Voter malgré la guerre, un défi complexe pour l'Ukraine
information fournie par Reuters 11/12/2025 à 12:59

par Olena Harmash

La promesse formulée mardi par le président ukrainien Volodimir Zelensky d'organiser prochainement des élections, comme le réclame la Russie, à condition toutefois que les Etats-Unis et les alliés européens de l'Ukraine garantissent la sécurité du processus électoral, se heurte à un certain nombre d'obstacles, tant sur le plan juridique que sécuritaire et logistique.

VOTER SOUS LOI MARTIALE ?

L'Ukraine, où la dernière présidentielle s'est déroulée en 2019, portant au pouvoir Volodimir Zelensky avec 73% des voix, vit sous le régime de la loi martiale, qui interdit toute élection, depuis l'invasion à grande échelle du pays par l'armée russe en février 2022.

La Russie affirme que Volodimir Zelensky est un président illégitime car son mandat a expiré en mai 2024. Il ne peut donc pas, aux yeux de Moscou, signer des accords de paix au nom de l'Ukraine. Le président américain Donald Trump a repris ce point de vue à son compte en réclamant à plusieurs reprises des élections, demande qu'il a encore réitérée mardi dans une interview au site d'information Politico.

Une majorité d'Ukrainiens s'oppose cependant à la tenue d'un scrutin en temps de guerre, assure le directeur de l'Institut international de sociologie de Kyiv Anton Hrouchetsky, s'appuyant sur de récents sondages, alors que les troupes ukrainiennes combattent depuis près de quatre ans les forces russes sur 1.200 kilomètres de front et que des centaines de drones et missiles russes frappent quotidiennement les villes du pays, tuant des civils et provoquant des pénuries d'électricité.

L'analyste politique Volodimir Fesenko estime qu'une première étape indispensable à l'hypothétique tenue d'un scrutin serait un cessez-le-feu aérien, à tout le moins. Il ajoute que l'Ukraine aurait aussi besoin de rebâtir de zéro un cadre législatif afin de fixer calendrier, règles et procédures, ce qui selon lui nécessiterait un délai d'environ six mois.

Mardi, Volodimir Zelensky évoquait une période de 60 à 90 jours une fois que Washington et l'Europe auraient fourni des garanties de sécurité.

Autre défi de taille, l'Ukraine devrait se doter d'un arsenal pour parer à toute tentative de manipulation de la Russie, soulignent plusieurs analystes.

OÙ SONT LES ÉLECTEURS UKRAINIENS ?

Une fois ces conditions réunies, l'organisation d'un scrutin tiendrait du casse-tête logistique.

Plus de 4,3 millions d'Ukrainiens bénéficient, en cette fin d'année 2025, du statut de réfugié temporaire au sein de l'Union européenne, ce qui imposerait aux autorités de Kyiv d'installer des centaines de bureaux de vote à travers l'UE.

Le Registre national électoral devrait en outre procéder à une mise à jour du nombre d'électeurs inscrits et des bureaux de vote, un processus lent et coûteux, sachant que plus de quatre millions d'Ukrainiens sont enregistrés comme "déplacés internes".

Environ un million d'Ukrainiens sont enrôlés sur le front, où la tenue d'un vote libre et équitable serait complexe et pourrait requérir des amendements législatifs.

Enfin, selon les autorités de Kyiv, 4,5 millions d'adultes ukrainiens vivaient toujours, fin 2024, dans les régions occupées par la Russie, qui contrôle près d'un cinquième du territoire ukrainien.

QUELLES CHANCES POUR ZELENSKY ?

Volodimir Zelensky aurait une bonne chance d'être réélu, à en croire les enquêtes d'opinion de l'Institut international de sociologie et d'autres sondages réguliers.

La cote de popularité du chef de l'Etat, qui a grimpé jusqu'à 90% au début de la guerre, tourne aujourd'hui autour de 55%. Si elle a souffert récemment du scandale massif de corruption qui a éclaboussé certains de ses proches collaborateurs, elle demeure plus élevée que celle de tous les responsables politiques "traditionnels".

Les enquêtes montrent que seul l'ex-commandant en chef de l'armée Valeri Zaloujny, aujourd'hui ambassadeur à Londres, représenterait un rival sérieux. Ce général n'a jusqu'ici manifesté aucune ambition politique, déclarant que tant que la guerre perdure, priorité était donnée à la défense de son pays.

(Jean-Stéphane Brosse pour la version française, édité par Sophie Louet)