Atos dans le rouge : des objectifs 2028 jugés ambitieux
information fournie par AOF 14/05/2025 à 15:28

(AOF) - Après avoir réussi sa restructuration financière en 2024 et disposant d’un nouveau PDG, Philippe Salle, depuis février, Atos a dévoilé ce matin un plan stratégique à horizon 2028. En Bourse, les détails du plan sont accueillis froidement, le titre du groupe informatique chutant de 6,67% à 39,20 euros après avoir rebondi d'environ 50% depuis le 1er janvier. Ce redressement intervient après une descente aux enfers de l'action ces dernières années.

10% de marge opérationnelle en 2028

" Ce plan traduit un décalage d'un an des objectifs moyen terme (2028 vs 2027), ce qui pourrait être sanctionné, même si l'atteinte de tels objectifs constituerait en soi une sacrée performance", a réagi Invest Securities.

En 2028, Atos anticipe une croissance organique du chiffre d'affaires entre 8,5 et 9 milliards d'euros, sachant qu'il est attendu à environ 8,5 milliards d'euros cette année. Cet objectif représente un taux de croissance annuel moyen de 5 à 7 % entre 2025 et 2028. Des opérations de M&A " stratégiques, ciblées et rigoureuses ", précise le groupe, pourraient permettre de porter ce chiffre d'affaires jusqu'à 9 à 10 milliards d'euros.

Dans 3 ans, le concurrent de Capgemini ambitionne d'afficher une marge opérationnelle d'environ 10% alors qu'elle est attendue à 4 % cette année, en amélioration d'environ 2 points de pourcentage.

Ces objectifs semblent " beaucoup trop ambitieux " à Oddo BHF " dans la mesure où ils incluent une croissance organique supérieure à celle générée par la majorité des pairs du groupe (y compris Accenture) et une marge opérationnelle de premier ordre pour les activités de services numériques ". L'analyste " aurait préféré une approche plus réaliste car la crédibilité pour atteindre de tels objectifs est limitée ".

Baisse des effectifs

Pour redresser sa rentabilité, Atos prévoit de simplifier sa structure et d'abaisser ses coûts en réduisant ses effectifs et ses dépenses discrétionnaires de 10%. Le groupe ambitionne ainsi de réduire de 2 points ses frais généraux et administratifs (G&A) à environ 5 % de son chiffre d'affaires d'ici 2028.

Le groupe se retirera par ailleurs " de plusieurs marchés non stratégiques ou n'atteignant pas ses objectifs financiers et de croissance, principalement parmi les marchés internationaux ", a indiqué la société. Oddo BHF anticipait plus de cession d'actifs étant donné le bilan du groupe.

A la fin de son plan stratégique, Atos souhaite atteindre un profil de notation de crédit " investment grade " et afficher un ratio d'endettement net inférieur à 1,5. " Les flux de trésorerie cumulés sur la période seront prioritairement alloués au désendettement, en complément d'une politique ciblée et rigoureuse de croissance externe stratégique " a souligné le groupe informatique. Il faudra patienter jusqu'en 2026 pour qu'il retrouve une variation nette de trésorerie positive avant remboursement de la dette et M&A. Aucun versement de dividende ni de programme de rachat d'actions n'est prévu avant 2028.

À la suite de sa restructuration financière, Atos dispose désormais d'une position de liquidité d'environ 2 milliards d'euros au 31 mars 2025, sans aucune échéance de dette avant la fin de l'année 2029.

2 marques : Atos et Eviden

Sur le plan organisationnel, le groupe va s'organiser autour de deux marques distinctes, dont Atos (cloud, services cyber, Digital Workplace …). Celle-ci abritera une nouvelle ligne de métier dédiée à la Data et à l'IA, qui passera de 2000 à 10000 collaborateurs à horizon 2028.

