La Fed, divisée, abaisse ses taux et laisse entrevoir une pause à court terme
information fournie par Reuters 11/12/2025 à 08:20

USA: La Fed abaisse ses taux, une seule réduction attendue en 2026

par Howard Schneider

La Réserve fédérale américaine (Fed) a décidé mercredi d'abaisser ses taux directeurs à l'issue d'un vote de nouveau marqué par des divisions et elle a laissé entendre qu'elle ralentirait probablement le rythme de réduction de ses coûts d'emprunt dans les mois à venir dans l'attente de signaux plus clairs sur le marché de l'emploi, tandis que l'inflation "reste quelque peu élevée".

Dans une décision prise à neuf voix contre trois, le FOMC, le comité de politique monétaire de la Fed, a ramené l'objectif de taux des "fed funds" dans une fourchette de 3,50% à 3,75%, soit une nouvelle baisse de 25 points de base après celle de septembre et d'octobre, au terme d'une réunion de deux jours.

Parmi les membres dissidents sur les taux de la banque centrale américaine, Austan Goolsbee, le président de la Fed de Chicago et Jeffrey Schmid, celui de l'antenne de Kansas City, ont voté en faveur d'un statu quo. L'économiste Stephen Miran, choisi par Donald Trump, a opté à nouveau pour une réduction d'un demi-point de pourcentage.

Au cours de la conférence de presse qui a suivi les annonces de la Fed, son président Jerome Powell a estimé que l'institution était bien positionnée pour répondre aux défis économiques à venir, refusant toutefois de donner des indications quant à une nouvelle baisse des taux dans un avenir proche.

"Je tiens à souligner qu'après avoir abaissé notre taux directeur de 75 points de base depuis septembre et de 175 points de base depuis septembre dernier, le taux des fonds fédéraux se situe désormais dans une large fourchette de prévisions correspondant au taux neutre et que nous sommes bien placés pour patienter et observer la manière dont l'économie évolue", a-t-il déclaré. "La politique monétaire n'est pas prédéterminée et nous prendrons nos décisions réunion après réunion", a-t-il ajouté.

Les nouvelles projections de la banque centrale américaine montrent une position médiane avec une seule baisse de taux d'un quart de point en 2026, comme dans les perspectives présentées en septembre.

Concernant l'évolution des prix, la Fed voit l'inflation ralentir à environ 2,4% à la fin de l'année prochaine, malgré une accélération attendue de la croissance économique au-dessus de 2,3% et un taux de chômage à 4,4%.

Jerome Powell a souligné au cours de sa conférence de presse que la prochaine décision de la Fed ne serait probablement pas un relèvement des taux, au regard des nouvelles projections des responsables de la banque centrale.

"Je ne pense pas qu'une hausse des taux soit le scénario de base de qui que ce soit", a-t-il dit.

"En considérant l'ampleur et le calendrier des ajustements supplémentaires de la fourchette cible des taux des fonds fédéraux, le FOMC évaluera soigneusement les données entrantes", écrit pour sa part la Fed dans son communiqué de politique monétaire. Cette formulation par le passé a été utilisée pour signaler une pause dans les décisions de la banque, une perspective différente de celle des marchés qui prévoient deux réductions supplémentaires de taux en 2026.

WALL STREET FINIT EN HAUSSE

"Il s'agit assurément d'une réduction de taux que l'on peut qualifier de restrictive, non pas en raison des deux dissidents qui souhaitaient le statu quo, mais des six membres qui avaient prévu qu'il n'y aurait pas de baisse de taux lors de cette réunion quand on regarde le 'dot plot'", a déclaré Art Hogan, chef stratège marchés chez B Riley Wealth, faisant référence au graphique représentant les projections des responsables de la Fed en matière de taux d'intérêt. Ce graphique montre six "points" à 3,9% pour le taux directeur avant la baisse de ce mercredi.

Sur les marchés financiers, l'indice Dow Jones a terminé sur un gain de 1,05%, à 48.057,75 points, le Standard & Poor's 500 a pris 0,67% à 6.886,68 points et le Nasdaq Composite a avancé de 0,33% à 23.654,15 points.

"Lorsque la Fed réduit ses taux et que l'économie ne semble pas se diriger vers un ralentissement ou une récession imminents, c'est un contexte que les marchés ont tendance à apprécier", a déclaré Mona Mahajan, responsable de la stratégie d'investissement chez Edward Jones.

