La Chine cible des produits laitiers européens, vive réaction de l'UE information fournie par AFP 22/12/2025 à 21:03
Un nouveau front s'est ouvert dans les relations commerciales déjà tendues entre la Chine et l'UE: Pékin va imposer des taxes sur certains produits laitiers européens, une mesure vivement dénoncée par l'UE et les producteurs européens qui la jugent totalement injustifiée.
Ces droits de douane "provisoires" s'échelonneront de 21,9% à 42,7% et entreront en vigueur mardi, a annoncé lundi le ministère chinois du Commerce.
Ils concernent toute une série de produits, notamment les fromages frais et transformés, les fromages bleus ainsi que certains laits et crèmes, qui bénéficieraient selon Pékin de subventions faisant subir un "préjudice substantiel" aux concurrents chinois.
"C'est un développement très négatif" dans les relations entre l'UE et la Chine, a réagi lundi un porte-parole de la Commission européenne.
"C'est un choc, un coup de massue", a renchéri auprès de l'AFP François-Xavier Huard, PDG de la Fédération nationale de l'industrie laitière, organisation qui représente les industriels français du secteur comme Lactalis, Danone , Savencia ou Bel.
Il s'agit d'un "coup dur pour les entreprises concernées (...) surtout en raison de la situation déjà tendue sur le marché", a réagi de son côté l'Association allemande de l'industrie laitière.
- Mesure de rétorsion -
Le gouvernement chinois a pris cette décision dans le cadre d'une enquête antisubventions lancée en août 2024, officiellement à la suite d'une demande de l'Association laitière de Chine.
Mais pour les Européens, il s'agissait d'une mesure de rétorsion, car cette enquête avait été annoncée au lendemain de l'annonce par l'UE de sa décision d'imposer des droits de douane élevés sur les véhicules électriques fabriqués en Chine.
Selon la Commission européenne, Pékin prévoit de conclure son enquête sur le secteur laitier européen le 21 février, date à laquelle la taxe douanière pourrait devenir définitive.
Mais Bruxelles veut convaincre la Chine d'y renoncer.
"Notre analyse est que cette enquête est basée sur des allégations contestables et des preuves insuffisantes, et que les mesures sont par conséquent injustifiées et infondées", a déclaré à la presse Olof Gill, porte-parole de la Commission.
"Nous faisons tout ce qu'il faut pour défendre les agriculteurs et les exportateurs de l'UE, ainsi que la Politique agricole commune, contre l'utilisation abusive par la Chine de mesures de protection commerciales", a-t-il ajouté, rappelant que la Commission avait déjà saisi l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à propos de ce dossier.
"Nous n'acceptons pas cette décision unilatérale, et sans fondement", a dit de son côté le ministre français du Commerce extérieur Nicolas Forissier.
"Nous ferons toujours en sorte de protéger nos filières. Dans ce sens, nous travaillons en étroite collaboration avec toutes les parties prenantes (entreprises, Commission, autres Etats membres) pour défendre les producteurs européens", a ajouté le ministre.
La semaine dernière, la Chine avait déjà annoncé imposer pour cinq ans des droits "antidumping" allant de 4,9% à 19,8% sur le porc et ses sous-produits importés de l'UE, sur la base d'une autre enquête ouverte en juillet 2024.
Toutefois, cette mesure avait été accueillie avec un certain soulagement par les producteurs porcins européens, qui subissaient des taux provisoires encore plus prohibitifs, pouvant s'élever jusqu'à 62,4%.
- Terres rares et puces électroniques -
Les relations commerciales entre l'UE et la Chine sont sous tension depuis 2024.
Après le bras de fer sur l'automobile, la Chine a également ciblé les importations de cognac et autres brandys européens.
L'UE reproche aussi à Pékin d'entretenir à coup de subventions d'énormes surcapacités dans la production d'acier, qui mettent en péril l'industrie européenne.
A tel point que la Commission a proposé cet automne des mesures protectionnistes sans précédent pour sauver les aciéristes de l'UE.
En outre, des mesures de restriction des exportations de terres rares, des matières premières essentielles pour des pans entiers de l'économie européenne, mises en œuvre cette année par Pékin, ont exacerbé ces tensions, amplifiées encore par le différend entre la Chine et les Pays-Bas autour du fabricant de composants électroniques Nexperia.