Ukraine: Face au plan US, l'UE sous pression pour trouver un accord sur les avoirs russes gelés
information fournie par Reuters 26/11/2025 à 14:47

Jared Kushner, Steve Witkoff, Marco Rubio et Daniel Driscoll sont assis avant des discussions à huis sur la fin de la guerre de la Russie en Ukraine

par Jan Strupczewski

L'Union européenne (UE) a accéléré ses efforts pour parvenir à un accord concernant l'utilisation des avoirs russes gelés en Europe afin de soutenir l'Ukraine alors que le plan de paix soutenu par les États-Unis, dévoilé la semaine dernière, prévoit des dispositions différentes, ont déclaré des responsables européens.

La Commission européenne doit présenter cette semaine un projet de proposition juridique concernant l'utilisation des avoirs russes gelés détenus en Europe pour financer en 2026 et 2027 l'effort de guerre de Kyiv.

Depuis octobre, les Vingt-Sept débattent d'un "prêt de réparation" de 140 milliards d'euros financé par les avoirs russes gelés dont la majorité sont placés chez Euroclear, structure financière de dépôts de titres basée en Belgique.

Le pays abrite ainsi 185 milliards d'euros d'avoirs russes gelés sur un total de 210 milliards d'euros placés en Europe.

Le projet européen prévoit que l'Ukraine ne rembourse le prêt de l'UE que si Moscou lui verse des dommages de guerre dans le cadre d'un accord de paix.

Mais le gouvernement belge se montre très frileux concernant les risques juridiques et financiers d'un tel montage et les Vingt-Sept ne sont pas parvenus à obtenir son soutien lors de leur sommet le 23 octobre.

La proposition juridique attendue cette semaine de la Commission européenne doit permettre de lever les objections de la Belgique, ont déclaré des responsables de l'UE. Elle devrait aborder en détail diverses garanties juridiques exigées par le gouvernement belge.

"Nous devons aider l'Ukraine à se défendre. Nous nous sommes engagés à couvrir ses besoins financiers en 2026 et 2027. Cela inclut une option sur les avoirs russes immobilisés", a déclaré mercredi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, devant le Parlement européen.

"La prochaine étape consiste maintenant pour la Commission à présenter un texte de loi et, pour être très claire, je n'envisage aucun scénario dans lequel le contribuable européen devra à lui seul payer la facture."

DISPOSITIONS AMÉRICAINES

Mais alors que les Européens tentent d'avancer, ils ont été pris de court par la proposition soutenue par les Etats-Unis d'un plan de paix pour l'Ukraine en 28 points, qui prévoit notamment un autre projet pour les actifs russes gelés.

"Cela a assurément rendu les travaux sur ce sujet encore plus urgents", a déclaré un responsable européen au fait des préparatifs.

La dernière version du plan de paix soutenu par Washington, qui a été remanié après des discussions dimanche à Genève entre responsables européens, américains et ukrainiens, n'a pas été dévoilée.

Mais la première version rendue publique la semaine dernière prévoit que 100 milliards de dollars de fonds russes gelés seront investis dans un effort mené par les États-Unis pour reconstruire l'Ukraine et y investir.

Les États-Unis recevront 50% des bénéfices de cette entreprise.

De son côté, l'Europe apporterait une contribution équivalente à ces 100 milliards de dollars afin d'augmenter les investissements disponibles pour reconstruire l'Ukraine.

Le solde des fonds russes gelés sera investi dans un véhicule d'investissement américano-russe distinct qui poursuivra des projets conjoints entre Washington et Moscou dans des domaines à définir.

RISQUES JURIDIQUES ET FINANCIERS

Pour parvenir à un accord, les Vingt-Sept, qui discuteront à nouveau du projet de prêt le 18 décembre, doivent répondre aux préoccupations de la Belgique concernant notamment la question d'éventuelles poursuites intentées par la Russie contre Euroclear.

Le gouvernement belge souhaite que les autres pays de l'UE garantissent qu'il ne sera pas seul à supporter les frais et les conséquences financières.

De même, si jamais la justice décidait que la Russie devait récupérer les fonds gelés avant que Moscou ne verse des réparations à Kyiv, la Belgique souhaite que les autres pays de l'UE s'engagent à contribuer à fournir cet argent – et rapidement.

En attendant l'éventuel versement par la Russie de dommages de guerre, les fonds russes restent gelés en vertu d'une décision des dirigeants de l'UE qui doit être renouvelée à l'unanimité tous les six mois.

Avec le risque que la Hongrie, qui affiche sa proximité avec Moscou, refuse de reconduire les sanctions et libère ainsi automatiquement les fonds russes gelés.

La Belgique et d'autres gouvernements européens souhaitent que la Commission européenne trouve un moyen d'empêcher cela avant d'approuver tout dispositif.

Outre les 185 milliards d'euros immobilisés en Belgique, on estime à 25 milliards d'euros supplémentaires les fonds souverains russes gelés dans des banques de l'UE dans divers pays, principalement en France et au Luxembourg.

Pour le gouvernement belge, d'autres pays détenant des fonds russes, notamment les membres du G7 que sont le Canada, le Japon, le Royaume-Uni et les États-Unis, devraient également être inclus dans ce programme.

Des responsables de l'UE proches des négociations sur la proposition juridique se disent convaincus que toutes ces préoccupations peuvent être prises en compte une par une.

"Mais au final, tout dépendra de la volonté politique", a déclaré un de ces responsables.

(Reportage Jan Strupczewski, version française Blandine Hénault, édité par Sophie Louet)