Pékin sont parvenus à une trêve commerciale à Londres, suspendant de nombreux droits de douane mutuels pour une période supplémentaire de 90 jours. Les tensions géopolitiques, notamment les frappes inédites d'Israël contre l'Iran et le bombardement des installations nucléaires iraniennes par Washington, ont brièvement assombri le sentiment, mais n'ont pas fait dérailler le rallye général.

L'indice S&P 500 .SPX , à la traîne de ses pairs en début d'année, a comblé ces écarts, gagnant plus de 10% depuis le 2 avril, et est au coude à coude avec l'indice MSCI World ex USA

.MIWU00000PUS , qui ne comprend aucune société américaine.

Il convient toutefois de noter que le S&P n'a atteint son sommet qu'en dollars. La faiblesse de la monnaie américaine a érodé les rendements des investisseurs étrangers. En euros ou en francs suisses, par exemple, l'indice est encore inférieur de 10% au record de février, tandis qu'en livres sterling, il est inférieur de 7%.

LE DOLLAR SOUFFRE

Le billet vert, largement considéré comme la monnaie la plus puissante et la plus stable du monde, a vu sa réputation ébranlée par la guerre tarifaire.

L'indice du dollar =USD , qui reflète la performance de la monnaie américaine par rapport à un panier de six autres devises, dont l'euro et le yen japonais, vient de connaître son pire premier semestre depuis 1973, avec un recul de 11%. Depuis le 2 avril, il a perdu 6,6%.

Par rapport aux monnaies de certains des principaux partenaires commerciaux des États-Unis, la chute du dollar a été encore plus marquée: il a perdu environ 8% par rapport à l'euro

EUR=EBS et au peso mexicain MXN= depuis lors, et 5% par rapport au dollar canadien CAD=EBS .

Vincent Mortier, directeur des investissements chez Amundi, le plus grand gestionnaire d'actifs européen, estime que l'euro dispose encore d'une grande marge de manoeuvre, d'autant plus que les inquiétudes concernant la dette américaine après l'approbation par le Congrès du projet de budget de Donald Trump, continuent de peser sur le dollar.

"Je ne serais pas surpris si, d'ici la fin de l'année prochaine, nous revenions au niveau de 1,30 dollar", a-t-il déclaré, soulignant qu'à son apogée en 2008, l'euro avait atteint 1,60 dollar.

LES EXPORTATEURS EN QUÊTE DE CERTITUDE

Les actions européennes ont plus que récupéré les pertes subies depuis le "Jour de la Libération" du président républicain, mais la vigueur de l'euro et les inquiétudes concernant l'impact des droits de douane les ont maintenues en dessous des records atteints en mars.

Les principaux secteurs exportateurs, tels que les produits pharmaceutiques et l'automobile, qui représentent environ un tiers des exportations de l'UE vers les États-Unis, se sont également redressés ces derniers trois mois, mais ont souffert d'une plus grande volatilité.

Bruxelles serait ouverte à un accord avec les États-Unis qui appliquerait des droits de douane universels de 10% sur un grand nombre de ses exportations, ce que de nombreux investisseurs accueilleraient par ailleurs favorablement. Selon Citi, les marchés seraient surpris si Washington revenait à un scénario de droits de douane de 20%, voire de 50%.

"Trump est vraiment imprévisible, mais si c'est vraiment autour de 10%, je pense que les marchés réagiront très bien", a déclaré Carlo Franchini, responsable des clients institutionnels chez Banca Ifigest.

Cependant, l'impact des négociations commerciales va bien au-delà de l'Europe, car les constructeurs automobiles japonais sont également sous pression.

Le scénario de base de Citi est une surtaxe de 25%, tandis qu'une réduction surprise à 10% pourrait déclencher un rallye de 50% pour les actions automobiles japonaises.

L'OR BRILLE

L'or XAU= est la valeur refuge classique contre toute une série de risques, de l'inflation induite par les droits de douane aux risques géopolitiques, en passant par les doutes sur le dollar américain.

Le prix de l'or a battu tous les records, augmentant de 26% depuis le début de l'année pour atteindre environ 3,330 dollars l'once.

Le métal précieux a par ailleurs éclipsé le bitcoin BTC= , qui a progressé d'environ 14% depuis le début de l'année, et même le géant de l'intelligence artificielle Nvidia NVDA.O , dont les actions ont grimpé en flèche en 2024 et sont en hausse d'environ 18% depuis le début de l'année.

La hausse de l'or s'est accélérée depuis le 2 avril, sous l'effet des achats des banques centrales, des gestionnaires de fonds et même des investisseurs privés.

Selon une enquête réalisée cette semaine par UBS Asset Management, 39% des personnes interrogées ont déclaré qu'elles prévoyaient d'augmenter leurs avoirs nationaux en or, contre 15% l'année dernière.

L'indépendance de la Réserve fédérale - dont le président, Jerome Powell, a été à plusieurs reprises la cible de la fureur de Donald Trump, qui l'accuse d'être trop lent sur les baisses de taux - est l'une des principales préoccupations citées dans l'enquête.

(Reportage Canan Sevgili et Alberto Chiumento à Gdansk, Danilo Masoni à Milan et Alun John, Marc Jones et Amanda Cooper à Londres ; version française Diana Mandia)