Une "catastrophe inimaginable" : le secteur des alcools européens appelle à néogocier après l'imposition de droits de douane par Donald Trump information fournie par Boursorama avec Media Services 03/04/2025 à 17:53
"Le marché américain est irremplaçable à court terme", a souligné une des Fédération française de producteurs de vins.
Un "coup dur", une "catastrophe" qui risque d'entraîner des "cessations d'activité en chaîne". La filière européenne des vins et spiritueux s'est inquiété jeudi 3 avril des mesures protectionnistes imposées par Donald Trump et veut encore croire en la négociation pour éviter les 20% de droits de douane supplémentaires annoncés.
La menace brandie mi-mars par le président américain d'imposer des droits de douane de 200% sur les alcools européens n'a pas été au bout. Mais les 20% annoncés mercredi sur tous les produits importés de l'Union européenne sont "un coup dur porté à toute la filière des vins et spiritueux de part et d'autre de l'Atlantique", a réagi le Comité Champagne.
La Fédération française des exportateurs de vins et spiritueux (FEVS) craint "un impact énorme sur l'emploi et l'économie du secteur" avec, en France, "un recul des exportations d'environ 800 millions d'euros", et de 1,6 milliard d'euros pour l'ensemble de l'Union européenne. Pour les eaux-de-vie, déjà en "conflit avec la Chine", "c’est une catastrophe d'une ampleur inimaginable", déplore Anthony Brun, président de l'Union générale des viticulteurs pour l'AOC cognac, inquiet d'un "risque de cessations d'activité en chaîne".
"Le marché américain est irremplaçable à court terme"
En 2024, l'UE a exporté pour 8 milliards d'euros d'alcools, dont plus de 5 milliards de vin, aux États-Unis, son premier marché à l'exportation. La France représente environ la moitié : 2,4 milliards d'euros de vin et 1,5 milliard de spiritueux français ont été écoulés sur le marché américain (environ 25% de ses exportations). L'Hexagone est suivi de l'Italie (environ 2 milliards d'euros de vin exportés). La Suède écoule aux États-Unis sa vodka, l'Irlande son whisky...
"Ces droits de douane interviennent dans un contexte déjà difficile pour le secteur viticole , confronté à une baisse de la consommation et à de fortes pressions du marché. Le marché américain est irremplaçable à court terme", souligne la Fédération européenne des vins d'origine (EFOW).
Ces 20% ne sont "pas une complète surprise", admet le délégué général de la Fédération française des exportateurs, Nicolas Ozanam. "On a encore quelques jours pour discuter, essayer de trouver des solutions s'inscrivant dans un agenda positif" , souligne-t-il. "Si on rentre dans l'escalade, on accroît les dégâts", alors que 10% de surtaxe doivent s'appliquer dès samedi, puis 20% le 9 avril.
Donald Trump avait menacé les alcools européens de surtaxes à 200% quand l'UE envisageait de répliquer aux surtaxes américaines sur l'acier et l'aluminium en sanctionnant le bourbon. Depuis, Bruxelles a reporté à la mi-avril la publication de sa liste de représailles.
Le secteur des alcools appelle l'UE à laisser le bourbon et plus généralement leur activité hors du conflit. Depuis un accord UE-USA de 1997, les spiritueux sont exonérés de droits douaniers de part et d'autre de l'Atlantique. Pour "construire une relation commerciale positive", les exportateurs français proposent aujourd'hui de faire de même pour les vins, encore soumis à de faibles taxes.
"Solution négociée"
Le lobby des spiritueux SpiritsEurope "salue le désir de l'UE d'atteindre une solution négociée" pouvant aboutir à "un retour à un environnement offrant une croissance continue pour les producteurs européens et américains".
Donald Trump avait déjà imposé 25% de surtaxes en 2019-20 à certains vins de quatre pays européens, dont la France, dans le cadre d'un conflit sur l'aéronautique. Les vins de Bourgogne avaient alors vu leurs exportations chuter "de 25%", se souvient Laurent Delaunay, président du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB), pour qui ce nouvel épisode "est très grave".
"Si ça devait représenter 20% de (pertes de) nos exportations de vins de Bordeaux aux États-Unis, ça ne représenterait pas loin de 100 millions d'euros", dit aussi Allan Sichel, du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), redoutant "que l'Europe engage des mesures en échange. On peut (alors) craindre que ça s'empire".
Hillebrand Gori, transporteur allemand spécialiste des alcools, a vu les expéditions croître ces derniers mois par anticipation.
"On sait que le volume d'ordres va baisser, mécaniquement, parce qu'on a beaucoup anticipé", dit son directeur commercial France, Clément Desbois. "On va voir comment le marché va se normaliser, mais j'ai confiance car il a montré de la résilience lors de la première salve" à 25%.