De nouvelles méga-transactions de M&A en perspective pour 2026 information fournie par Reuters 18/12/2025 à 12:13
par Anousha Sakoui, Dawn Kopecki et Kane Wu
Les opérations de fusions et acquisitions ont connu une année presque record en 2025, malgré un printemps turbulent qui a menacé les espoirs d'une reprise de l'activité pendant le second mandat du président américain Donald Trump.
La course à la taille alimente une reprise des transactions en fin d'année qui, selon les banquiers et les avocats d'affaires interrogés par Reuters, se poursuivra en 2026, les entreprises profitant d'un assouplissement de la surveillance antitrust aux États-Unis et de conditions de marché favorables.
Selon les données de Dealogic, 70 transactions d'une valeur supérieure à 10 milliards de dollars chacune ont été conclues à l'échelle mondiale depuis le début de l'année, dont 22 au quatrième trimestre.
Malgré un premier semestre difficile marqué par le lancement d'une guerre commerciale mondiale par Donald Trump, les transactions ont déjà dépassé les 4.800 milliards de dollars cette année, soit une hausse de 41% par rapport à 2024, même si leur nombre a baissé de 6% pour s'établir à 38.395, selon les données de Dealogic au 16 décembre.
Il s'agit de la deuxième meilleure année jamais enregistrée, seulement dépassée en 2021, lorsque des taux d'intérêt proches de zéro et les mesures de relance liées au COVID-19 ont porté le montant des fusions-acquisitions à plus de 6.000 milliards de dollars.
"Aujourd'hui, les fusions-acquisitions sont axées sur les méga-transactions, la course à la taille", observe Anu Aiyengar, responsable mondial du conseil et des fusions-acquisitions chez JPMorgan JPM.N . "Les grandes capitalisations ont clairement surpassé les petites capitalisations. Et cela se voit également sur le marché des fusions-acquisitions".
Quatre transactions de plus de 50 milliards de dollars ont été réalisées jusqu'à présent cette année, cinq si l'on compte les deux offres sur Warner Bros Discovery WBD.O : celle de Netflix NFLX.O pour 82 milliards de dollars et celle, hostile, de Paramount Skydance PSKY.O pour 108 milliards de dollars.
PLUS ACTIF QUE JAMAIS
La valeur des transactions conclues au quatrième trimestre est déjà la plus élevée jamais enregistrée pour la région Amériques, et ce n'est pas fini. Plusieurs transactions de plus de huit milliards de dollars pourraient encore être annoncées avant la fin de l'année, et elles pourraient même prendre encore plus d'ampleur, indique Drago Rajkovic, co-responsable mondial des fusions-acquisitions chez Citi.
Des transactions d'une valeur comprise entre 50 milliards et 70 milliards de dollars sont déjà "dans le système" pour 2026, et une transaction de 100 milliards de dollars dans le secteur technologique n'est "pas hors de question", prévient Drago Rajkovic.
L'année prochaine pourrait même rivaliser avec 2021. "Nous semblons entrer dans une période de forte activité en matière de fusions-acquisitions qui devrait durer plusieurs années. De nombreux éléments laissent présager un pic supérieur à tous les cycles précédents", souligne Eamon Brabazon, co-responsable mondial des fusions-acquisitions chez Bank of America.
Selon les négociateurs, la diminution de l'incertitude macroéconomique mondiale et un contexte réglementaire plus permissif aux États-Unis favorisent la conclusion d'accords.
"Étant donné que l'administration (Trump) est beaucoup plus ouverte aux fusions importantes, de nombreux conseils d'administration et cadres supérieurs y voient une occasion de réaliser des transactions transformatrices et stratégiquement importantes", déclare Frank Aquila, associé chez Sullivan & Cromwell.
Akeel Sachak, directeur mondial de la division Consommation chez Rothschild & Co, a déclaré que son entreprise n'avait jamais été aussi occupée.
"Les entreprises sont nombreuses à réfléchir de manière beaucoup plus approfondie à la composition de leur portefeuille et à la meilleure façon de se positionner sur le marché public", affirme-t-il.
