Jusqu’où Wall Street peut-il monter ? information fournie par Café de la Bourse 07/10/2025 à 16:06
Depuis le début de l'année 2025, Wall Street aligne les records. Le Nasdaq s'est déjà hissé 29 fois à de nouveaux sommets et affiche un gain d'environ 16 %, devançant le S&P 500 (+13 % et 28 records) et le Dow Jones (+8 % et 7 records) au 24 septembre 2025.
Sur cinq ans, la performance reste impressionnante : plus de 110 % pour le Nasdaq, 105 % pour le S&P 500 et 72 % pour le Dow, soutenus par la reprise post-Covid et l'engouement autour de l'intelligence artificielle. Mais cette envolée soulève désormais une question centrale : le rallye de Wall Street peut-il encore durer ?
Les bénéfices des entreprises américaines peuvent-ils continuer de surprendre à la hausse ?
Les dernières publications de résultats ont montré une résilience remarquable des entreprises américaines. Alors que l'instauration des droits de douane par l'administration Trump début 2025 avait fait craindre un impact sévère sur les marges des entreprises américaines, la saison des résultats s'est révélée bien plus robuste que prévu.
Selon BlackRock, les bénéfices du S&P 500 sont en passe d'afficher une croissance de 12 % au deuxième trimestre 2025 par rapport au T2 2024, soit un troisième trimestre consécutif de croissance à deux chiffres. Plus frappant encore, près de 80 % des sociétés de l'indice ont dépassé les attentes en matière de chiffre d'affaires comme de bénéfices, contre une moyenne historique proche de 60 %. Dans le même temps, 58 % des entreprises ont révisé à la hausse leurs prévisions pour l'ensemble de 2025 au deuxième trimestre, soit deux fois plus qu'au premier.
Ces résultats solides ont contribué à soutenir les indices malgré l'incertitude entourant l'effet réel des tarifs douaniers. Certains investisseurs estiment d'ailleurs que le marché pourrait avoir surestimé la capacité des entreprises à absorber durablement ces pressions. Autrement dit, la saison des résultats a peut-être masqué des risques qui ne se sont pas encore pleinement matérialisés.
Ce dépassement des attentes s'accompagne d'un environnement d'investissement exceptionnel. Les grandes entreprises technologiques devraient engager près de 400 milliards de dollars en 2025 dans des projets liés à l'intelligence artificielle par exemple. L'investissement total des entreprises américaines représentait déjà 10 % du PIB l'an dernier, un niveau inédit depuis l'introduction des rapports trimestriels en 1970.
Cette dynamique semble alimenter la confiance des marchés. Toutefois, cette confiance a un prix. Selon Bloomberg, le ratio cours/bénéfice prévisionnel à 12 mois du S&P 500 a atteint 22,9 cette semaine, un niveau qui n'a été dépassé que deux fois en vingt-cinq ans : lors de la bulle Internet et durant le rebond post-Covid, quand la Fed avait ramené ses taux proches de zéro.
Autrement dit, si les bénéfices continuent d'étonner par leur solidité, la valorisation du marché américain reflète déjà une bonne partie de cet optimisme. Les marges des grandes entreprises, notamment technologiques, pourraient continuer à soutenir les indices américains, mais les analystes jugent les prévisions pour 2026 trop ambitieuses. La tendance reste donc haussière, mais le profil risque/rendement apparaît de plus en plus comprimé.
L'effet IA suffira-t-il à propulser Wall Street vers de nouveaux sommets ?
Le boom de l'intelligence artificielle a sans conteste été le moteur de la reprise de Wall Street en 2025 et lors des années précédentes. Porté par une poignée de géants technologiques comme Nvidia, Microsoft, Apple et Amazon, le S&P 500 a par exemple enchaîné les records, profitant d'une dynamique d'investissement sans précédent. Mais cette dépendance extrême à quelques entreprises soulève de sérieuses interrogations sur la durabilité de la tendance de Wall Street.
Aujourd'hui, la concentration atteint des niveaux historiques : les dix premières capitalisations représentent 39,5 % de la valeur totale du S&P 500, un record absolu. Autrement dit, la santé de l'indice dépend largement des résultats et des perspectives de ces quelques sociétés. En avril 2025, déjà, une correction brutale des valeurs technologiques avait suffi à faire plier l'ensemble du marché, malgré des publications solides dans d'autres secteurs.
