Tunisie: plus de 2.000 personnes manifestent contre "les injustices" information fournie par AFP 22/11/2025 à 21:20
Au rythme de tambours, plus de 2.000 personnes, militants associatifs et politiques ou simples citoyens, ont défilé samedi à Tunis pour la défense des libertés politiques et une amélioration des conditions économiques, selon des observateurs et des journalistes de l'AFP.
Réunis "contre les injustices" sous la houlette du comité de défense d'Ahmed Souab, un avocat respecté condamné fin octobre à cinq ans de prison pour avoir critiqué le système judiciaire, les protestataires ont marché pendant plus de deux heures dans le centre de Tunis.
La manifestation, d'une ampleur inhabituelle pour ces derniers mois, a fait symboliquement étape devant le siège du Groupe chimique tunisien, rendu responsable d'une grave pollution à Gabès (sud) et devant le syndicat des journalistes SNJT, qui a déploré récemment une "répression sans précédent" des médias.
"Liberté, liberté" ont scandé les manifestants vêtus de noir, munis de sifflets et portant un ruban rouge, en majorité des sympathisants d'ONG, rejoints par des militants des grands partis d'opposition venus sans bannières.
Ils ont réclamé la libération des dizaines d'opposants, journalistes, avocats et travailleurs humanitaires, emprisonnés ces dernières années, pour des accusations de complot contre le président ou en vertu d'un décret-loi sur les "fausses informations", à l'interprétation jugée trop large par les défenseurs des droits.
- "Noirceur" -
"La Tunisie vit un contexte de noirceur sur tous les plans: on a des prisonniers politiques, des journalistes emprisonnés et même M.ou Mme Lambda, on a la cause environnementale à Gabès", a affirmé à l'AFP Saeb Souab, porte-parole du comité organisateur dont le but était d'"unifier toutes les luttes".
La marche s'est terminée près d'une piscine rénovée sur ordre du président pour montrer qu'"en six ans ce Monsieur n'a rien fait d'autre", selon M. Souab, fils de l'avocat emprisonné. Les manifestants y ont allumé des fumigènes rouges.
M. Souab s'est dit "très pessimiste à propos de la justice tunisienne", notant que son père "a été condamné en six ou sept minutes" en première instance.
Monia Brahim, l'épouse de l'activiste emprisonné Abdelhamid Jelassi, brandissait un panier en plastique comme ceux avec lesquels les proches des détenus leur apportent à manger.
La marche était encadrée par des dizaines de policiers en civils, parfois pris au dépourvu par plusieurs changements de parcours.
"Le peuple veut la chute du régime", ont lancé de nombreux manifestants, ciblant le président Kais Saied, qui s'est emparé des pleins pouvoirs par un coup de force en 2012, deux ans après son élection.
Certains portaient des pancartes "Not my president".
- "Pauvreté et inflation" -
"Y en a marre de ce président et du groupe qui l'entoure. Le pays est dans la misère, on ne peut rien acheter, le pays s'effondre, les hôpitaux sont en mauvais état", déplore auprès de l'AFP Nejia Adjmi, 63 ans, une pâtissière à la retraite.
Les Tunisiens ont vu leur pouvoir d'achat reculer ces dernières années à cause d'une forte inflation (revenue à environ 5% après un pic de 10% en 2023) en particulier sur les produits alimentaires.
"On ne peut même plus s'exprimer sur les réseaux sociaux", ajoute-t-elle, assurant être une proche de Saber Chouchane, condamné à mort puis gracié en octobre, pour avoir critiqué sur Facebook le président et la ministre de la Justice, Leila Jaffel.
Plusieurs ONG tunisiennes et étrangères ont déploré une régression des droits et libertés depuis 2021.
Amel est venue de La Goulette, une banlieue de classe moyenne, pour "manifester contre l'arbitraire". Cette psychologue à la retraite de 68 ans, qui préfère ne pas donner son nom, se dit "outrée qu'il y ait des gens emprisonnés pour un délit d'opinion".
"On ne sait pas pourquoi ils sont détenus, on leur colle des procès à la suite les uns des autres pour ne pas les libérer", dit-elle à l'AFP.
"Pauvreté, inflation, le pays est au fond du trou" et "les prisons sont pleines, il n'y a plus de liberté d'expression", s'énerve aussi Hicham Lahmer, un artisan-coordonnier de 45 ans. Il réclame le départ de M. Saied et "de nouvelles élections".