Subventions : face au protectionnisme américain, la France propose des mesures radicales pour l'Europe information fournie par Boursorama avec Media Services 17/01/2023 à 09:50
Au coeur des discussions figure notamment la piste d'un fonds de souveraineté, pomme de discorde entre Etats-membres.
Quelle "nouvelle donne" industrielle en Europe pour contrer l'IRA de Joe Biden? Après la décision américaine d'ouvrir en grand les vannes d'argent public avec un plan de subventions à 369 milliards de dollars consacré aux industries vertes Made in USA, Paris a dévoilé les grandes lignes d'une "stratégie Made in Europe" ammbitieuse pour l'Union européenne, qui se prépare à soutenir massivement ses industriels face à la flambée des prix de l'énergie et aux aides d’État chinoises et américaines. De nouveaux financements de l'UE semblent toutefois écartés à court terme.
Lundi 16 janvier, Bruno Le Maire a réclamé une "nouvelle donne" en matière de politique industrielle, plaidant pour des aides d'État "beaucoup plus massives" dans les technologies vertes. Il a souligné l'importance de mesures "très rapides", avant une réunion avec ses homologues de l'UE lundi et mardi. Selon les Echos , Paris affiche une position très offensive, plaidant pour un "signal fort" aux entreprises. "C'est un effort qui est de deux points de PIB environ", a ainsi lancé en décembre dernier Emmanuel Macron, selon des propos rapportés par la même source.
Quel fonds?
Selon le quotidien d'information économique, Paris souhaite la mise en place d'une fonds de souverainenté, en deux temps. D'acbord un premier "fonds d'urgence" créé "à très court terme en s'appuyant sur les financements existants", puis un fonds "complet" destiné à être opérationnel avant la fin 2023.
Bruno Le Maire a notamment demandé "un choc de simplification" afin d'accélérer les procédures, de nouvelles subventions et crédits d'impôts dans les secteurs de l'hydrogène, les batteries électriques, les panneaux solaires ou les semi-conducteurs, ainsi que la possibilité de favoriser les entreprises européennes dans les appels d'offre publics.
Les Européens craignent que les industriels désertent l'UE pour investir aux États-Unis ou en Chine, où l'énergie est meilleur marché et les aides d'États abondantes. L'Europe n'a plus accès à l'énergie bon marché de la Russie, en raison de la guerre en Ukraine.
Protectionnisme américain
La pression sur les industriels européens est accrue par le plan adopté cet été par Washington qui prévoit 370 milliards de dollars d'investissements en faveur de la lutte contre le réchauffement climatique. Derrière l'objectif environnemental, il revêt un caractère protectionniste, avec des aides réservées aux firmes implantées outre-Atlantique.
Les Chinois sont accusés depuis longtemps de soutenir leur industrie par le biais de subventions massives.
"Nous travaillons à l'adaptation des règles relatives aux aides d'État", a expliqué le commissaire européen au Commerce, Valdis Dombrovskis, soulignant que sa collègue à la Concurrence Margrethe Vestager avait contacté les États membres pour engager le débat.
"Nous avons besoin d'une réponse européenne forte", a-t-elle écrit vendredi dans une lettre aux Vingt-Sept, tout en reconnaissant des risques pour le marché unique qui pourraient toutefois être compensés par des financements européens.
"Nous devons examiner la possibilité d'un fonds de souveraineté pour les investissements dans des projets importants", a de son côté plaidé Charles Michel, le président du Conseil européen, instance qui représente les 27 États membres, dans une tribune publiée dimanche.
Cette idée, qui repose sur des financements mutualisés à l'échelle de l'UE, avait déjà été formulée par le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Elle se heurte toutefois à l'hostilité de nombreux pays membres, dont l'Allemagne, des contributeurs nets au budget européen inquiets de voir encore enfler leur facture.
La mise en place d'un financement commun prendra du temps, a reconnu lundi soir le commissaire à l'Economie Paolo Gentiloni lors d'une conférence de presse. "Ce n'est pas pour demain", a-t-il dit.
Mme von der Leyen s'était montrée évasive vendredi lors d'une visite en Suède, un pays idéologiquement hostile aux interventions étatiques, qui occupera jusqu'en juin la présidence du Conseil de l'UE.
"Nous devons créer des outils de financement crédibles et ambitieux", avait-elle expliqué, indiquant travailler d'abord "à une évaluation des besoins". Dans un premier temps, l'argent européen devrait se limiter à la réutilisation de fonds existants, reconnaissent des diplomates.
"Concurrence loyale"
Les Vingt-Sept cherchent à se coordonner avant un sommet européen des chefs d'État et de gouvernement les 9 et 10 février. A la mi-décembre, ils avaient mandaté la Commission européenne pour faire des propositions d'ici à la fin janvier.
Plusieurs États de l'UE redoutent une guerre commerciale avec les États-Unis et souhaitent privilégier les discussions en cours entre Bruxelles et Washington pour obtenir une prise en compte des intérêts européens.
D'autres s'inquiètent que la course aux subventions dans l'UE profite aux pays les plus grands et les plus riches, comme l'Allemagne et la France. Ces deux pays ont représenté respectivement 53% et 24% des aides d'État notifiées à Bruxelles depuis que leur cadre a été assoupli afin de répondre à la crise économique provoquée par la pandémie de Covid-19.
"Je pense qu'il est important que nous respections le marché unique dans tous ses aspects. Les règles en matière d'aides d'État sont là pour garantir une concurrence loyale", a souligné lundi le ministre irlandais des Finances Michael McGrath.
Malgré tout, "il y a un consensus en Europe sur le fait que les procédures relatives aux aides d'État doivent être plus rapides, plus simples et plus flexibles", a souligné Thierry Breton.