France: Décision de justice défavorable dans un litige avec des franchisés information fournie par Reuters 03/07/2025 à 16:45
Le tribunal de commerce de Rennes a rendu jeudi une décision défavorable à l'encontre de Carrefour concernant des aspects procéduraux de son litige l'opposant à une association de franchisés.
L'Association des franchisés Carrefour (AFC), qui revendique environ 350 adhérents, reproche au distributeur d'imposer des contrats trop déséquilibrés à ses franchisés et a introduit une action en justice.
Le tribunal s'est notamment déclaré jeudi compétent pour juger le litige, et a jugé l'action de l'AFC recevable, à l'encontre des demandes de Carrefour.
Le groupe de distribution a annoncé son intention d'interjeter appel.
"Carrefour prend acte du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Rennes, qui tranche seulement différentes questions de procédure", déclare le distributeur dans un communiqué envoyé à Reuters.
"Nous faisons appel de cette décision technique qui n’a aucun impact sur la franchise Carrefour", ajoute-t-il, précisant que cet appel est suspensif.
Le directeur financier du groupe Matthieu Malige a déclaré à Reuters jeudi que son modèle de franchise était "le plus attractif sur le marché".
Interrogé sur le risque financier potentiel, pour Carrefour, s'il perdait tout ou partie de la procédure, Matthieu Malige a dit "ne pas faire de spéculation" et "être confiant".
Début mars, l'AFC a par ailleurs annoncé son intention de s'approvisionner en certains produits auprès de fournisseurs alternatifs, une initiative baptisée Projet X, remettant ainsi en cause le modèle d'achat traditionnel du détaillant.
Matthieu Malige a affirmé "n'avoir vu aucun impact" de ce projet sur les volumes d'activités du groupe.
Le sujet s'avère politique car le ministère de l'Economie est intervenu dans le dossier en juin 2024, estimant que les pratiques de Carrefour vis-à-vis de ses franchisés "sont constitutives d'une soumission à un déséquilibre significatif", et demandant entre autres une amende de 200 millions d'euros à l'encontre de Carrefour.
La nouvelle de cette position de Bercy, publiée par le journal La Lettre, avait provoqué une chute de Carrefour en Bourse.
En février 2025, le ministère public a déclaré soutenir les mêmes demandes que Bercy.
La procédure devant le tribunal de Rennes s'annonce toutefois longue. Outre son appel suspensif annoncé jeudi, Carrefour indiquait à Reuters en avril qu'un "éventuel examen du dossier sur le fond" devrait prendre "au moins 12 à 18 mois".
QUEL IMPACT POUR CARREFOUR ?
Les analystes financiers divergent sur l'impact potentiel de ce litige sur Carrefour.
Lors de la nouvelle de la position de Bercy en juin 2024, les analystes de HSBC avaient jugé "disproportionnée" l'amende demandée, soulignant que les contrats de franchise leur semblaient "similaires" à ceux pratiqués par les concurrents.
Le mois dernier, les analystes de JPMorgan ont évoqué dans une note une possible baisse du résultat opérationnel du groupe et de son bénéfice par action, mais sans faire du modèle de franchise un sujet.
Contacté par Reuters, François Digard, analyste chez Kepler Cheuvreux, a jugé pour sa part le mois dernier que les contestations de franchisés demeuraient réduites. D'après lui, le projet X de l'AFC est "très symbolique, mais économiquement assez marginal à l'échelle de Carrefour".
"Sans parler de remise à plat, il serait sans doute souhaitable que le groupe ajuste ses conditions aux réalités du terrain pour les franchisés confrontés à des zones plus difficiles" afin de protéger sa réputation et de garder la confiance des investisseurs, a-t-il toutefois souligné.
"Si vos partenaires franchisés ne gagnent pas d'argent, ils ne vont pas survivre. Cet arrangement [actuel] ne peut pas se maintenir à moyen et long terme", a estimé pour sa part en juin Nishant Choudhary, analyste chez AlphaValue auprès de Reuters.
D'après lui, dans la proximité, les marges que Carrefour dégage sur la cession de produits aux franchisés sont de 8% à 10% supérieures aux moyennes du marché.
Interrogé à ce sujet, Matthieu Malige a dit que le groupe ne publiait pas ces chiffres.
"Si Carrefour accorde des rabais, il perd des marges bénéficiaires. Si ce n'est pas le cas, il joue un jeu à haut risque", a estimé Nishant Choudhary.
(Reportage par Florence Loève, édité par Blandine Hénault)