Guerre commerciale : l’apparence d’une trêve information fournie par Le Cercle des économistes 01/12/2025 à 08:27
La guerre commerciale initiée par Donald Trump est loin d'être terminée. Christian de Boissieu explique pourquoi elle ne fait que connaître une trêve fragile
Si le président américain a tempéré ses velléités tarifaires, c'est en grande partie à cause des dernières nouvelles sur le front économique. Aux Etats-Unis, l'inflation reste accrochée à un rythme d'environ 3% par an, alors que la Fed conserve son objectif de hausse des prix à 2%. Donald Trump et ses conseillers ont fini par comprendre que des droits de douane de 50% sur l'acier et l'aluminium ne pourraient qu'alimenter cette inflation, mais aussi pénaliser la croissance américaine au moment où le marché du travail donne des signes de ralentissement. Le taux de chômage aux Etats-Unis reste modique, mais il va logiquement remonter avec les moindres créations d'emplois au mois le mois.
La rencontre du 30 octobre entre Donald Trump et Xi Jinping en Corée du Sud, plus courte que prévue, s'est conclue par des sourires et la perspective de nouvelles négociations en 2026. A défaut d'accord commercial global, les sujets demeurent. Du côté américain, il s'agit de vendre plus de soja aux Chinois, de se protéger contre l'importation de fentanyl, d'accéder plus facilement aux terres rares chinoises essentielles pour l'industrie. L'heure n'est plus aux droits de douane astronomiques, qui ne feraient que des perdants y compris du côté américain. Il s'agit maintenant de dessiner les contours de ce qui pourrait devenir un scénario gagnant-gagnant à condition que la partie chinoise résiste au diktat et à l'unilatéralisme de Donald Trump. La Chine en a les moyens géopolitiques, économiques et financiers, beaucoup plus que l'Europe.
Un accord très déséquilibré pour l'UE désormais acté
Les Européens viennent justement de rencontrer il y a quelques jours à Bruxelles Howard Lutnik et Jamieson Greer, respectivement Secrétaire américain au Commerce et Représentant spécial pour le même sujet. L'accord très déséquilibré en notre défaveur de juillet dernier, symbole de notre bien triste recul géopolitique, est désormais acté, avec des droits de douane de 15% sur les produits européens entrant aux Etats-Unis. Un tarif qui n'a de «réciproque» que le nom… La discussion devient plus granulaire : les Américains consentent à abaisser vis-à-vis de nous les droits sur l'acier et l'aluminium (mais je répète qu'il s'agit là d'une fausse concession, car il est dans leur intérêt de le faire pour lutter contre les tensions inflationnistes aux Etats-Unis…) contre la réduction des protections européennes dans le numérique. Là encore, les enjeux paraissent déséquilibrés en défaveur de l'Europe. Mais nous ne sommes plus à une asymétrie près ! L'Europe continue à brandir la menace de son dispositif «anti-coercition» (exclusion des marchés publics, représailles relatives aux services y compris bancaires et financiers…) sans trop y croire elle-même.
Face au protectionnisme américain, la Chine accroît ses exportations vers l'Europe. A nous de nous départir d'une naïveté souvent confondante, en actualisant nos relations commerciales avec les Chinois sur une base moins déséquilibrée. L'acier en fournit une illustration brûlante avec les défis qui assaillent ArcelorMittal : l'UE ne devra pas hésiter à appliquer un tarif douanier élevé (jusqu'à 50%) sur ses importations d'acier en provenance de Chine, sauf à aborder le sujet dans le cadre d'un paquet plus global.
La montée du bilatéralisme, conçu souvent par Donal Trump comme du pur unilatéralisme, signale la fragmentation présente de l'économie mondiale mais aussi l'impuissance totale de l'OMC, qui date au moins de la présidence Obama. De ce côté-là, nous ne retrouverons pas de sitôt un arbitre efficace et crédible des conflits commerciaux internationaux.
Trump pousse le dollar à la baisse
Pour la plus grande satisfaction du président américain, le volet monétaire conforte à court terme le jeu des tarifs douaniers. Car, en accélérant le recul des taux d'intérêt américains par une pression indécente sur les décisions de la Fed, Donald Trump pousse le dollar à la baisse.
Tant que les capitaux étrangers continuent à financer sans trop d'exigences financières les considérables déficits jumeaux américains (déficit budgétaire et déficit extérieur), le scénario est gagnant pour les Etats-Unis, d'autant plus qu'il s'accompagne d'une promotion sans limites des stablecoins en dollars censés renforcer le rôle international du billet vert.
Mais la dépréciation du dollar pourrait, dès les prochains trimestres, se révéler un jeu dangereux si elle atteint un seuil à partir duquel les créanciers des Etats-Unis prennent peur et exigent alors des primes de risque conséquentes, c'est-à-dire des taux d'intérêt vraiment élevés de la part du Trésor américain.