Turquie: espoir de libération pour l'opposant Demirtas après une décision européenne
information fournie par AFP 04/11/2025 à 17:19

Le portrait de Selahattin Dermitas est brandi par des partisans du Parti démocratique des peuples (HDP pro-kurde), lors d'un rassemblement "Paix et Justice" à Istanbul le 3 février 2019 ( AFP / Yasin AKGUL )

Après tant d'espoirs déçus, ses partisans se reprennent à espérer mardi la libération de l'opposant kurde Selahattin Demirtas, détenu depuis 2016, à la suite d'une décision définitive de la Cour européenne des droits de l'homme en sa faveur.

Ses avocats et l'opposition parlementaire turque ont aussitôt réclamé mardi la remise en liberté de cette figure toujours charismatique et populaire, arrêté il y a exactement neuf ans le 4 novembre 2016 et condamné en mai 2019 à 42 ans de prison.

Ce rebondissement intervient parallèlement aux progrès du processus de paix initié depuis un an par Ankara avec la guérilla kurde du PKK : le Parti des Travailleurs du Kurdistan a annoncé sa dissolution en mai, à l'appel de son chef historique Abdullah Öcalan, emprisonné depuis 1999.

Depuis sa prison d'Edirne, Selahattin Demirtas, 52 ans, a de nouveau exprimé mardi son soutien au processus de pacification en cours et remercié les personnalités qui ont réclamé sa libération. Concluant sa note manuscrite, publiée sur X par ses avocats, par sa foi en la démocratie et "avant tout, la paix, la paix".

L'opposant a été accusé, entre autres, de propagande terroriste en faveur du PKK (interdit), d'insulte au président et d'avoir appelé à manifester en soutien aux combattants kurdes qui affrontaient les jihadistes à Kobane, en Syrie.

Au terme d'un long processus initié en 2019 et de multiples appels, la CEDH a rejeté lundi soir l'ultime demande du ministère turc de la Justice et rendu un arrêt définitif confirmant la violation de ses droits et ordonnant sa libération. En fin de journée, le gouvernement turc n'avait fait aucun commentaire.

Le parti DEM (ex-HDP) de M. Demirtas, troisième force au parlement, a aussitôt réclamé sa "libération immédiate".

- "Sans délai" -

"Au regard des nombreuses décisions de la CEDH et de sa décision FINALE (...) nos amis devraient être libérés sans délai", a écrit le DEM, réclamant également la libération de son ancienne coprésidente, Figen Yüksekdag et d'autres responsables.

Le CHP (social démocrate), premier parti d'opposition, a fait de même, son président Özgür Özel rappelant que M. Demirtas "a été arraché à ses filles de 9 et 12 ans. Aujourd'hui, l'une a 18 ans et l'autre 21".

Le signal le plus encourageant est venu dès mardi du parti nationaliste MHP, allié du président Recep Tayyip Erdogan dont le leader, Devlet Bahceli, a estimé que "la libération (de Selahattin Demirtas) sera de bon augure pour la Turquie".

Dans sa lettre, M. Demirtas relève "la bravoure de M. Bahceli (qui) a su briser les tabous" et le "remercie sincèrement".

Les avocats de l'opposant ont déposé sans tarder une demande de remise en liberté auprès du tribunal d'Ankara.

Selon Ozturk Turkdogan, vice-président du parti Dem et spécialiste des droits humains qui a exprimé "un sentiment positif", sa libération pourrait prendre quelques jours, voire quelques semaines" pour des questions de procédure.

"Légalement, ces décisions doivent être respectées" insiste-t-il. Toutefois, la Turquie fait déjà l'objet d'une procédure d'infraction devant le Conseil de l'Europe, pour non respect des arrêts de la CEDH dans le cadre de l'affaire Osman Kavala, rappelle-t-il à l'AFP.

L'homme d'affaires et philanthrope, âgé de 68 ans, a été arrêté en 2017 et condamné en 2022 à la perpétuité pour "tentative de renversement du gouvernement" via le financement des manifestations dites du "mouvement de Gezi" en 2013.

Le président du barreau turc, Erinç Sagkan, a prié sur X la justice d'agir "sans délai", "plutôt que de recourir à des manœuvres dilatoires et à des évaluations accessoires qui aggravent la violation des droits de Selahattin Demirtas".

Les proches de M. Demirtas et ses défenseurs n'ont cessé de dénoncer une "décision politique". D'autant qu'il est détenu à Edirne (nord-ouest), obligeant son épouse et ses deux filles à parcourir 1.200 km pour le visiter, depuis son fief de Diyarbakir.

Tous, alors que le gouvernement turc est engagé dans un processus de paix avec la PKK, après quatre décennies de guérilla meurtrière, espéraient ces derniers mois un geste en faveur de "Selo", comme l'appellent ses amis.