* Pour le leader du marché, l'ETF n'a rien d'effrayant
* Un produit innovant, simple et transparent
* Certaines variantes réclament de la vigilance
par Patrick Vignal
PARIS, 20 octobre (Reuters) - Accablés de tous les maux par
leurs détracteurs, les fonds indiciels cotés dits ETF
(exchange-traded funds) provoquent des bouleversements dans le
monde de la finance dont il ne faut pas avoir peur, assure-t-on
chez le gérant d'actifs américain BlackRock BLK.N , numéro un
mondial du secteur.
Simples, abordables, transparents et gérés de manière
passive, c'est-à-dire automatisée, ces fonds cotés en Bourse et
adossés à un indice dont ils ont pour objectif de répliquer la
performance agacent certains tenants de la gestion active qui
les accusent de perturber les marchés, voire de tuer
l'investissement.
"Il y a des côtés révolutionnaires mais il n'y a rien de
magique, c'est juste un panier de titres qui cote", dit à
Reuters Benoit Sorel, directeur d'iShares (les ETF de BlackRock)
pour la France, la Belgique et le Luxembourg.
Le marché des ETF ne concerne pas simplement les actions
mais s'est étendu à d'autres actifs comme les obligations et les
matières premières. Si plus de 200 sociétés de gestion dans le
monde en proposent, le marché reste très concentré puisque les
trois leaders (BlackRock et ses compatriotes Vanguard et State
Street) en contrôlent près de 70%.
"Cette concentration est nécessaire parce qu'elle garantit
que les gros volumes sont sur les ETF les plus liquides", plaide
Benoit Sorel.
"L'ETF n'est qu'un véhicule d'investissement dont la beauté
est d'être coté en Bourse et l'utilité est d'être très liquide.
Il ne présente pas de risque de gestion tout en offrant une
amélioration de la liquidité et de la performance."
CRITIQUES ET INQUIÉTUDES
Instruit des critiques des uns et des inquiétudes des
autres, BlackRock a réalisé une étude pour tenter de
dédiaboliser les ETF, apparus aux Etats-Unis en 1990 et lancés
en Europe 10 ans plus tard.
Selon les chiffres de cette étude, la gestion indicielle ne
recouvre que 17,5% du marché actions contre 25,6% pour la
gestion active. La révolution, cependant, est bien là.
Un net mouvement de collecte sur les fonds indiciels et de
décollecte sur les fonds actifs suggère en effet que les
premiers devraient bientôt rejoindre les seconds, voire les
dépasser.
"Les gérants actifs ont cependant bien plus d'actions sur le
marché parce qu'ils font des décisions d'investissement tous les
jours, alors que le gérant indiciel a un portefeuille très
stable sur lequel il intervient assez peu", tempère Benoit
Sorel.
"On estime que pour chaque dollar acheté ou vendu sur les
actions US par les stratégies indicielles, il y a 22 dollars
échangés par des gérants actifs", poursuit-il. "Les ETF attirent
les flux mais ils ne vont pas perturber la fixation des prix."
Dès 2011 pourtant, plusieurs régulateurs, dont le Conseil de
stabilité financière (FSB), ont tourné leurs regards vers les
ETF, visant particulièrement l'émergence de versions plus
complexes dites à réplication synthétique, qui utilisent des
"swaps", soit un échange avec un autre acteur financier, le plus
souvent une banque, qui s'engage à "coller" au plus près de
l'indice, avec du collatéral en garantie.
Le débat entre réplication physique et synthétique est en
train d'être tranché en faveur de la première méthode, les
pionniers des ETF synthétiques comme DBX (Deutsche Bank
DBKGn.DE ), Lyxor (Société Générale SOGN.PA ) ou Amundi
AMUN.PA revenant sur leur pas, explique Benoit Sorel.
"Dans l'absolu, cela n'a aucun sens de rajouter une tierce
personne bancaire pour gérer un swap", dit-il. "Si on me donne
de l'argent pour gérer des actifs, pourquoi devrais-je déléguer
cette gestion à une banque et pourquoi le ferait-elle mieux que
moi ?"
L'AVENIR DE L'ÉPARGNE
Plus facile à appréhender que d'autres véhicules, l'ETF
devrait connaître un nouveau coup d'accélérateur en janvier avec
l'entrée en vigueur de la directive européenne MiFID II, qui
imposera notamment aux gérants actifs de justifier les frais
qu'ils facturent à leurs clients.
"Je comprends que l'industrie financière puisse avoir peur
ou être agacée par cette évolution mais pour moi, elle a un côté
plutôt vertueux", dit Benoit Sorel.
"L'ETF a cassé la chaîne de valeurs en démocratisant l'accès
aux marchés de capitaux et en permettant aux petits épargnants
d'investir en Bourse, y compris sur l'obligataire (...) Pour
moi, l'ETF, c'est l'avenir de l'épargne individuelle."
Cette arrivée massive d'investisseurs particuliers
susceptibles de vendre en panique en cas de retournement du
marché crée cependant un risque, reconnaît Benoit Sorel. Dans ce
type de scénario, les investisseurs institutionnels comme les
assureurs ou les fonds de pension pourraient procéder à des
rachats immédiats, ce qui aurait pour effet de rééquilibrer le
marché, ajoute-t-il.
Dans le vaste univers des ETF, il est des galaxies sur
lesquelles il est fondé d'avoir des craintes, admet Benoit
Sorel, qui réclame une grande vigilance à l'égard de certaines
variantes exotiques.
"Les ETF doivent rester des paniers physiques liquides et
transparents et il faut veiller à ce que l'on met dedans",
dit-il. "Sur les ETF avec de gros effets de levier vis-à-vis du
marché, qui pour moi ne sont pas des ETF, il y a un vrai
problème, surtout si l'on distribue ces produits à des
particuliers, ce qui est le cas."
Voir aussi :
ECLAIRAGE-L'essor des ETF se poursuit, non sans craintes
ECLAIRAGE-Gestion-La révolution digitale, revanche pour la
gestion active?
(édité par Blandine Hénault)