Une "fiscalité négociée" pour les plus riches ? Les accords de "règlements d'ensemble" passés avec le fisc dans le viseur de députés de gauche information fournie par Boursorama avec Media Services 19/06/2025 à 12:17
Cette pratique, visant à accélérer la conclusion d’un contrôle fiscal sur des dossiers à la forte incertitude juridique, est accusée de provoquer un "manque à gagner considérable" pour les finances de l'Etat.
Un "tiens" vaut-il mieux que deux "tu l'auras"? Un rapport parlementaire publié mercredi 18 juin écorche la pratique "opaque" des règlements d'ensemble, destinée à sécuriser à l'Etat des recettes fiscales atténuées dans le cas de dossiers complexes au risque contentieux incertain.
Ces dispositions ont ainsi permis au fisc de consentir plus d'un milliard d'euros de modération fiscale à des particuliers et des entreprises chaque année en moyenne depuis 2019, occasionnant un "manque à gagner considérable" pour les finances publiques, selon un rapport parlementaire publié mercredi.
Mis en place en 2004, les règlements d'ensemble sont l'une des modalités d'aboutissement du contrôle fiscal consistant pour l'administration à passer des accords avec les contribuables, des particuliers ou -le plus souvent- des entreprises, afin de transiger sur les pénalités et les droits que ces derniers sont tenus d'acquitter, notamment dans des dossiers particulièrement complexes.
Dans un rapport d'information de l'Assemblée nationale, les députés insoumise Mathilde Feld, et communiste Nicolas Sansu, étrillent cette pratique dont ils dénoncent l'opacité et la mise en oeuvre en l'absence de base légale. Ils estiment que ces règlements d'ensemble constituent un "manque à gagner considérable" pour les finances publiques, et soulèvent des "questions majeures en termes de transparence, d'équité fiscale et d'impact sur les finances publiques".
Les députés déplorent également que les données disponibles sur ces pratiques "restent extrêmement limitées", notamment pour les parlementaires, et affirment qu'avant 2020, aucune information publique sur les règlements d'ensemble n'étaient accessibles. Selon le rapport, cette pratique exceptionnelle a quasiment triplé en six ans, passant de 116 règlements d'ensemble en 2019, à 315 en 2024, ce qui fait craindre aux députés une "acculturation" des contribuables qui en bénéficient. Depuis 2019, en moyenne chaque année, 1,26 milliard d'euros de modérations ont été accordées par le fisc à l'issue de ces procédures, les montants pouvant varier du simple au double d'une année sur l'autre.
Atteinte au principe d'égalité devant l'impôt
Les députés dénoncent également les modalités de conclusion de ces accords, des "négociations orales" qui "ne sont décrites nulle part", ce qui "nourrit l'opacité". Surtout, ils sont passés en l'absence d'un cadre légal pour les encadrer, relèvent-ils, reprenant l'argument d'une carence de fondement juridique déjà avancé par la Cour des comptes en 2018. Selon le rapport, l'administration fiscale fait valoir plusieurs arguments pour défendre cette pratique, notamment qu'elle demeure cantonnée à des dossiers complexes, et qu'elle permet de "garantir des recettes fiscales à l'Etat" plutôt que d'engager un contentieux à l'issue incertaine, tout en contribuant à accélérer les procédures.
Des arguments réfutés par les députés qui, sans remettre en cause l'existence du dispositif, déplorent qu'il puisse donner le sentiment d'une "fiscalité négociée" qui "profite avant tout aux individus les plus riches et aux grandes entreprises, nuisant ainsi à l'égalité devant l'impôt".