par Francesco Canepa
FRANCFORT, 6 septembre (Reuters) - Moins de dix banques sur
la quarantaine qui gèrent leurs opérations dans l'Union
européenne depuis le Royaume-Uni ont jusqu'ici demandé à
bénéficier d'un passeport européen pour poursuivre leurs
activités une fois que le pays aura quitté l'UE, selon des
sources proches des autorités de régulation.
Le rythme lent des demandes de licences européennes suscite
des interrogations à la Banque centrale européenne (BCE), qui
estime notamment que certains établissements ne font pas assez
pour se préparer au Brexit ou envisagent même d'échapper à la
supervison en profitant de brèches dans la réglementation.
Au cours des deux derniers mois, bien qu'un nombre croissant
de banques aient déclaré envisager à la suite du Brexit de créer
de nouvelles filiales dans l'Union européenne, notamment à
Francfort et Dublin, peu de demandes formelles de licences ont
été enregistrées, selon des sources proches de la BCE, chargée
de superviser les principales banques de la zone euro.
"Nous avons beaucoup de réunions, mais pas assez d'actions
concrètes", a déclaré un superviseur.
Même si la Grande-Bretagne ne doit pas quitter l'UE avant
mars 2019, le temps est compté selon les dirigeants des banques:
la création d'une nouvelle filiale pourrait prendre au moins 18
mois, en raison du temps nécessaire pour transférer le
personnel, déployer les systèmes informatiques et modifier les
accords contractuels avec les clients de l'UE.
L'emplacement du siège européen des banques d'investissement
est une question épineuse dans les négociations de sortie du
Royaume-Uni de l'UE. La Banque d'Angleterre estime que la moitié
de l'ensemble des actions et obligations émises dans l'UE
implique des institutions financières basées en Grande-Bretagne.
Les grandes banques ont prévenu qu'un "Brexit dur" pourrait
déclencher une instabilité financière en cas de perte soudaine
de l'accès au marché unique. Vendredi, la fédération bancaire
européenne a estimé que les banques centrales devaient se
préparer à injecter si nécessaire des liquidités sur les marchés
financiers pour préserver leur stabilité.
La demande d'une licence bancaire, auprès de l'autorité
nationale de régulation d'un Etat membre de l'UE et de la BCE,
peut prendre six à 12 mois, voire davantage en cas de forte
affluence. Trois sources au sein d'organismes de contrôle
bancaire de l'UE ont rapporté à Reuters que le nombre de banques
ayant déposé des demandes à ce jour était inférieur à dix.
La BCE n'a pas souhaité faire de commentaire sur le nombre
de demandes reçues, mais a récemment exprimé ses craintes d'un
retard des banques dans leurs préparatifs en vue du Brexit.
"Un certain nombre de grandes banques ont avancé dans leurs
préparatifs (...) mais nous n'avons pas encore constaté
beaucoup de décisions définitives", a déclaré le mois dernier
Sabine Lautenschläger, membre du directoire de la BCE.
Un porte-parole de la Bafin a pour sa part dit que
l'autorité de régulation financière allemande avait reçu
quelques demandes et s'attendait à ce qu'elles représentent à
terme un nombre supérieur à 10.
La Banque centrale d'Irlande, elle, n'a reçu aucune demande
au cours du premier semestre de l'année, montre son rapport.
ÉCHAPPER À LA SUPERVISION?
La plupart des grandes banques internationales et
britanniques exploitent déjà de petites filiales sous licence
dans au moins un autre pays de l'UE, mais elles auraient besoin
du feu vert des autorités régulation pour transférer de larges
pans de leurs activités basées à Londres dans ces filiales.
Les filiales européennes d'au moins cinq banques - Barclays
BARC.L , Citi C.N , HSBC HSBA.L , JPMorgan JPM.N et State
Street STT.N - sont suffisamment grandes pour être directement
supervisées par la BCE, mais elles auront sans doute besoin
d'une autorisation supplémentaire pour étendre leurs activités.
Barclays a annoncé viser une licence élargie pour sa filiale
en Irlande. Royal Bank of Scotland RBS.L de son côté discute
avec les superviseurs néerlandais pour transférer une partie de
son personnel et de ses activités vers sa filiale aux Pays-Bas,
tandis que Lloyds LLOY.L et Standard Chartered STAN.L
prévoient faire des demandes officielles cette année.
La BCE redoute également que certains établissements
parviennent à échapper à sa supervision en créant des filiales
de courtage ("broker-dealers") au lieu d'une vraie banque.
Avec une telle initiative, ces banques ne seraient plus
soumises aux règles financières de l'UE mais uniquement au seul
contrôle des autorités nationales du pays dans lequel elles sont
basées.
Selon des sources, la banque d'investissement américaine
Morgan Stanley MS.N , qui a déjà une licence bancaire en
Allemagne, a demandé une licence de courtage auprès de la Bafin.
(Claude Chendjou pour le service français, édité par Juliette
Rouillon)