Dans l'est de l'Allemagne, un futur méga centre de données pour s'émanciper des Etats-Unis
information fournie par AFP 18/11/2025 à 16:20

Le ministre allemand du Numérique, Karsten Wildberger (au centre), et le codirecteur de Schwarz Digits, Rolf Schumann (3ème en partant de la droite), donnent les premiers coups de pelle à un futur méga centre de données près de Lübbenau, dans l'est de l'Allemagne, le 17 novembre 2025 ( AFP / Clement KASSER )

Un peu perdu dans la campagne de l'est de l'Allemagne, un méga centre de données doit sortir de terre, avec l'espoir d'aider à bâtir une industrie européenne de l'IA indépendante des Etats-Unis.

Le groupe Schwarz, détenteur des enseignes de discount Lidl et Kaufland, compte investir 11 milliards d'euros dans cette future usine du numérique située en dehors de la commune de Lübbenau, dans le Brandenbourg.

Casque de protection sur la tête, les dirigeants de Schwarz Digits, la branche informatique du groupe, ont donné lundi sous la bruine le premier coup de pelle du chantier.

Les centres de données sont "la colonne vertébrale de la souveraineté numérique de l'Allemagne", a jugé le ministre du Numérique, Karsten Wildberger, dans un discours.

Car ici, les entreprises pourront travailler avec leurs données et celles de clients allemands ou européens, sans qu'elles soient stockées aux Etats-Unis, où elles sont moins protégées.

Distancée dans la course à l'IA, dans le domaine des puces et le cloud (informatique à distance), l'Europe tente de reprendre en main sa politique numérique.

Berlin accueille mardi "un sommet sur la souveraineté technologique", en présence du chancelier Friedrich Merz et du président français Emmanuel Macron, pour répondre à la domination américaine.

- Quatre terrains de foot-

Rolf Schumann, codirecteur de Schwarz Digits, promet que le chantier de Lübbenau fera naître une "infrastructure sûre et indépendante" pour que les citoyens comme les entreprises "puissent façonner leur avenir numérique de manière autonome".

En attendant, une vingtaine de fines colonnes de béton et des grues s'élèvent sur l'immense terrain situé dans la région du Spreewald, au sud de Berlin, avant tout connue pour ses canaux et sa nature.

Ici seront construits six modules du centre de données, chacun vaste comme quatre terrains de football. Trois d'entre eux doivent être exploitables d'ici fin 2027.

Au siècle dernier, dans l'Allemagne de l'Est communiste, le lieu hébergeait une centrale électrique aujourd'hui disparue.

Rolf Schumann explique à l'AFP que le centre pourra accueillir jusqu'à 100.000 GPU, des processeurs cruciaux produits avant tout par les Etats-Unis et la Chine.

Une telle capacité en ferait une giga-usine d'IA comme celle dont l'UE souhaite faciliter la construction, avec un fonds dédié de 20 milliards d'euros.

"C'est bien sûr un pas dans la bonne direction" et un projet d'une ampleur inégalée en Allemagne "mais on est encore loin derrière les Etats-Unis et la Chine", opine la chercheuse Barbara Engels de l'institut IW Köln.

Washington disposait déjà en 2024 de capacités dix fois supérieures à celles prévues en Allemagne d'ici 2030, selon la fédération du numérique Bitkom.

Et des centres pouvant accueillir plus d'un million de GPU sont en cours de construction outre-Atlantique.

- Empreinte écologique énorme -

Le site de Lübbenau doit servir à l'entraînement de modèles d'IA pour le groupe Schwarz, mais aussi pour d'autres entreprises et le secteur public.

Il doit être utilisé aussi par Stackit, autre branche du groupe spécialisée dans le cloud et qui espère concurrencer les géants américains AWS ou Microsoft Azure.

"Nous fournissons des services numériques souverains avec des valeurs européennes", a promis M. Schumann dans son discours.

Malgré tout, ce type de chantier dépend souvent des Etats-Unis, comme l'illustrent deux projets récement dévoilés en Allemagne : l'un est piloté par Google, l'autre repose sur les GPU du géant Nvidia .

L'installation à Lübbenau sera aussi probablement équipée de ces incontournables processeurs, estime Barbara Engels.

En termes d'approvisionnement énergétique, un autre problème de l'UE qui se débat avec des coûts élevés, Schwarz Digits promet d'alimenter le site avec de l'électricité verte.

Le centre de données aura néanmoins "une empreinte écologique énorme", selon la chercheuse qui se demande si l'Allemagne aura à l'avenir assez d'énergies renouvelables pour ces centres énergivores.

Le site sera construit en parti avec du béton et de l'acier recyclé de l'ancienne centrale électrique.

Et à partir de 2028, la chaleur résiduelle des serveurs informatiques permettrait même de chauffer jusqu'à 75.000 foyers des environs, selon le groupe Schwarz.