La seconde marque, Eviden, sera organisée autour de quatre lignes de produits : produits de cybersécurité, Supercalculateurs (Advanced Computing), les systèmes critiques (Mission-Critical Systems), et la vision par ordinateur basée sur l'IA (Vision AI). A propos de l'activité Supercalculateurs, Atos a précisé que sa cession à l'Etat pour 500 millions de valeur d'entreprise est toujours en cours de discussions. Le processus de vente des activités Mission Critical Systems et Cybersecurity Products a, lui, été suspendu.

AOF - EN SAVOIR PLUS

=/ Points-clés /=

- Leader international de la transformation numérique, du calcul haute performance et des infrastructures liées aux technologies de l’information, créé en 1997, n°1 européen du cloud, de la cybersécurité et des supercalculateurs ;

- Activité de 1O,7 Mds€, répartie en 2 divisions : Eviden -digital, big data & sécurité- pour 48 % des ventes, et Tech Fondations pour 51 % -infrastructures et environnements de travail connectés ;

- Chiffre d’affaires réalisés à 30 % en Europe du nord et Asie-Pacifique, 23 % en Europe centrale, 23 % dans les Amériques puis 21 % en Europe du sud ;

- Ambition : maximisation de la valeur via la division du groupe en 2 entités distinctes - Tech Fondations pour l’infrastructure, le cloud privé et les plateformes et Eviden pour le digital , le big data et la cybersécurité ;

- Capital ouvert (9,96 % pour le fonds de pension Siemens, 2,2 % pour les salariés et, depuis décembre 2023, 11,4 pour Onepoint) ;

- Présidence du conseil de 12 administrateurs assurée, depuis octobre 2023, par Jean_Pierre Mustier, la direction générale étant portée par Paul Saleh, assisté de Carlo d’Asaro Biondo, « general manager ».

=/ Enjeux /=

- Agilité du modèle d’affaires :

- entravée par le retard de la scission du groupe entre Eviden et Tech Fondations,

- focalisée depuis un an sur le redressement financier, ni les cessions, d’un montant prévu de 400 M€ pour 2024, ni les disponibilités & l’autofinancement libre ne permettant le paiement des échéances obligataires, notamment pour les emprunts 2025

- notable par sa force d’innovation développée dans 18 centres de R&D avec un portefeuille de 3 000 brevets fondée sur l’ open innovation via les partenariats avec les centres universitaires (informatique quantique, calculateurs exaflopiques, intelligence artificielle, HPC,) et des alliances avec d’autres acteurs industriels (AWS, Dell, Google, Huma…)

- Stratégie environnementale de neutralité carbone en 2028 et de réduction de moitié des émissions d’ici 2025 vs 2021 :

- Bonne visibilité avec un carnet de commandes égal au chiffre d’affaires ;

- Situation financière très dégradée -2,23 Mds€ de dette, flux de trésorerie négatif de 1,1 Md€-, la restructuration en cours étant soutenue par la majorité des créanciers et banquiers via des « Nouveaux financements sécurisés » et un accord de Lock-up.

=/ Défis /=

Après les pertes accusées en 2021, 2022 et 2023 (3,4 Mds€) et les refus successifs de repreneurs potentiels d’Eviden ou Tech Fondations (Thales, Airbus, EPEI…), défiance des investisseurs à l’égard de la gouvernance (signalement à l’Autorité des marchés financiers de graves dysfonctionnements dans le conseil par l’un des administrateurs, montée de Onepoint dans le capital du groupe…);

- Vers un probable rachat par l’Etat français des activités « souveraines » et interrogations persistantes sur l’émergence d’actionnaires significatifs ; ;

- Après l’ouverture, fin juillet, d’une procédure de sauvegarde accélérée, vers la conversion de près de la moitié de la dette en action et une augmentation de capital ;

- Réalisation des objectifs chiffrés :

- revenus : 9,9 Mds€ en 2024, 10,2 Mds€ en 2025, 10,8 Mds€ en 2026,

- marge opérationnelle : 4,3 % en 2024, 6,3 %en 2025, 8,6 Mds€ en 2026,

- résultat net : -13 M€ en 2024, 202 M€ en 2024, 788 M€ en 2026,

- génération de flux de trésorerie positifs à partir de 2026 ;;

- Suppression du dividende.