Les entreprises sont prêtes à payer plus, ce qui augmente la taille des transactions.
"Les valorisations ont été tirées vers le haut et nous avons vu des clients se montrer plus agressifs en termes de multiples qu'ils sont prêts à payer, mais n'oubliez pas que la devise de l'acheteur est également à un multiple plus élevé", pointe Mark McMaster, directeur mondial des fusions-acquisitions chez Lazard
LAZ.N .
Deux des dix plus importantes transactions mondiales de cette année étaient directement liées à l'IA, OpenAI ayant levé 40 milliards de dollars auprès d'investisseurs menés par SoftBank et Aligned Data Centers, basé aux États-Unis, ayant été racheté pour 40 milliards de dollars.
"Dans le domaine de la technologie, de nombreuses activités se mettent en place pour se positionner au mieux et réagir aux changements que l'IA va apporter aux entreprises", note John Collins, co-responsable mondial des fusions-acquisitions chez Morgan Stanley MS.N .
Et en dehors du secteur technologique, "dans la plupart des industries, on estime que l'IA va changer la façon dont beaucoup d'entreprises fonctionnent. On considère qu'il est important d'avoir les moyens d'investir dans ces changements", ajoute-t-il.
AUGMENTATION DES TRANSACTIONS TRANSFRONTALIÈRES
Une autre tendance qui devrait se poursuivre est la forte augmentation des transactions transfrontalières, qui ont progressé de 46% pour atteindre 1.240 milliards de dollars - un plus haut niveau depuis 2021.
Les entreprises américaines et britanniques ont été les plus ciblées, tandis que les entreprises américaines, françaises et japonaises ont été les plus actives en matière d'acquisitions transfrontalières.
"Il existe toujours un décalage entre les valorisations aux États-Unis et dans le reste du monde, et les entreprises américaines recherchent activement des opportunités transfrontalières", indique Gaurav Gooptu, directeur général du groupe Consumer & Retail Investment Banking chez BNP Paribas.
"Les grandes multinationales, en particulier celles d'Europe et du Japon, investiront davantage aux États-Unis, car elles cherchent à rapatrier leurs activités américaines et à être compétitives sur le marché mondial le plus vaste et le plus dynamique", estime Andrew Woeber, responsable mondial des fusions-acquisitions chez Barclays BARC.L .
Si les États-Unis ont été la principale cible des opérations de fusion-acquisition depuis le début de l'année, la Chine arrive en deuxième position. Le Japon a enregistré la plus forte hausse du montant des opérations de fusion-acquisition par rapport à l'année dernière, grâce aux transactions concernant OpenAI et Toyota Industries.
RETOUR DU CAPITAL-INVESTISSEMENT
Les cessions d'entreprises ont constitué une tendance majeure cette année. Nestor Paz-Galindo, co-responsable mondial des fusions-acquisitions chez UBS, estime que les cessions et scissions d'entreprises ont augmenté de 30% en volume cette année et "que cette tendance se poursuivra l'année prochaine".
Cela inclut l'une des plus importantes transactions de l'année : la scission par le cimentier suisse Holcim de son activité nord-américaine, Amrize, évaluée à 30 milliards de dollars lors de son introduction en Bourse.
Le capital-investissement est également de retour dans les transactions. Selon les données de Dealogic au 15 décembre, les rachats ont atteint 1.100 milliards de dollars à l'échelle mondiale, soit une hausse de 51% par rapport à l'année dernière.
"Il existe un certain consensus entre les acheteurs et les vendeurs sur l'environnement, ce qui tend à favoriser les transactions", déclare Stuart Gent, co-responsable du capital-investissement européen chez Bain Capital. "Les entreprises sont plus disposées à conclure des transactions."
(Reportage Anousha Sakoui à Londres, Dawn Kopecki à New York et Kane Wu à Hong Kong, avec Charlie Conchie, Mara Vîlcu pour la version française, édité par Blandine Hénault)