L' Europe perd ses pépites dans l' analyse extra-financière information fournie par Agefi Asset Management 29/04/2020 à 10:15
(NEWSManagers.com) - C'est une histoire d'innovation que l'Europe connaît trop bien : une fois sa notoriété établie, la pépite passe sous pavillon étranger. Le néerlandais Sustainalytics, spécialiste de l'analyse des données extra-financières, vient de se faire racheter en totalité par l'américain Morningstar. La suite logique d'un mouvement entamé en 2017, lorsque la société avait ouvert à hauteur de 40% son capital au géant de la notation de fonds. A 170 millions d'euros le prix de vente, plus d'un dirigeant aurait cédé aux sirènes de l'acquéreur.
Le cas Sustainalytics n'est malheureusement pas isolé dans le secteur de la recherche sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) appliqués aux entreprises. Du français Vigeo, fondé par Nicole Notat, à l'allemand Oekom, en passant par un autre français, Beyond Ratings, la quasi-totalité des pionniers européens se sont adossés ces dernières années à plus gros qu'eux, pour l'essentiel des groupes américains. C'est pourtant de ce côté-ci de l'Atlantique que l'investissement socialement responsable a commencé par gagner ses lettres de noblesse.
Un modèle économique à inventer
" L'Europe a inventé l'analyse ESG... elle en est désormais quasiment absente" , regrettait mercredi Philippe Zaouati, le directeur général de Mirova, la filiale de Natixis spécialisée dans la finance durable. La faute à un modèle économique difficile à trouver. Les spécialistes de l'analyse extra-financière vendent leur recherche aux investisseurs, toujours réticents à délier les cordons de leur bourse, alors que la notation traditionnelle se rémunère grâce aux émetteurs de titres financiers. Le nom des acheteurs dit tout de ce rapport de force. Morningstar donc, mais aussi le fournisseur d'indices MSCI, les agences de notation S&P et Moody's, la Bourse de Londres ou l'agence de conseil en vote ISS : que des poids lourds dans leur domaine, qui bénéficient souvent d'un marché oligopolistique, et voient aujourd'hui tous les bénéfices à tirer d'une diversification dans l'analyse extra-financière.
La place de l'ESG devrait en effet être appelée à grandir dans le monde de l'après-coronavirus. Demain plus qu'hier, les pratiques sociales ou environnementales des entreprises seront passées au crible. Les meilleurs élèves auront les faveurs des investisseurs, et l'assurance de figurer dans les indices qui drainent les milliers de milliards de dollars confiés à BlackRock et consorts. Mais ce seront les Américains qui fixeront le barème des notes.