Trop chères? Instables? Les énergies renouvelables sur le banc des accusés information fournie par Boursorama avec Media Services 24/06/2025 à 11:44
Les députés se prononcent mardi 24 juin sur une proposition de loi qui intègre un moratoire sur le solaire et l'éolien, avec en toile de fond des critiques récurrentes et diverses sur leur coût ou leur fiabilité. Ces reproches sont-ils fondés?
Bataille de chiffres
Lors de l'examen du texte sur la programmation énergétique de la France, le Rassemblement national a soutenu un amendement LR suspendant tout nouvel investissement dans les énergies photovoltaïque et éolienne.
Cet amendement évalue un développement accru des énergies renouvelables (ENR) à 300 milliards d'euros d'ici 2035-2040, chiffre également brandi par le RN, mais calculé de manière "fallacieuse", selon le syndicat France Renouvelables.
Dans un post Facebook du 24 mars, le député RN Jean-Philippe Tanguy détaille: "ça va coûter plus de 100 milliards d'euros en subventions pour l'éolien et le solaire, à ajouter aux 200 milliards déjà prévus par RTE et Enedis pour raccorder toute cette politique absurde".
L’Etat garantit un prix d’achat de l'électricité afin d’assurer la rentabilité des projets, ce qui représente bien un soutien public de 100 milliards d'euros mais il s'agit d'"une estimation maximaliste" étalée "jusqu'en 2060", a expliqué début mai le Premier ministre François Bayrou.
Lorsque les cours de l’électricité sur les marchés de gros sont supérieurs à ce prix d’achat, les producteurs reversent la différence à l’Etat. Les ENR ont ainsi "rendu" 13,7 milliards d’euros en 2023, selon la Commission de régulation de l'énergie (CRE).
Quels coûts pour le réseau électrique?
Les gestionnaires de réseaux RTE et Enedis ont bien engagé des plans d'investissement, respectivement de 100 et 96 milliards d'euros d'ici 2040, pour renouveler leurs lignes, les adapter aux aléas climatiques et accompagner la décarbonation de l'économie.
RTE va consacrer 53 milliards aux raccordements des futurs parcs éoliens en mer et des grandes centrales solaires, mais aussi des nouveaux réacteurs nucléaires, des nouvelles usines et des centres de données.
Pour Enedis, sur les 96 milliards d'euros prévus, seuls 10 sont dédiés aux ENR .
Pourquoi faut-il des renouvelables?
La France dépend encore à 60% des énergies fossiles - quasiment toutes importées - pour ses besoins en énergie. Cette part doit être réduite à 42% en 2030 pour respecter ses objectifs de lutte contre le changement climatique.
L'enjeu: remplacer les énergies fossiles, à l'origine du réchauffement du climat, dans les voitures, l'industrie ou le chauffage.
Pour y parvenir, la feuille de route énergétique parie sur une forte croissance de l'électricité d'origine nucléaire, mais aussi éolienne et solaire, alors que le premier des six nouveaux réacteurs nucléaires programmés n'est pas attendu avant 2038.
En 2024, les importations de gaz et pétrole ont coûté 64 milliards d'euros à la France. La position du RN revient à "maintenir" la France dans une "dépendance aux énergies fossiles", venant notamment de Russie, a accusé le ministre de l'Energie Marc Ferracci.
L'intermittence en question
Autre reproche, leur caractère intermittent: sans vent ni soleil, elles ne peuvent pas produire d'électricité. A contrario, elles peuvent générer des surplus lorsque la demande est trop faible.
Un développement "excessif" des renouvelables ferait courir "le risque d’un black-out" comme celui qu'a connu l’Espagne fin avril, selon l'amendement. Mais cette piste n'a pas été avancée à ce stade par le gouvernement espagnol ni par un panel d'experts européen.
L'intermittence peut engendrer des prix négatifs sur les marchés de gros: les producteurs doivent alors payer pour injecter leur électricité dans le réseau. Pour en limiter le coût, les parcs éoliens en mer devront désormais s'arrêter en période de prix négatifs.
L'abondance de renouvelables peut aussi faire baisser les factures si l’on déplace les consommations vers les pics de production grâce à l'incitation des heures creuses/heures pleines, comme prévu à partir de cet automne.
Enfin, le stockage par batteries, encore embryonnaire, permet d'absorber la production en cas de surplus.
Quelle acceptabilité ?
Selon un sondage Ifop réalisé en avril 2025 sur un échantillon de 12.029 personnes pour Engie, lui-même producteur d'énergie renouvelable, le solaire est perçu favorablement par 89% des sondés, tandis que 78% ont une bonne image de l'éolien. Et 56% des Français affirment que la production électrique doit reposer sur un "mix" de nucléaire et de renouvelables.
Une filière de 160.000 emplois
Selon le Syndicat des énergies renouvelables (SER), ce moratoire menace de rayer "d'un trait de plume les 160.000 personnes" travaillant dans les renouvelables en France.
Selon les Chambres d’agriculture, l'agri-voltaïsme (panneaux solaires sur des exploitations) procure un revenu de 800 millions d'euros par an pour le monde agricole.