3 QUESTIONS A-Le marché anticipe un statu quo sur le conflit en Ukraine-Crédit Mutuel AM
information fournie par Reuters 18/08/2025 à 13:36

Les marchés financiers ont peu d'espoirs d'une avancée concrète dans le conflit ukrainien en dépit de la mobilisation diplomatique et l'absence d'annonces lors du sommet entre Donald Trump et Vladimir Poutine conforte cette thèse, souligne François Rimeu, stratège chez Crédit Mutuel Asset Management.

1 / Comment expliquer la réaction somme toute modérée sur les marchés financiers après le sommet Trump-Poutine ?

François Rimeu - "Il y avait assez peu d'espoirs pro-meeting que l'on ait quelque chose de définitif. Finalement, nous avons eu assez peu d'informations, ce qui confirme la thèse des marchés. Donald Trump ne souhaite pas vraiment sanctionner la Russie, il ne veut pas non plus dépenser pour l'Ukraine et donc les décisions tendent à aller dans ce sens.

"La réaction est assez neutre sur les matières premières en l'absence de sanctions américaines contre la Russie ou les importateurs de pétrole russe, ce qui était la crainte principale. Il y a donc un petit soulagement. Les marchés d'actions baissent de façon marginale, les taux aussi - la réaction du marché obligataire peut être liée à l'absence de réaction sur le pétrole qui aurait pu induire des pressions inflationnistes.

"Le marché estime que rien n'a été 'dealé' entre Donald Trump et Vladimir Poutine et n'attend pas grand-chose de la réunion ce lundi à Washington entre le président américain, son homologue ukrainien Volodimir Zelensky et les dirigeants européens.

"Une éventuelle surprise proviendrait d'une annonce par Donald Trump d'un accord de paix sur la position 'c'est comme ça et pas autrement' même si c'est au détriment de l'Ukraine. Mais pour l'heure, la thèse du marché est celle d'une situation qui reste en l'état."

2 / Le secteur de la défense et le marché pétrolier constituent deux points d'attention sur ce dossier ukrainien. Comment voyez-vous la situation ?

François Rimeu - "Sur la défense, il y a une volonté à la fois européenne et allemande d'augmenter les dépenses militaires. Si l'amplitude n'est pas encore connue, il n'y aucun doute sur une augmentation structurelle de ces dépenses. Les contacts que nous pouvons avoir avec les gros acteurs du secteur montrent que les carnets de commande sont très forts pour les années à venir. Un cessez-le-feu en Ukraine pourrait avoir un impact à court terme avec des prises de profits mais cela ne changera pas la dynamique haussière à moyen terme.

Sur le marché pétrolier, si on fait fi du risque géopolitique et que l'on regarde uniquement l'offre et la demande, nous estimons que le marché est légèrement en excès d'offre avec donc des pressions à la baisse.

La prime de risque géopolitique est actuellement assez faible : la situation entre Israël et l'Iran s'est calmée et le marché ne croit pas en des sanctions visant les importateurs de pétrole russe. L'Inde, qui a déjà été sanctionnée, n'en a cure et des sanctions contre la Chine sont improbables car cela fait partie d'une politique plus globale des relations diplomatiques et commerciales entre Pékin et Washington."

3 / Face au risque géopolitique omniprésent, comment gérez-vous la stratégie d'investissement ?

François Rimeu - "De manière générale, il faut exclure le bruit géopolitique quand on gère des fonds. Il peut y avoir des épiphénomènes, comme avec les tensions Iran-Israël, où on peut avoir à l'instant T l'impression d'un risque potentiel énorme. Mais si l'on regarde ensuite, le marché est passé à autre chose.

De fait, nous préférons profiter des surréactions du marché, tirer profit des moments de faiblesse pour acheter plutôt que d'adopter des stratégies coûteuses de couverture.

Le marché est très habitué à vivre avec ce genre de tensions géopolitiques. Et depuis [la crise financière de] 2008, nous avons des pouvoirs publics très interventionnistes, qui n'acceptent plus le risque de montée du chômage ou de récession. On l'a vu de manière très palpable durant la pandémie. Cela habitue le marché à une certaine forme de complaisance. Depuis 2008, la stratégie d'acheter quand le marché baisse fonctionne très bien. Et cela peut durer un certain temps encore."

(Propos recueillis par Blandine Hénault, édité par Augustin Turpin)