USA-Les démocrates, dont Mamdani, victorieux des premiers scrutins du second mandat de Trump information fournie par Reuters 05/11/2025 à 04:54
(Actualisé avec précisions)
par Joseph Ax, Tim Reid et Maria Tsvetkova
Les candidats démocrates ont remporté mardi soir les trois premiers scrutins majeurs organisés depuis que le républicain Donald Trump est revenu à la Maison blanche en janvier dernier, redonnant du souffle à un parti en difficulté depuis son revers électoral de l'an dernier, alors que se profilent les élections de mi-mandat au Congrès l'an prochain ("midterms").
D'après les projections, le socialiste Zohran Mamdani a été élu maire de New York, concrétisant une ascension politique fulgurante qui a fait de lui l'une des personnalités les plus éminentes du Parti démocrate, tandis qu'Abigail Spanberger et Mikie Sherrill ont remporté avec de nettes avances les élections pour les postes de gouverneur en Virginie et dans le New Jersey.
Ces trois élections étaient considérées par les experts comme un premier indicateur de l'état d'esprit de la population américaine après neuf mois de présidence tumultueuse de Donald Trump.
Zohran Mamdani, 34 ans, va devenir le premier musulman à occuper le poste de maire de la plus grande ville des Etats-Unis. Il a battu l'ancien gouverneur new-yorkais Andrew Cuomo, 67 ans, qui s'est présenté comme indépendant après avoir perdu la primaire démocrate face à Mamdani.
La campagne new-yorkaise a mis en évidence les divisions générationnelles et idéologiques dans les rangs démocrates. Elle pourrait avoir des répercussions nationales pour le parti, qui peine à se remettre de sa défaite à l'élection présidentielle de novembre 2024 et ne trouve pas la parade face à la pugnacité de l'administration Trump dans pratiquement tous les domaines.
En Virginie, la démocrate Abigail Spanberger s'est imposée lors de l'élection pour le poste de gouverneur, battant nettement la lieutenant-gouverneure républicaine sortante, Winsome Earle-Sears, d'après les projections des médias américains.
Cette ancienne élue de la Chambre américaine des représentants et ex-agent de la CIA va devenir la première femme gouverneure de l'Etat de Virginie, prenant la succession de Glenn Youngkin. Le gouverneur républicain sortant ne pouvait pas se porter à nouveau candidat, conformément aux lois locales.
En parallèle, dans le New Jersey, la démocrate Mikie Sherrill est donnée victorieuse face au républicain Jack Ciattarelli pour le poste de gouverneur, d'après les projections de l'institut Decision Desk HQ.
L'OMBRE DE TRUMP A PLANÉ
Les trois candidats démocrates victorieux ont pour point commun d'avoir, durant leur campagne, mis l'accent sur les problèmes économiques - en particulier le coût de la vie.
Abigail Spanberger et Mikie Sherrill font toutefois partie de l'aile "modérée" du Parti démocrate, tandis que Zohran Mamdani s'est distingué en se décrivant comme un progressiste décomplexé et le porte-voix d'une nouvelle génération.
S'exprimant après avoir été donnée victorieuse du scrutin en Virginie, Abigail Spanberger a déclaré que l'Etat a choisi "le pragmatisme plutôt que les considérations partisanes" et le "chaos". "Nous avons envoyé un message au monde", a-t-elle dit.
Au cours de la campagne, Abigail Spanberger et Mikie Sherrill ont cherché mettre en exergue les liens entre leurs rivaux et Donald Trump, voulant ainsi exploiter la frustration suscitée par les politiques agressives du président républicain chez les électeurs démocrates et indépendants.
Donald Trump a récemment donné du grain à moudre aux deux candidates en raison du "shutdown", en gelant des milliards de dollars de financement pour un tunnel ferroviaire indispensable entre le New Jersey et New York, et en menaçant de licencier des fonctionnaires fédéraux, dont beaucoup vivent en Virginie - Etat voisin de Washington.
Certains électeurs en Virginie ont déclaré dans des sondages de sortie des urnes avoir à l'esprit certaines des politiques les plus contestées de Donald Trump, dont le programme de déportation des migrants et les droits de douane.
Dans le même temps, en Californie, les électeurs devaient décider d'accorder ou non aux élus démocrates le pouvoir de redessiner la carte électorale de l'État pour favoriser leur camp, comme les républicains viennent de le faire au Texas, ce qui pourrait déterminer le contrôle de la Chambre des représentants à l'issue des élections de mi-mandat au Congrès en novembre 2026.
Plus de trois millions de personnes ont voté par anticipation en Virginie, à New York et dans le New Jersey, dépassant largement le total enregistré il y a quatre ans.
À New York, 735.000 bulletins de vote ont été déposés en avance, selon la commission électorale de la ville, soit quatre fois plus qu'en 2021. Plus de 2 millions de personnes ont voté au final.
DIFFICILE DE TIRER DES ENSEIGNEMENTS
Zohran Mamdani a mené à New York une campagne très à gauche qui a enthousiasmé la base du Parti démocrate, notamment les jeunes, en proposant par exemple le gel des loyers pour près d'un million d'appartements, la hausse de l'impôt des riches ou la gratuité des transports en bus dans la ville.
Donald Trump avait apporté lundi soir son soutien à Andrew Cuomo, exhortant ses partisans à voter pour l'ancien gouverneur et réitérant sa menace de réduire les fonds fédéraux alloués à sa ville natale si Zohran Mamdani, que le président républicain a décrit à tort comme un "communiste", venait à l'emporter.
Mais le coût de la vie, qui avait été au coeur de l'élection présidentielle en raison de la très forte inflation, est resté un argument clé.
Compte-tenu des revirements incessants de Donald Trump, il devrait toutefois être plus difficile de tirer des enseignements de ces scrutins que les fois précédentes, alors que l'intégralité de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat seront renouvelés lors des "midterms" l'an prochain.
"Rien de ce qui se passera en Virginie ou dans le New Jersey ne nous en dira beaucoup sur ce qui se passera dans une circonscription du Missouri ou lors d'une élection sénatoriale dans le Maine", a commenté Douglas Heye, stratège républicain, en amont des scrutins.
Ces élections de mardi constituaient néanmoins une bonne répétition pour les démocrates, en leur fournissant l'occasion d'évaluer différentes stratégies.
Pour les républicains, il s'agissait de déterminer si les électeurs qui ont contribué à la victoire de Donald Trump en 2024 sont prêts à voter pour d'autres candidats que lui.
Dans le New Jersey, Jack Ciattarelli a particulièrement ciblé les électeurs noirs et latino-américains que Donald Trump avait réussi à séduire en 2024. Mais pour lui comme pour les autres candidats républicains, il a été difficile de trouver un équilibre entre soutien à Donald Trump et critique de certaines politiques de la Maison Blanche qui hérissent les électeurs modérés et indépendants.
Malgré son omniprésence et son auto-glorification permanente, Donald Trump est impopulaire: 57% des Américains désapprouvent son action, selon un sondage Reuters/Ipsos. Une situation dont les démocrates ont été incapables de profiter jusqu'à présent.
(Reportage de Tim Reid à Stafford en Virgine, Maria Tsvetkova à New York, Joseph Ax à Washington, avec la contribution d'Ashraf Fahim, Julia Harte, Jonathan Allen et Andrew Hofstetter; version française Tangi Salaün et Jean Terzian)