Une photo de "fermiers blancs" tués brandie par Trump devant Ramaphosa provient de RDC, pas d'AfSud
information fournie par Reuters 22/05/2025 à 23:00

Le président américain Donald Trump s'est servi d'une capture d'écran d'une vidéo filmée par Reuters en République démocratique du Congo (RDC) pour réitérer devant son homologue sud-africain Cyril Ramaphosa, reçu mercredi à la Maison blanche, des accusations sans fondement de massacres des Blancs en Afrique du Sud.

Au cours d'une rencontre dans le Bureau ovale aux airs de "traquenard" géopolitique, rappelant la manière dont le président ukrainien Volodimir Zelensky avait été pris à partie en février, Donald Trump a brandi notamment devant les journalistes et Cyril Ramaphosa une copie imprimée d'un article de presse montrant selon le président américain "des agriculteurs blancs qui sont enterrés".

En réalité, cette vidéo, publiée par Reuters le 3 février dernier et authentifiée par une équipe de l'agence chargée des vérifications, montre des travailleurs humanitaires porter des sacs mortuaires dans la ville congolaise de Goma.

La vidéo a été filmée à la suite d'affrontements sanglants en RDC entre les forces gouvernementales et les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda.

L'article imprimé par la Maison blanche et montré par Donald Trump durant la réception de Cyril Ramaphosa a été publié par American Thinker, un magazine en ligne conservateur, à propos des tensions et conflits raciaux en Afrique du Sud et au Congo.

Aucune légende n'est apposée à la photo de l'article, autre que "capture d'écran YouTube", avec un lien YouTube vers un reportage vidéo au Congo - lequel crédite Reuters comme source.

La Maison blanche n'a pas répondu à une demande de commentaire.

La rédactrice en cheffe d'American Thinker, Andrea Widburg, également auteure de l'article en question, a déclaré dans un courriel envoyé en réponse à Reuters que Donald Trump a "mal identifié l'image".

Elle a toutefois ajouté que sa publication, qui dénonce ce qu'elle décrit comme un gouvernement sud-africain "dysfonctionnel et marxiste" obsédé par les questions raciales, met en exergue "les pressions accrues sur les Sud-Africains blancs".

Une théorie du complot selon laquelle les fermiers blancs sont massacrés en Afrique du Sud circule ces dernières années dans les réseaux d'extrême droite.

Djaffar Al Katanty, le vidéojournaliste de Reuters ayant filmé la fosse commune à Goma à la suite d'une attaque des M23, s'est dit choqué de voir Donald Trump brandir un article avec une capture d'écran de son reportage.

"Aux yeux du monde, le président Trump a utilisé mon image, ce que j'ai filmé en RDC, pour tenter de convaincre le président Ramaphosa que dans son pays (l'Afrique du Sud), des Blancs sont tués par des Noirs", a-t-il dit.

"Ce jour-là", s'est-il remémoré à propos de son reportage à Goma, "il était extrêmement difficile pour les journalistes d'avoir accès (...) J'ai dû négocier directement avec les M23 et me coordonner avec le Comité international de la Croix-Rouge pour être autorisé à filmer. Seul Reuters a la vidéo".

Cyril Ramaphosa s'est rendu à Washington dans l'espoir de réparer les relations avec les Etats-Unis alors que Donald Trump a coupé l'aide financière à l'Afrique du Sud, lui reprochant sa politique foncière, sa plainte contre Israël devant la Cour internationale de justice pour des accusations de génocide à Gaza et le mauvais traitement supposé des fermiers blancs.

En plein milieu de leur rencontre dans le Bureau ovale mercredi, dans une séquence à l'évidence orchestrée par la Maison blanche afin d'avoir une portée maximale, Donald Trump a demandé que la lumière soit tamisée pour diffuser une vidéo démontrant selon lui un "génocide" des fermiers blancs en Afrique du Sud.

Cyril Ramaphosa, resté globalement impassible durant la diffusion, a dit ensuite n'avoir jamais vu de telles images et a demandé à Donald Trump des précisions sur le lieu exact où les images ont été filmées. Le président américain n'a pas été en mesure de répondre.

(Stephanie Burnett, Milan Pavicic, Nellie Peyton et Cooper Inveen; version française Jean Terzian)