Le débat autour d'une « bulle de l'IA » prend donc de l'ampleur. Certes, l'IA représente une révolution technologique majeure et justifie des investissements massifs. Mais certains observateurs de premier plan, de Sam Altman à Ray Dalio, mettent en garde : le marché pourrait être « sur optimiste » avec des anticipations de rendements à court terme qui dépassent largement la réalité économique.
Tant que ces géants poursuivent leur ascension, Wall Street peut continuer de grimper. Mais si l'un d'eux trébuche, la dépendance excessive du marché à ces quelques entreprises pourrait transformer ce moteur de croissance en facteur de correction.
Les investisseurs ont-ils raison d'ignorer les risques pesant sur le marché de l'emploi américain ?
La vigueur du marché du travail a longtemps été l'un des piliers de l'économie américaine, soutenant à la fois la consommation et la confiance des entreprises malgré des taux d'intérêt élevés. Mais les signes de fragilité s'accumulent.
La croissance de l'emploi ralentit, le chômage progresse légèrement et les indicateurs comme les salaires, les licenciements et les offres d'emploi évoluent dans une direction moins favorable. Pourtant, malgré ce tableau plus sombre, Wall Street continue de progresser, partiellement porté par l'idée que la Fed finira par assouplir sa politique monétaire et que la consommation restera solide.
Les chiffres récents semblent donner raison à cet optimisme : les ventes au détail d'août aux Etats-Unis ont surpris à la hausse (+0,6 %) et représentent le 3e mois de gains, démontrant la résilience des ménages américains. Mais une question demeure : cette résilience est-elle durable ? Car la détérioration du marché du travail pourrait tôt ou tard peser sur les dépenses des consommateurs et sur l'appétit d'investissement des entreprises. Une telle évolution ne signifie pas nécessairement une récession imminente, mais elle réduit la visibilité et accroît la vulnérabilité du cycle de croissance de la Bourse américaine.
Plusieurs facteurs expliquent ces tensions : l'impact croissant de l'intelligence artificielle sur certains emplois, le durcissement des politiques migratoires depuis l'arrivée au pouvoir de Donald Trump ou encore les droits de douane, qui entretiennent un climat d'incertitude et freinent les embauches dans les secteurs les plus exposés. Ces éléments fragilisent la dynamique de l'emploi au moment même où l'inflation continue de montrer des signes de persistance.
Ainsi, si les investisseurs choisissent pour l'instant d'ignorer ces signaux, misant sur la capacité des ménages à soutenir la croissance, le risque que le marché du travail devienne un frein plus marqué à l'économie américaine dans les prochains trimestres est réel. Autrement dit, il s'agit moins de savoir si l'emploi se détériore que comment cette détérioration influencera la consommation et l'investissement.
Qu'attendre de Wall Street pour fin 2025 et 2026 ?
À l'approche de la fin de l'année, Wall Street aborde une phase charnière. Après une envolée depuis la correction d'avril, les indices américains montrent désormais des signes d'essoufflement. Les investisseurs semblent en quête de nouveaux catalyseurs, tandis que l'inflation reste persistante et que le marché du travail envoie des signaux contradictoires.
Certains observateurs, comme BlackRock, rappellent que des valorisations élevées ne suffisent pas à provoquer une correction. Ce qui fait dérailler les marchés, ce n'est pas tant le fait que les actions américaines soient chères que la fragilité des fondamentaux économiques. Tant que les entreprises continuent d'investir massivement et que leurs bénéfices progressent, la trajectoire haussière peut se poursuivre.
Cependant, la concentration extrême des grands indices américains autour de la performance autour de quelques géants technologiques, l'incertitude sur l'impact réel des droits de douane et les tensions croissantes sur l'emploi constituent des fragilités. Le risque n'est pas celui d'un effondrement brutal à court terme, mais plutôt d'une progression plus difficile, marquée par des phases de volatilité accentuées.
En définitive, la question n'est pas seulement de savoir jusqu'où Wall Street peut monter, mais de comprendre sur quelles bases il pourra continuer d'avancer. Si la dynamique des bénéfices se maintient et que l'économie évite un ralentissement marqué, de nouveaux sommets restent possibles. Mais pour 2026, la dépendance du marché à un nombre limité de moteurs et les défis macroéconomiques appellent à la prudence.