Course à l'intelligence artificielle : l'Union européenne veut assouplir ses régulations, notamment en matière de protection des données privées information fournie par Boursorama avec Media Services 17/11/2025 à 14:14
"Ce serait le plus grand recul des droits numériques fondamentaux de l'histoire de l'UE", ont alerté 127 ONG et syndicats la semaine dernière.
Critiquée par les acteurs de la tech locaux ou américains, l'Union européenne envisage d'alléger ses régulations sur l’intelligence articielle, notamment en matière de protection des données, ce qui alarme les associations de protection de la vie privée.
La Commission présentera mercredi une proposition de simplification de son règlement sur l'IA. Entrée en vigueur il y a un an, avec une application progressive au cours des prochains mois, ce règlement européen était censé protéger des dérives de l'intelligence artificielle sans brider l'innovation. Il classifie les modèles selon leur niveau de risque, avec des contraintes proportionnelles au danger. Mais cette législation a suscité une pluie de critiques des géants américains de la tech, ainsi que d'entreprises européennes de l'IA comme le français Mistral, qui y voient un frein pour leur développement.
Le vice-président américain JD Vance s'en était pris directement à la "réglementation excessive" de l'intelligence artificielle. La Commission assure ne pas avoir pas cédé aux pressions de l'administration Trump mais entend répondre aux inquiétudes des entreprises européennes.
Elle souhaite donc faciliter l'accès aux données personnelles des utilisateurs pour le développement de l'IA -en dépit des alertes d'ONG. Sur le net, l'Union européenne voudrait d'abord supprimer ces bannières de "cookies" qui demandent aux utilisateurs leur consentement avant d'accéder à un site web.
Selon un document de travail consulté par l' AFP , la Commission européenne pourrait également proposer une pause d'un an dans la mise en oeuvre de certaines dispositions de sa loi sur l'IA et une refonte de ses règles phares en matière de protection des données.
Le Règlement général sur la protection des données (RGPD) a consacré la protection de la vie privée des utilisateurs depuis 2018 et a influencé les normes mondiales en la matière. L'UE affirme qu'elle ne proposera que des ajustements techniques, mais des associations de protection de la vie privée sont extrêmement inquiètes, tout comme une partie des eurodéputés.
"Une énorme régression pour la vie privée des Européens"
Selon un document qui a fuité, l'exécutif européen propose de restreindre la définition des données personnelles et d' autoriser les entreprises à s'en servir pour entraîner des modèles d'IA en cas "d'intérêt légitime" pour les utilisateurs.
"À moins que la Commission européenne ne change de cap, ce serait le plus grand recul des droits numériques fondamentaux de l'histoire de l'UE", ont alerté 127 ONG et syndicats, dans une lettre publiée jeudi.
Selon Max Schrems, un militant autrichien pour la protection des données, ces changements "constitueraient une énorme régression pour la vie privée des Européens".
D'après un responsable européen interrogé par l'AFP, Bruxelles devrait également proposer un report d'un an des mesures concernant l'IA à "haut risque", par exemple des modèles susceptibles de présenter des dangers pour la sécurité, la santé ou les droits fondamentaux des citoyens . Au lieu d'entrer en vigueur l'année prochaine, elles s'appliqueraient à partir de 2027.
Des dizaines des plus grandes entreprises européennes, dont Airbus (France), Lufthansa et Mercedes-Benz (Allemagne), avaient réclamé en juillet une pause dans cette loi IA, accusée de brider le développement des modèles européens face à la concurrence chinoise et américaine.
Faire adopter ces nouvelles mesures par le Parlement européen et par les États membres ne sera toutefois pas chose aisée. Les principaux partis de la majorité proeuropéenne au Parlement ont déjà exprimé, chacun à leur manière, des réserves sur le texte.
Les sociaux-démocrates ont promis de s'opposer à tout report de la loi sur l'IA, et les centristes entendent rester fermes devant toute modification susceptible de compromettre la protection de la vie privée.
Bruxelles martèle néanmoins que le texte ne remettra pas en cause ses standards. "Je peux confirmer sans détour que l'objectif (...) n'est pas d'abaisser les normes élevées de confidentialité que nous garantissons à nos citoyens ", a martelé Thomas Regnier, porte-parole de la Commission dans le domaine du numérique.
Certains craignent toutefois que d'autres modifications des règles numériques soient encore à l'étude.