Fragmentation des marchés de capitaux dans l'UE : Bruno Le Maire propose la création d'un produit d'épargne européen information fournie par Boursorama avec Media Services 23/02/2024 à 12:05
L'Union européenne souffre de la fragmentation de ses marchés de capitaux, morcelés entre les différents pays membres, et discute depuis des années de propositions pour bénéficier d'effets d'échelle comparables au marché américain.
"L'argent des Européens dort au lieu de travailler." Ce vendredi 23 février, le ministre français des Finances Bruno Le Maire a proposé la création d'un "produit d'épargne européen" avec les Etats de l'UE qui le souhaitent, afin de mobiliser les capitaux privés au service de la croissance. L'Allemagne a aussitôt rejeté cette idée.
"Lançons dès 2024 un produit d'épargne européen dont nous définirons les caractéristiques, le rendement, avec les Etats volontaires", a déclaré Bruno Le Maire, avant une réunion avec ses homologues des Vingt-Sept à Gand (Belgique). Il a évoqué la possibilité qu'une poignée de pays participent à cette initiative pour construire une union des marchés de capitaux en Europe. "Ce sera peut-être 2, 3, 4, 5 Etats, peu importe. Mais comme il est impossible de démarrer tout de suite à 27, démarrons à quelques uns", a dit le ministre français, sans préciser quels pourraient être les Etats volontaires.
Ce produit viserait à mieux orienter les économies des citoyens de l'UE vers le financement à long terme des entreprises, à l'aide d'une fiscalité attractive. Il pourrait prendre par exemple la forme d'un plan d'épargne retraite (PER) européen, explique-t-on au ministère français des Finances. Il existe certes déjà un produit d'épargne paneuropéen, créé en 2019, le PEPP (Pan European Personal Pension Product) mais sa distribution se heurte à une tarification et une fiscalité non harmonisées d'un Etat membre à l'autre.
"Je plaide pour une union à pleine vitesse"
Le ministre allemand des Finances, Christian Lindner, a cependant rejeté à Gand l'initiative française. La France et l'Allemagne ont signé récemment une tribune commune pour relancer le projet d'union des marchés de capitaux, a rappelé Bruno Le Maire, "mais c'est bien quand les actes rejoignent les paroles", a-t-il raillé. "Je plaide pour une union non pas à plusieurs vitesses, comme le dit mon ami Bruno, mais à pleine vitesse, c'est-à-dire qui avance rapidement avec les 27", lui a répondu Christian Lindner. "Il n'est pas exclu que des initiatives bilatérales ou en petit comité soient aussi envisageables mais l'objectif doit être d'avancer ensemble", a-t-il affirmé.
L'Union européenne souffre de la fragmentation de ses marchés de capitaux, morcelés entre les différents pays membres. Elle discute depuis des années de propositions pour bénéficier d'effets d'échelle comparables au marché américain. Mais ces débats achoppent sur des intérêts divergents au sein des Vingt-Sept. "Il y a chez moi beaucoup d'impatience (...). Je ne viens pas à Gand rencontrer mes amis ministres des Finances pour taper la causette", a lancé Bruno Le Maire. "Je ne viens pas pour publier le 10e, 15e ou 20e communiqué sur l'Union des marchés de capitaux dans lequel il n'y a rien ou presque rien".
L'épargne des Européens évaluée à quelque 35.000 milliards d'euros
Des marchés de capitaux efficaces permettent aux entreprises de financer plus facilement leurs projets et aux particuliers de trouver de meilleures offres d'investissement. Outre le produit d'épargne européen, Bruno Le Maire a proposé aux gestionnaires d'actifs, aux banques et bourses européennes "une supervision européenne volontaire qui pourrait être exercée par l'autorité des marchés financiers européens". Il a également mis sur la table un projet de "garantie pour la titrisation", de façon à ce que "les titres arrêtent de peser sur le bilan des banques" et qu'elles puissent ainsi "prêter plus aux particuliers et aux entreprises". "L'argent des Européens dort au lieu de travailler", a affirmé le ministre. "Si nous voulons que l'argent européen travaille au lieu de dormir, il faut mettre en place l'Union des marchés de capitaux sans délai et il doit y avoir des progrès dès 2024".
Il a évalué à quelque 35.000 milliards d'euros l'épargne des Européens, dont "plus de 10.000 milliards dorment sur des comptes bancaires". Cet argent "doit travailler à la croissance, à l'innovation, à la recherche, pour les entreprises et pour l'emploi", a-t-il ajouté. "Nous avons une bataille décisive devant nous, c'est la croissance", a-t-il encore affirmé évoquant le décrochage de l'UE par rapport aux Etats-Unis. "Personne ne peut accepter que la croissance européenne soit un point en dessous de la croissance américaine", a-t-il dit.