L'avenir de la gestion d'actifs est vert, tech et tourné vers le retail information fournie par Agefi Asset Management 03/04/2019 à 18:30
(NEWSManagers.com) - Le cabinet Deloitte, en partenariat avec le consultant Casey Quirk, a
dévoilé son rapport annuel sur les tendances du secteur
de la gestion d'actifs. Trois grandes orientations ont été mises en
exergue à l'occasion d'une présentation à la presse de l'étude menée
auprès de 123 sociétés de gestion.
Tendance numéro 1, la clientèle retail est le marché de demain pour
les gestionnaires. L'impact de la loi Pacte sur l'épargne retraite va
redistribuer les cartes, forçant les Français à s'intéresser de plus
près à leur épargne et ouvrant à une plus grande concurrence un marché
que se partagent actuellement un nombre réduit d'acteurs, estiment les
auteurs de l'étude, qui s'attendent à une accélération du marché sur les
produits retraite.
Actuellement, l'assurance-vie pèse plus de 1.700 milliards d'euros
(dont 350Md€ en unités de compte), les produits de capitalisation
représentent un encours de 240 milliards d'euros quand l'épargne
réglementée s'élève à 400 milliards d'euros selon la Fédération
française de l'assurance. Les perspectives laissent penser à une
croissance soutenue du marché retail (120 à 180Md€ supplémentaires
attendus en UC sur trois ans et 60 à 100Md€ supplémentaires attendus sur
les produits de capitalisation).
Julien Galabert, senior manager chez Deloitte, a néanmoins expliqué
que les défis à relever étaient nombreux pour attirer les Français vers
les produits retraite. Selon une étude Deloitte - WeSave menée l'an
dernier, 85% des Français jugent les marchés complexes à analyser et 45%
des épargnants favorisent un rendement faible pour éliminer le risque
de perte tout en se disant ouverts à une plus grande tolérance du risque
s'ils connaissaient mieux les marchés. En clair, il va falloir faire
preuve de pédagogie financière afin d'amener le client retail à prendre
du risque et il va surtout falloir revoir les gammes de produits qui lui
sont proposées ainsi que la manière de les lui vendre.
" Ce n'est pas parce que le gestionnaire d'actifs n'est pas en contact
direct avec le client final qu'il ne faut pas recréer avec celui-ci une
relation pour mieux répondre à ses attentes et ses besoins. Le
distributeur ne choisit pas ce qui apporte de la valeur au client final.
On le voit dans la grande distribution. Les marques se sont mises au
" mieux consommer" sous la pression des consommateurs. Cela arrivera
demain dans la gestion d'actifs, les épargnants auront un certain nombre
d'attentes et les gagnants seront ceux qui auront su les écouter,"
explique Julien Galabert.
Selon le senior manager de Deloitte, le problème majeur côté
gestionnaires d'actifs reste que les produits retail ne sont trop
souvent que des produits destinés aux institutionnels reconditionnés
pour la clientèle de masse. Or, des gammes spécifiquement adaptées aux
retail et à leurs aspirations doivent être créées. Ceci doit notamment
inclure la comparaison des performances des fonds, non pas avec des
indices de marché, mais avec des indices plus ancrés dans la vie réelle
(pouvoir d'achat, inflation, impact environnemental) et la conception de
produits " aspirationnels" pour former une proposition ciblée au client
retail.
" Les gestionnaires ne doivent plus faire du " push" produit bancaire" ,
résume Pascal Koenig, responsable asset management chez Deloitte, qui
conseille aux gestionnaires de passer davantage de temps sur leurs
stratégies marketing vis-à-vis de la clientèle retail.
Mise au vert
Aussi les particuliers, comme les institutionnels, veulent-ils donner
du sens à leurs investissements, ce qui amène une deuxième tendance :
l'investissement socialement responsable dont la croissance progresse
bien plus vite que le secteur des fonds dans son ensemble.
La France tire son épingle du jeu dans ce domaine mais le marché ISR
demeure à 80% tourné vers une clientèle institutionnelle, soulignent
Deloitte et Casey Quirk. Les encours sur les fonds ISR en France mi-2018
atteignaient 145 milliards d'euros répartis dans 439 fonds selon
Novethic mi-2018.
L'étude note que 84% des sociétés de gestion interrogées se déclarent
compétitives ou adaptées quant à l'intégration des critères
environnementaux, sociaux et de gouvernance dans les processus
d'investissement des fonds, cette proportion tombe à 62% sur le sujet de
l'intégration de l'ESG dans les processus de vente des fonds.
61% des firmes sondées pensent être compétitives ou adaptées pour
faire de l'ESG un critère de distinction de leur marque quand 38%
répondent être à la traîne sur le sujet. En revanche, 54% des
gestionnaires d'actifs sondés se disent en retard sur le sujet de la
reconnaissance de la marque comme acteur responsable quand 38%
s'estiment adaptés ou compétitifs et 8% leaders sur la question.
