Ukraine: quel accord attendre du sommet Trump-Poutine et peut-il être viable ? information fournie par Reuters 13/08/2025 à 06:43
Le président américain Donald Trump et le président russe Vladimir Poutine vont s'entretenir vendredi en Alaska pour dessiner les contours d'un accord de paix en Ukraine, un sommet qui revêt une importance majeure pour la sécurité en Europe.
Les dirigeants européens et le président ukrainien Volodimir Zelensky comptent s'entretenir avec Donald Trump mercredi en amont du sommet, alors que les capitales européennes craignent que Washington, jusqu'ici le principal pourvoyeur d'armes à Kyiv, négocie des conditions de paix défavorables à l'Ukraine.
Des articles de presse rapportent que Vladimir Poutine a confié à son homologue américain qu'il souhaitait que l'Ukraine cède des zones dans la région de Donetsk que Moscou ne contrôle pas encore. La Russie revendique également trois autres régions ukrainiennes ainsi que la péninsule de Crimée, annexée en 2014.
QUEL ACCORD PEUT-IL ÉMERGER ?
Sans entrer dans les détails, Donald Trump a avancé que tout accord incluerait un échange de territoires, provoquant des protestations de la part de Kyiv et des capitales européennes. Moscou occupe près de 20% du territoire ukrainien alors que l'Ukraine n'occupe aucune terre russe.
"C'est une inquiétude raisonnable que de penser que Trump se laisse berner par Poutine et conclut un accord aux dépens de l'Ukraine", a noté Daniel Fried, ancien diplomate américain de haut rang désormais membre du think tank Atlantic Council.
Toutefois, a-t-il ajouté, de "meilleurs résultats" pour l'Ukraine sont toujours possibles si les dirigeants américains "prennent conscience que Poutine continue de jouer avec eux".
L'une des issues possibles est un accord sur une "ligne d'armistice" au lieu d'un échange final de territoires, avec une reconnaissance de facto - non légale - des terres actuellement occupées par les troupes russes.
Outre les considérations territoriales, les négociateurs vont devoir aborder le sujet des garanties sécuritaires pour l'Ukraine, son ambition de rejoindre l'Otan et l'Union européenne, des restrictions sur la taille de son armée réclamées par Moscou, et le futur des sanctions occidentales contre la Russie.
Donald Trump n'a pas fait de commentaires sur ces sujets depuis l'annonce de sa réunion avec Vladimir Poutine, bien que l'administration américaine ait averti qu'il était exclu que l'Ukraine intègre l'Otan.
Selon certains diplomates, une possibilité existe pour que Donald Trump opte pour un accord unilatéral avec Moscou, donnant la priorité à des contrats énergétiques lucratifs et des accords potentiels de contrôle des armes entre les Etats-Unis et la Russie.
Le locataire de la Maison blanche a déjà émis l'hypothèse d'un accord impossible entre Moscou et Kyiv.
La Maison blanche n'a pas répondu à une demande de commentaire sur la possibilité que le président américain signe un accord unilatéral avec le chef du Kremlin.
TRUMP PEUT-IL FORCER UN ACCORD SUR L'UKRAINE ?
Un accord incluant un échange de territoires serait accueilli avec défiance par Volodimir Zelensky et les dirigeants européens. Le président ukrainien a rappelé que la Constitution de son pays interdisait une telle éventualité, ce qui pourrait tout au plus mener à un gel des lignes de front actuelles et une division instable et juridiquement non contraignante de son pays.
Donald Trump pourrait forcer Kyiv à accepter un tel accord, brandissant la menace d'un arrêt des livraisons d'armes et du partage du renseignement militaire.
Il pourrait toutefois autoriser l'Europe à acheter des armes américaines au nom de l'Ukraine, a confié un dirigeant européen à Reuters sous couvert d'anonymat.
"La perte du renseignement américain serait l'élément le plus dur à remplacer. L'Europe est loin d'être en mesure de fournir ce soutien", a-t-il ajouté.
QUELLES CONSÉQUENCES DOMESTIQUES POUR DONALD TRUMP ?
Mais abandonner l'Ukraine peut s'avérer risqué politiquement pour Donald Trump, selon John Herbst, ancien ambassadeur américain à Kyiv, désormais consultant pour Atlantic Council.
Un tel scénario ferait de Donald Trump "un complice du viol de l'Ukraine par Poutine (...) Je ne pense pas que Trump veuille être vu de cette manière", a-t-il dit.
Le président américain pourrait aussi se faire des ennemis au sein même de son Parti républicain, où il est pourtant solidement ancré.
"Récompenser Poutine de son invasion illégale de l'Ukraine et de son génocide brutal en Ukraine, ce serait envoyer le message contraire à celui que l'on doit envoyer aux dictateurs et aux dictateurs en puissance à travers le globe", a écrit Brian Fitzpatrick, membre républicain du Congrès et ancien agent du FBI, sur le réseau social X.
COMMENT L'EUROPE PEUT-ELLE RÉPONDRE ?
Les Etats membres de l'UE ont acté mardi que l'Ukraine devait être libre quant au choix de son futur et se sont déclarés prêts à contribuer encore plus aux garanties sécuritaires de Kyiv.
Pour Oana Lungescu, ancienne porte-parole de l'Otan et désormais membre du think tank RUSI, les pays de l'UE doivent agir beaucoup plus rapidement pour armer l'Ukraine et démarrer dès septembre le processus d'adhésion de Kyiv au bloc.
"Si un accord inacceptable émerge de l'Alaska, les capitales européennes se lanceront dans une nouvelle offensive de charme et diplomatique vis-à-vis de Trump", a déclaré pour sa part Jana Kobzova, de l'European Council on Foreign Relations.
"Les dirigeants européens sont de plus en plus conscients que le futur de la sécurité de l'Ukraine est inséparable de celle du reste de l'Europe et ils ne peuvent pas laisser Poutine seul décider de sa forme et de son avenir."
(Bureaux de Washington, Londres, Bruxelles, Berlin, Moscou et Kyiv; version française Zhifan Liu)