En Bourse, mieux vaut coller au terrain, qu’au sentiment de marché information fournie par Les sélections de Roland LASKINE 26/09/2025 à 12:26
Le 26 septembre 2025
Trop haut les marchés, bien trop haut… Cette idée, relayée par de nombreux commentateurs, est aujourd'hui fort répandue sur les réseaux sociaux. La Bourse refuserait obstinément de voir que l'économie est en crise et de ne pas comprendre que le monde est au plus mal. Cette semaine, même le très éminent président de la Fed Jérôme Powell a déclaré que « le prix des actifs financiers, comprenant les actions, se situe à des niveaux assez élevés ». L'avertissement est feutré, mais l'expérience montre que quand le patron de banque centrale des Etats-Unis fait ce type de déclaration, il n'est pas loin de penser que Wall Street est hors de prix.
Difficile de donner tort à Jerome Powell. Le niveau de valorisation de la Bourse américaine est effectivement historiquement élevé. Sa sortie ressemble à s'y méprendre à la déclaration d'Alan Greenspan sur « l'exubérance irrationnelle » lancée début décembre 1996. L'ancien et brillantissime patron de la Fed, aujourd'hui âgé de 99 ans, avait bien vu le danger que représente un emballement trop rapide des cours de Bourse. Il n'empêche que Wall Street a continué de monter pendant près de quatre ans, avant de ne finalement corriger qu'en septembre 2000. Ce rappel historique nous enseigne que ce n'est pas parce qu'un marché est cher qu'il va s'effondrer demain matin. De la même manière que Socrate déclarait que sa seule certitude est « de ne rien savoir », nous savons tous que les marchés corrigeront un jour ou l'autre. Le problème est que nul ne sait quand l'inévitable se produira.
Dès lors, faut-il rester à l'écart d'un marché dont on sait qu'il est cher, mais qui trouve tous les jours de bonnes raisons d'aller plus haut ? Il me semble qu'un boursier actif peut difficilement rester à l'écart d'un marché qui monte, que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Même si le doute doit toujours rester présent dans son esprit, il sait qu'il a plus intérêt à rester investi, qu'à se détourner de la Bourse. Regarder les trains passés sans agir, c'est le moyen le plus sûr de faire une énorme bourde en revenant à l'achat au plus mauvais moment. La meilleure attitude est de faire preuve de pragmatisme, en continuant de « faire le job » : un travail de recherche permanent des meilleures valeurs du moment ou de sélection sectorielle et géographique des ETF les plus pertinents. C'est ce que nous nous efforçons de faire, avec plus ou moins de succès selon les jours…
Après avoir expliqué, avec le père de la philosophie grec, que notre seule certitude est de « ne rien savoir », il nous faut tout de même trouver quelques arguments pour justifier nos arbitrages. Lorsqu'il est question de Bourse, il faut bien garder à l'esprit que plus des deux tiers de la liquidité mondiale circulant sur les marchés proviennent des Etats-Unis. C'est donc là qu'il faut regarder en priorité. Or, à la différence des inepties que véhiculent certains médias français, l'Amérique se porte bien mieux qu'il n'y paraît. La récente baisse des taux directeurs décidée par la Fed ouvre la porte à un cycle de détente des conditions de crédits, bénéfique à la fois pour l'économie et les marchés financiers. La révision à la hausse, cette semaine, de la croissance du PIB américain à 3,8% pour le deuxième trimestre, montre que le risque de récession est écarté. Le maintien d'un fond d'inflation désormais endémique constitue un sujet de préoccupation, mais la dynamique générale reste bonne.
En Europe, la croissance est moins forte. Toutefois, la faiblesse des taux d'intérêt dans la plupart des pays de la zone euro (exception faite de la France, confrontée à une dérive des finances publiques), ainsi que la conversion de l'Allemagne à la relance budgétaire et la baisse du prix de l'énergie, sont susceptibles de réveiller l'activité et de soutenir la profitabilité des entreprises. A ce titre, il n'est pas inutile de constater que l'écart en matière d'évolution des bénéfices des sociétés cotées se réduit entre les deux rives de l'Atlantique. Selon le consensus établi par Reuters, les analystes financiers attendent une progression moyenne de 7,5% des profits pour cette année et de 11% pour 2026. Ces anticipations indiquent que les attentes bénéficiaires des valeurs de la zone euro se rapprochent de celles du S&P 500. Ceci, avec des multiples de capitalisations des profits de moins de 18 fois de notre côté, comparé à 25,3 fois pour les grandes entreprises américaines.
Quelle stratégie d'investissement pour le mois d'octobre ? Les graphiques ci-joints montrent que notre travail d'accompagnement pragmatique de l'évolution des cours est plus payant que de se fier aux commentaires journalistiques traduisant plus le sentiment diffus du marché que la réalité du terrain. Même si l'écho de l'actualité mondiale ne renvoie pas toujours le meilleur de notre belle humanité, la bonne tenue des indices boursiers n'échappe pas à une certaine rationalité. Celle-ci repose notamment sur le haut niveau de profitabilité des entreprises cotées et sur un contexte de réduction des taux directeurs traditionnellement favorables aux actions. Tout ceci, sous réserve bien sûr, que la récession ne soit pas de la partie. Le cap de nos deux portefeuilles phare, qui brillent par la solidité de leurs performances, est donc maintenu. Celui-ci est marqué par une grande sélectivité dans le choix des actions entrant dans notre portefeuille Défensif (+7,24% sur douze mois glissants), composé de valeurs appartenant à des secteurs plutôt résilients, comme les télécoms, les services d'énergie et médicaux, ainsi que la finance (banque et assurances). Notre sélection d'ETF Monde/PEA (+12,82% sur 12 mois) est, de son côté, portée par nos choix de diversification en direction de Wall Street et de la Bourse chinoise. Nous cherchons une fenêtre de tir pour prendre position sur un tracker orienté vers les marchés émergents à dominante asiatique et est-européenne. Enfin, l'Offensif, qui n'a cessé de décevoir au cours de ces derniers mois, est en train de combler une partie de son retard grâce à quelques achats audacieux réalisés en direction des valeurs moyennes. Nous avons initié le 18 septembre une première position spéculative sur Emeis (ex-Orpea), le leader des maisons de retraite et de santé, qui a fortement progressé après l'annonce toute récente d'un important projet de restructuration de l'actif immobilier devant conduire à un rééquilibrage de la situation financière du groupe. Bonne tenue également de Rubis, spécialisé dans le stockage de l'énergie, qui semble susciter les convoitises. Nos achats d'actions de l'équipementier automobile Forvia (ex-Faurecia) et du distributeur de produits électriques Rexel, sont moins concluants. Malgré tout, nous conservons la position sur l'une et l'autre de ces valeurs.
Bonne lecture et bon week-end d'automne précoce à tous,
Roland Laskine