Deloitte en tire la conclusion que de nombreux gérants peinent à
articuler un message ESG qui se distingue des autres et à l'attacher à
leur marque.
Autre enseignement de l'étude: 31% des sociétés de
gestion interrogées envisagent de créer d'ici deux ans des produits sur
la thématique ESG/investissement responsable - en deuxième position
derrière la création de produits crédit (39%) et à égalité avec la dette
privée.
Pour les pionniers de l'ISR/ESG, le risque existe d'une dilution du
message et d'une perte d'identité selon Pascal Koenig, qui
précise toutefois qu'il ne s'agit que de déclarations d'intentions et
note l'essor de la gestion thématique ISR (fonds sur l'eau, le climat,
la transition énergétique, etc). L'industrie européenne des fonds qui
compte environ 60 000 produits risque de voir un certain nombre de
stratégies disparaître devant la montée des fonds thématiques et la
pression des ETF, analyse Pascal Koenig, selon qui les fonds actions
large cap euro et les fonds investis en obligations gouvernementales
figureront parmi les premières victimes.
Big data: les SGP à la traîne
La troisième et dernière tendance constatée par Deloitte et Casey
Quirk concerne les investissements dans les nouvelles technologies
et compétences des sociétés de gestion dont la propension devrait
augmenter significativement au cours des trois à cinq années à venir.
Les sociétés de gestion sont en retard par rapport au reste des acteurs
de la finance dans le domaine technologique, notamment sur le plan du
big data.
50% des sociétés de gestion sondées par Casey Quirk n'utilisent pas
le big data dans leur force de vente, 33% l'utilisent de façon mineure
et seulement 17% témoignent d'un usage important. Elément surprenant de
l'étude, un tiers des gestionnaires d'actifs sondés se repose sur les
compétences de sales junior pour les responsabilités liées au big data.
La recherche de Deloitte et Casey Quirk suggère des bénéfices pour
les sociétés de gestion utilisant le big data, qui ont moins de réunions
par an en moyenne que les autres (115 contre 137 pour celles qui
n'utilisent pas le big data) et un taux de prospects qualifiés plus
élevé par réunion (18,1% contre 11% pour celles qui n'utilisent pas le
big data). L'étude trouve aussi un lien de corrélation avec la
croissance annuelle organique observée des sociétés entre septembre 2015
et septembre 2018, les entreprises usant du big data ayant connu une
croissance annuelle organique de 3% en moyenne lorsque celles ne
l'utilisant pas ont fait face à une décroissance annuelle organique de
2% en moyenne sur la même période.
Deloitte estime que l'utilisation de l'intelligence artificielle par
les sociétés de gestion est aujourd'hui incontournable pour rechercher
de nouveaux relais de croissance, identifier des sources d'alpha via
l'exploitation de la donnée non structurée - selon Pascal Koenig,
l'avenir est au couple gérant de fonds-data scientist - améliorer leur
distribution des produits et leur efficacité opérationnelle.
Le consultant constate aussi une hausse des partenariats stratégiques
entre sociétés de gestion et acteurs innovants présents sur les
nouvelles technologies pour la création et distribution de nouveaux
produits/services ou l'efficacité opérationnelle (Axa IM avec Dreams,
Candriam avec IBM Watson, Iznes qui distribue les parts d'OPC d'une
vingtaine de sociétés de gestion via un processus basé sur la
blockchain). L'émergence de modèles intégrant l'ensemble de la chaîne de
valeur, comme c'est le cas avec OFI AM qui peut s'appuyer sur Iznes,
Crystal Finance, Expert & Finance ainsi que Finaveo, est une
tendance qui va se développer.
En filigrane de ces trois grandes tendances apparaît le principal
sujet pour la gestion d'actifs, à savoir l'optimisation des coûts et
l'amélioration des infrastructures et des effectifs au niveau
opérationnel. En résumé, les sociétés de gestion, qui s'estiment
étouffées par les coûts de contrainte (adaptation, réglementation, etc),
doivent être aidées par les nouvelles technologies. L'étude de
Deloitte-Casey Quirk montre que les sociétés de gestion en croissance
rentable rationalisent leurs fonctions supports, faisant appel à moins
de ressources mais plus d'externalisation. Exemple concret, les regtechs
qui améliorent les processus de mise en conformité des SGP et diminuent
les coûts liées à la surréglementation.
La menace pour Pascal Koenig s'appelle aujourd'hui Apple et sa carte
de crédit utilisable sur un iPhone qu'il a conçue avec Goldman Sachs et
Mastercard. La marque à la pomme pourrait-elle entrer dans le secteur de
la gestion d'actifs? " Quand on rentre dans le secteur bancaire, c'est
assez facile de dériver" , a répondu Pascal Koenig.