La note de crédit de la France à l'épreuve d'un nouveau chaos politique information fournie par Reuters 05/09/2025 à 09:18
par Yoruk Bahceli
La note souveraine de la France pourrait subir une nouvelle dégradation dès la semaine prochaine, dans le sillage du vote de confiance prévu lundi à l'Assemblée nationale qui devrait déboucher sur la chute du gouvernement de François Bayrou, en difficulté pour rassembler les soutiens derrière son projet de budget pour 2026 avec quelque 40 milliards d'euros d'économies.
Alors que l'agence de notation Moody's a déjà abaissé la note de crédit à long-terme de la France en décembre dernier, après que le gouvernement de Michel Barnier a été renversé par une motion de censure, une nouvelle dégradation constituerait un coup encore plus rude, qui ferait basculer la note souveraine du pays dans une catégorie inférieure et alimenterait le risque d'une vente de titres obligataires déjà sous pression.
Nombre d'analystes estiment que le vote du 8 septembre à l'Assemblée nationale accroît le risque d'une dégradation de la note de crédit de la France. Aman Bansal, stratégiste chez Citi, est l'un d'entre eux.
"Si le gouvernement venait à échouer à obtenir la confiance lors d'un vote lié à la nécessité d'un resserrement budgétaire, cela viendrait alimenter l'idée qu'il n'y a que peu d'appétit électoral ou politique pour une austérité budgétaire", dit-il.
Que le gouvernement Bayrou survive au vote de lundi n'écartera pas totalement le risque d'une dégradation de la note souveraine de la France, alors que le pays peine à réduire sa dette publique et que deux des trois principales agences de notation ont déjà abaissé la perspective à négative.
Fitch, qui fait régulièrement office de précurseur, doit publier son avis le 12 septembre, après avoir maintenu en octobre dernier la note de crédit de la France à "AA-" mais revu sa perspective à négative. Moody's et S&P Global communiqueront ultérieurement, respectivement en octobre et novembre.
Aux yeux de Jens Peter Soerensen, analyste en chef de Danske Bank, le principal risque est une dégradation de la note si la chute de l'actuel gouvernement français venait à jeter une ombre sur le plan de désendettement et laisser penser à Fitch que sa perspective négative est justifiée. D'autant que, ajoute-t-il, l'agence de notation a adopté récemment une ligne dure à l'égard de la Finlande et de l'Autriche.
Toutefois, selon Rohan Khanna, responsable de la stratégie des taux de la zone euro chez Barclays, il est généralement plus difficile de dégrader dans une catégorie inférieure la note d'un pays emprunteur.
"Il n'est pas facile de faire cela pour la deuxième plus grande économie d'Europe", déclare-t-il, estimant que la nomination d'un nouveau Premier ministre contribuerait à écarter la menace d'une dégradation de la note souveraine de la France.
Morgan Stanley dit être d'avis qu'il pourrait être prématuré pour Fitch de revoir sa note à la baisse, alors que l'agence y a déjà associé une perspective négative.
En mars dernier, Fitch avait indiqué s'attendre à ce que le déficit public de la France atteigne 5,6% du produit intérieur brut (PIB) l'an prochain, un pourcentage nettement supérieur à l'objectif du gouvernement (4,6%). L'agence anticipait également un possible scrutin cette année.
Parmi les banquiers parisiens, on signalait ces derniers jours un regain d'incertitude lié aux secousses politiques, pesant sur le marché transactionnel, crispant les dirigeants d'entreprises et nuisant à l'attractivité de la France comme destination d'investissement.
Mais il a été relevé également que le marché boursier n'a pas autant décliné que l'an dernier quand le président Emmanuel Macron a annoncé de manière inattendue des élections législatives anticipées.
SEUIL
Les analystes mettent en avant le fait que les agences de notation prennent traditionnellement du temps pour agir et que la dette de la France reflète déjà une note dégradée, avec un rendement obligataire plus élevé que l'Espagne et la Grèce, moins bien notées, et proche du niveau des bons de l'Italie.
Si l'impact sur les marchés pourrait être limité, voir la note française basculer dans une catégorie inférieure pourrait contraindre les investisseurs à mettre de côté davantage de capital pour détenir des obligations françaises, ont dit des analystes.
Par ailleurs, les mandats en gestion associés à des classifications spécifiques ont généralement pour seuil le bas de la fourchette d'une catégorie de notation - les fonds nécessitant une notation "AA" ou supérieure devront donc être vendus en cas de dégradation, même s'il est habituel que deux dégradations distinctes soient nécessaires.
Il est difficile d'imaginer l'impact d'un tel scénario, selon les analystes, alors que les données en la matière sont très limitées.
Autre risque : que les investisseurs privilégiant les actifs de qualité supérieure - banques centrales, fonds de pension... - vendent une partie de leur portefeuille.
Mohit Kumar, économiste chez Jefferies, rapporte que les investisseurs de ce type auxquels il a parlé ont des critères d'investissement pour chacune des catégories de notation.
Cela signifie qu'ils réduiraient leurs avoirs si la note de la France venait à être abaissée à un seul "A" par deux agences de notation, a-t-il dit. Ce processus prendrait toutefois plusieurs mois, a-t-il ajouté, citant la nécessité de solliciter les comités d'investissement pour de telles décisions.
(Yoruk Bahceli à Londres, avec la contribution de Mathieu Rosemain à Paris; version française Jean Terzian; édité par Blandine Hénault)