Tunisie-Des opposants jugés pour complot contre la sûreté de l'État
information fournie par Reuters 04/03/2025 à 14:50

Des militants des droits de l'homme ont manifesté mardi près du tribunal de première instance de Tunis, où des membres de l'opposition sont jugés pour conspiration contre la sécurité de l'État, dans le cadre d'un procès que les critiques qualifient de symbole de la dérive autoritaire du président Kaïs Saïed.

Selon les groupes de défense des droits de l'homme, le procès qui s'ouvre mardi dans la capitale tunisienne met en évidence le contrôle total exercé par Kaïs Saïed sur le système judiciaire depuis qu'il a dissous le Parlement en 2021 et commencé à gouverner par décret avant de dissoudre le Conseil supérieur de la magistrature, l'organisme chargé de nommer les juges.

Quarante personnes, dont des figures éminentes de l'opposition, des hommes d'affaires et des journalistes, sont poursuivies dans le cadre de cette affaire.

Plus de 20 d'entre elles ont fui à l'étranger.

Plusieurs hommes politiques ont été arrêtés en 2023 dans le cadre d'une répression des principaux opposants à Kaïs Saïed.

L'ancienne cheffe de cabinet de Kaïs Saïed, Nadia Akacha, et l'ancien responsable des services de renseignement, Kamel Guizani, figurent parmi les accusés. Tous deux sont à l'étranger.

"Nous sommes confrontés aux plus grands scandales judiciaires. C'est l'une des injustices les plus sombres de l'histoire de la Tunisie", a déclaré Bassem Trifi, président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme.

Kaïs Saïed a déclaré en 2023 que ces opposants étaient des "traîtres et des terroristes" et que les juges qui les avaient acquittés étaient leurs complices.

Les dirigeants arrêtés dans le cadre de cette affaire accusent le président tunisien d'avoir planifié un coup d'État en 2021 et dénoncent une affaire montée de toutes pièces pour étouffer l'opposition et instaurer un régime répressif.

Ils affirment qu'ils préparaient une initiative visant à unir l'opposition fragmentée face au recul de la démocratie dans le pays qui a été le berceau des soulèvements des "printemps arabes" en 2011.

Chaima Issa, figure du Front de salut national, une des principales formations d'opposition de Tunisie, fait partie des huit personnes qui comparaissent libres devant le juge.

"Ce procès est injuste et constitue une honte pour les autorités. Il s'agit d'une affaire purement politique à laquelle ont participé tous les dirigeants politiques", a-t-elle déclaré à Reuters avant l'audience.

"Ce qui nous est reproché, c'est de nous opposer au régime. Je poursuivrai la lutte à tout prix", a-t-elle ajouté.

La plupart des dirigeants des partis politiques en Tunisie sont en prison, y compris Abir Moussi, la cheffe du Parti destourien libre (PDL), et Rached Ghannouchi, chef du parti Ennahda, emprisonnés depuis 2023 pour d'autres affaires.

(Reportage Tarek Amara ; version française Diana Mandia, édité par Blandine Hénault)