Climat: la CEDH rejette un recours contre la Norvège information fournie par AFP 28/10/2025 à 14:06
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rejeté mardi un recours contre la Norvège au nom de la lutte contre le changement climatique, dans le cadre de la délivrance en 2016 de permis pétroliers dans l'Arctique.
Ce jugement constitue un revers pour les défenseurs de la cause climatique, après l'arrêt rendu en 2024 contre la Suisse, accusée d'inaction face aux bouleversements du climat.
Dans son arrêt de mardi, l'institution, basée à Strasbourg, estime qu'il n'y a pas eu violation de l'article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l'homme.
La CEDH avait été saisie il y a quatre ans par six jeunes militants norvégiens, ainsi que les branches locales des ONG de défense de l'environnement Greenpeace et Jeunes amis de la Terre.
Les plaignants avaient aussi invoqué l'article 2 (droit à la vie) mais la cour n'a pas jugé "nécessaire" d'examiner leur requête sur ce point.
Selon eux, l'Etat, avant d'accorder ces licences, "n'a pas procédé à une étude d'impact environnemental des effets potentiels de l'extraction pétrolière sur les obligations de la Norvège en matière d'atténuation du changement climatique".
L'arrêt reconnaît à ce sujet que "l'évaluation des incidences réalisée lors des processus ayant abouti à la décision de 2016 n'était pas réellement exhaustive".
Un point salué par Sigrid Hoddevik Losnegård, vice-présidente de Jeunes Amis de la Terre Norvège, satisfaite que "la Cour ait conclu que l'Etat doit évaluer les émissions globales liées à la combustion d'hydrocarbures avant d'approuver un nouveau champ pétrolier".
"Cela aura des conséquences importantes sur la façon dont on gère les activités pétrolières en Norvège", a-t-elle déclaré à l'AFP.
- Bras de fer judiciaire
En revanche, la CEDH n'a pas retenu l'argument selon lequel Oslo a omis de remplir son "obligation de protéger effectivement les individus contre les effets néfastes graves du changement climatique sur leur vie, leur santé, leur bien-être et leur qualité de vie".
Premier producteur de pétrole et de gaz d'Europe occidentale, la Norvège est régulièrement mise en cause pour son exploitation des hydrocarbures, source de prospérité mais aussi de dérèglement climatique.
"La Cour établit clairement que nous ne violons pas les droits de l'homme", s'est félicité le ministre norvégien de l'Energie Terje Aasland dans un courriel à l'AFP.
L'Etat se contente "de chiffrer les émissions" générées par la combustion des hydrocarbures, mais sans se pencher sur leurs "conséquences concrètes (...), à savoir combien de gens en plus vont mourir, combien de glace en plus va fondre, combien d’événements météorologiques extrêmes en plus va-t-on avoir à cause d’elles", a critiqué de son côté Frode Pleym, leader de Greenpeace Norvège.
Cette décision est le point d'orgue d'une longue bataille judiciaire.
Le 10 juin 2016, le ministère de l'Énergie norvégien accorde à 13 sociétés privées, parmi lesquelles le champion national Statoil (rebaptisé depuis Equinor), les américains Chevron et ConocoPhillips et le russe Lukoil, 10 licences d'exploration sur le plateau continental norvégien.
S'appuyant à l'époque sur l'Accord de Paris qui vise à limiter à moins de 2°C le réchauffement climatique, les ONG font appel à la justice locale, jugeant cette attribution contraire à l'article 112 de la Constitution garantissant à chacun le droit à un environnement sain.
A chaque fois, les tribunaux tranchent en faveur des autorités.
- Précédent suisse -
Les plaignants se tournent alors vers la CEDH, dont la mission de protéger les droits fondamentaux en Europe.
Entre-temps, aucun gisement de gaz potentiellement rentable n'ayant été découvert, les sociétés ont restitué les licences.
En 2024, la cour a rendu un arrêt historique en condamnant pour la première fois un Etat pour son manque d'action face au changement climatique, en l'occurrence la Suisse, poursuivie par une association.
Cette décision est appelée à faire jurisprudence dans les 46 Etats membres du Conseil de l'Europe.
Et en juillet, la Cour internationale de justice (CIJ) a adopté un avis consultatif stipulant que les Etats qui violent leurs obligations climatiques commettent un acte "illicite" et pourraient se voir réclamer des réparations par les pays les plus affectés.
La CIJ avait particulièrement visé l'octroi de permis d'exploration ou de subventions pour les combustibles fossiles.