Ukraine-Les USA à l'initiative, Zelensky sous pression, les Européens répliquent
information fournie par Reuters 21/11/2025 à 15:02

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par Anastasiia Malenko et Gram Slattery

Les Etats-Unis mettent la pression sur le président Volodimir Zelensky pour qu'il accepte leur plan de règlement du conflit russo-ukrainien, un projet qui fait la part belle aux revendications du Moscou et a pris de court les Européens, occupés à forger une réponse commune posant leurs conditions.

Selon deux sources au fait du dossier, Washington brandit la menace d'une rupture du partage des renseignements militaires avec Kyiv et des livraisons d'armes s'il ne consent pas à son plan en 28 points.

S'exprimant sous le sceau de l'anonymat, elles ont déclaré à Reuters que la pression américaine n'avait jamais été telle envers le chef de l'Etat ukrainien, dont la Maison blanche attend qu'il signe un accord-cadre d'ici le jeudi 27 novembre.

Des consultations ont eu lieu jeudi à Kyiv entre Volodimir Zelensky et des émissaires du Pentagone. "Nous travaillons sur le document préparé par la partie américaine. Ce doit être un plan qui assure une paix digne et réelle", a-t-il écrit prudemment vendredi sur X.

Déstabilisé par un scandale de corruption à grande échelle en Ukraine et l'avancée des forces russes sur le territoire national, le président ukrainien s'est dit prêt la veille à un "travail constructif et honnête" avec Washington.

L'ambassadeur des Etats-Unis en Ukraine et le responsable de la communication de l'armée américaine, qui faisaient partie de la délégation, ont décrit la réunion comme un succès et ont fait état d'un "calendrier agressif" pour la mise en oeuvre du plan.

"CONSENSUS"

Les Vingt-Sept, tenus à l'écart, tentaient de faire front commun face à ce nouveau camouflet diplomatique, refusant d'endosser la "capitulation" inscrite entre les lignes du plan. Mais les réactions se sont succédé en ordre dispersé vendredi.

Le chancelier allemand Friedrich Merz, le président français Emmanuel Macron et le Premier ministre britannique Keir Starmer se sont entretenus vendredi par téléphone avec le président ukrainien auquel ils ont renouvelé leur soutien et rappelé leur volonté d'"une paix juste et durable".

Ils ont "réaffirmé que toutes les décisions ayant des implications pour les intérêts de l'Europe et de l'Otan nécessitent le soutien conjoint et le consensus des partenaires européens et des alliés de l'Otan respectivement", selon un communiqué de la présidence française.

Rien ne peut être décidé sans l'Ukraine, avait répété avant eux la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à Johannesburg pour le sommet du G20 qui s'ouvre samedi.

Elle a précisé que les dirigeants européens discuteraient du plan avec le président ukrainien en marge du sommet du G20. Le président du Conseil européen, Antonio Costa, a concédé que l'UE n'avait pas pris connaissance du plan et qu'il était donc prématuré de commenter l'initiative américaine.

Une source proche du dossier a dit à Reuters que des représentants américains devaient présenter le plan, divulgué dans plusieurs médias, vendredi aux ambassadeurs des pays de l'UE à Kyiv.

Le Kremlin, qui observe une précautionneuse distance, a fait savoir pour sa part qu'il n'avait pas été destinataire à ce stade d'un document officiel en provenance des Etats-Unis et qu'il escomptait une "décision responsable" de l'Ukraine.

"GAGNANT-GAGNANT"

"C'est un moment très dangereux pour tous", a souligné vendredi la Haute représentante de l'Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité.

"Nous voulons tous que cette guerre finisse, mais le comment importe. La Russie n'a aucun droit légal à des concessions de la part du pays qu'elle a envahi, c'est à l'Ukraine de décider in fine des termes d'un accord", a déclaré Kaja Kallas à des journalistes.

L'ex-ministre de la Défense Roustem Oumerov, aujourd'hui secrétaire du Conseil de sécurité nationale ukrainien, a précisé vendredi dans un communiqué sur Telegram que la partie ukrainienne "étudiait toujours avec soin les propositions de ses partenaires et qu'elle attendait la même attitude envers elle".

Il a fait état de discussions exclusivement "techniques" en rappelant les attentes inconditionnelles de Kyiv : "souveraineté, sécurité du peuple et une paix juste".

Il a démenti avoir apporté son blanc-seing, comme l'affirmait jeudi un haut responsable américain, au projet de la Maison blanche. "Durant ma visite aux Etats-Unis, mon rôle était technique : organiser des réunions et préparer le dialogue. Je n'ai livré aucune évaluation, encore moins aucun assentiment sur quelque point", s'est-il défendu.

Le projet américain, dont Reuters a consulté une copie, prévoit notamment que Kyiv cède à la Russie la totalité du Donbass (les oblasts de Donetsk et Louhansk), dans l'est de l'Ukraine, reconnaisse l'annexion de la Crimée et réduise de manière significative la taille de son armée.

L'effectif militaire ukrainien serait limité à 600.000 hommes. Près d'un million de recrues combattent dans les forces armées ukrainiennes face à un ennemi supérieur en nombre sur une ligne de front longue de plus de 1.200 kilomètres.

L'Ukraine recevrait de "robustes garanties de sécurité" - elles ne sont pas détaillées - et s'engagerait aux termes du plan à renoncer à adhérer à l'Otan.

La porte-parole de la Maison blanche, Karoline Leavitt, a déclaré que le secrétaire d'Etat Marco Rubio et l'envoyé spécial Steve Witkoff avaient discrètement travaillé à l'élaboration de ce projet, soutenu par Donald Trump, depuis près d'un mois.

"Ce plan a été bâti pour refléter les réalités de la situation (...) et trouver le meilleur scénario gagnant-gagnant, dans lequel les deux parties gagnent plus qu'elles ne donnent."

Voir également :

ENCADRE

-Ce que contient le plan américain pour le règlement de la guerre en Ukraine

(avec les rédactions de Bruxelles, Washington et Kyiv, rédigé par Peter Graff, Timothy Heritage, David Brunnstrom et Costas Pitas; version française Sophie Louet, édité par Kate Entringer)