Le dollar s'est renforcé immédiatement après la décision de la Fed avant d'effacer par la suite ses gains, cédant au moment de la clôture à Wall Street 0,55% face à un panier de devises de référence.

Le rendement des bons du Trésor à dix ans a reculé de 3,1 points de base, à 4,154%, après avoir fluctué en séance entre 4,137% et 4,209%, un pic de trois mois.

POWELL SOUS PRESSION EN 2026

Les élections américaines de mi-mandat, prévues l'année prochaine, pourraient inciter les différents responsables politiques, à commencer par le président Donald Trump, à se focaliser davantage sur l'économie en tentant d'influer sur les décisions de la Fed.

Le locataire de la Maison blanche souhaite une baisse plus marquée des coûts d'emprunt et a exprimé à plusieurs reprises son mécontentement vis-à-vis de Jerome Powell. Le mandat de ce dernier à la tête de l'institution expire l'année prochaine et celui-ci pourrait être remplacé par Kevin Hassett, le conseiller économique de Donald Trump.

Prié de dire s'il irait jusqu'au bout de son mandat, Jerome Powell s'est contenté de déclarer: "Je pense que je veux vraiment remettre ce poste à la personne qui me remplacera avec une économie qui se porte très bien".

"Je veux que l'inflation soit maîtrisée, qu'elle revienne à 2% et que le marché du travail soit solide, a-t-il ajouté.

"Je me concentre sur le temps qu'il me reste à passer à la tête de la Fed", a-t-il poursuivi, ajoutant qu'il n'avait rien à déclarer sur la possibilité de rester à la Fed au-delà de la fin de son mandat de président en mai.

DES PERSPECTIVES ÉCONOMIQUES SOLIDES POUR 2026

Les nouvelles projections de la Fed sont d'une certaine manière optimistes: les taux d'intérêt pourraient rester plus élevés que prévu, mais l'économie devrait croître plus rapidement alors même que l'inflation diminue et que le taux de chômage baisse.

Ces projections ont toutefois été élaborées sans tenir compte des derniers indicateurs officiels sur l'emploi et l'inflation, en raison du plus long "shutdown" de l'histoire des Etats-Unis qui a empêché la collecte de données pendant 43 jours.

De l'aveu même des responsables de la Fed, les prévisions se sont plutôt appuyées sur les "indicateurs disponibles", dont des enquêtes internes et des données privées.

Les données officielles les plus récentes sur le chômage et l'inflation datent de septembre et montrent que le taux de chômage est passé de 4,3% à 4,4%, tandis que la mesure de l'inflation privilégiée par la Fed a également augmenté légèrement, passant de 2,7% à 2,8%.

La Fed a un objectif d'inflation de 2% mais le rythme de la hausse des prix a augmenté régulièrement, en raison en partie du relèvement des droits de douane, un élément qui suscite des divisions au sein de la banque centrale américaine.

"Ce sont vraiment les droits de douane qui sont à l'origine pour l'essentiel de cette inflation supérieure à l'objectif", a déclaré Jerome Powell, réitérant sa prévision selon laquelle l'impact des surtaxes sur l'inflation se traduira probablement par une "hausse de prix ponctuelle".

Les données sur l'emploi et l'inflation pour le mois de novembre seront publiées la semaine prochaine, avant le rapport détaillé sur la croissance économique pour le troisième trimestre.

"Les indicateurs disponibles suggèrent que l'activité économique s'est développée à un rythme modéré", indique le communiqué de la Fed. "Les gains en termes d'emplois ont ralenti cette année, et le taux de chômage a légèrement augmenté jusqu'en septembre", poursuit le communiqué, qui ne fait plus mention d'un taux de chômage présenté comme étant "bas".

Les nouvelles projections de la Fed montrent qu'un noyau de six de ses responsables n'étaient pas partisans d'une réduction des taux cette année et que sept prévoyaient de ne pas les baisser davantage en 2026.

La projection médiane montre une réduction supplémentaire de taux d'un quart de point de pourcentage en 2027 avec une inflation se rapprochant de l'objectif de 2%.

Avant la baisse de taux de septembre, puis celle d'octobre, la précédente réduction remontait à décembre 2024.

Une majorité d'économistes interrogés par Reuters, soit 89 sur 108, a estimé dans une enquête publiée le 4 décembre que la banque centrale américaine abaisserait ses taux d'un quart de point ce mercredi.

(Version française Claude Chendjou, édité par Sophie Louet, Jean-Stéphane Brosse et Camille Raynaud)