Scènes de guerre à Rio: 64 morts dans son opération policière la plus meurtrière information fournie par AFP 29/10/2025 à 04:14
Des favelas de Rio de Janeiro ont connu mardi des scènes de guerre, avec la mort d'au moins 64 personnes dans l'opération policière la plus meurtrière de l'histoire de la ville, lancée contre l'un des gangs de narcotrafiquants du Brésil.
Les raids musclés des forces de l'ordre sont, malgré leur efficacité contestée, fréquents à Rio. Ils visent notamment les favelas, quartiers pauvres et densément peuplés vivant souvent sous le joug de trafiquants de drogue.
Mais l'opération de mardi, par son ampleur et sa violence, a créé un choc. Jusqu'au Haut-commissariat des Nations unies aux droits de l'homme, qui s'est dit "horrifié" et a demandé des "enquêtes rapides".
Le gouverneur de droite de l'Etat de Rio, Claudio Castro, a annoncé que "60 criminels" avaient été "neutralisés". Quatre policiers ont été également tués, a indiqué à l'AFP une source au sein de ses services.
Tirs intenses, barricades, incendies: l'opération, mobilisant 2.500 agents, s'est concentrée sur deux ensembles de favelas du nord de Rio, Complexo da Penha et Complexo do Alemao, situées à proximité de l'aéroport international.
A l'hôpital Getulio Vargas, d'où l'on entendait les rafales tirées non loin, un défilé ininterrompu de véhicules déposait devant l'entrée des cadavres et des blessés par balles, policiers, délinquants présumés ou simples habitants, a constaté un photographe de l'AFP.
A Vila Cruzeiro, une favela du Complexo da Penha, des policiers lourdement armés gardaient une vingtaine de jeunes hommes interpellés. Serrés les uns contre les autres, ils étaient assis par terre la tête baissée, pieds et torse nus.
"Tout le monde est terrorisé", a dit à l'AFP sous couvert de l'anonymat, par peur de représailles, la responsable d'un projet social qui est en contact à distance avec des habitants de Complexo da Penha.
- "Chaos" -
Plusieurs ministres du gouvernement fédéral se sont réunis à Brasilia pour évaluer la situation, décidant qu'une délégation se rendrait à Rio pour une "réunion d'urgence" mercredi.
Jusqu'à présent, l'opération policière la plus meurtrière dans cette ville de plus de 6 millions d'habitants, avait eu lieu durant la pandémie de Covid-19, en 2021, quand 28 personnes étaient mortes en une seule journée dans la favela de Jacarezinho.
Le gouverneur a aussi annoncé l'arrestation mardi de "81 criminels", ainsi que la saisie de 100 fusils d'assaut et d'"une énorme quantité de drogue".
"Plus de 200.000 résidents demeurent affectés par la fermeture des écoles et les unités de santé aux services suspendus", a indiqué l'Assemblée législative de l'Etat de Rio.
"Il n'y a pas de bus, on est bloqué en plein chaos", a dit à l'AFP Regina Pinheiro, retraitée de 70 ans qui tentait de rentrer chez elle.
Stratégie courante des gangs lors des affrontements avec la police, "plus de cinquante bus ont été utilisés comme barricades", a précisé le syndicat des entreprises d'autobus de Rio.
- Drones -
L'opération vise à "combattre l'expansion territoriale du Comando Vermelho (Commando rouge)", l'une des principales factions criminelles du Brésil, implantée dans plusieurs Etats du pays, a précisé le gouvernement de l'Etat de Rio sur le réseau social X.
Les policiers ont mobilisé deux hélicoptères, 32 véhicules blindés et "douze véhicules de démolition" utilisés pour détruire des barricades.
"Les arrestations massives ne font qu'accroître l'influence des factions, car elles contrôlent les prisons", analyse pour l'AFP la sociologue Carolina Grillo. Mais ces politiques "ont souvent un impact électoral positif auprès d'une population mal informée".
Le gouverneur Claudio Castro a publié sur X une vidéo d'un drone lançant un projectile depuis le ciel nuageux.
"C'est comme ça que la police de Rio est reçue par les criminels: avec des bombes lancées par des drones", a commenté cet allié de l'ex-président d'extrême droite Jair Bolsonaro, dénonçant du "narcoterrorisme".
- "Enorme tragédie" -
Dans une déclaration, 30 organisations de la société civile, dont Amnesty International, ont affirmé que l'opération "exposait l'échec" des politiques de sécurité brésiliennes.
L'ONG Human Rights Watch au Brésil a déploré une "énorme tragédie" et réclamé l'ouverture d'enquêtes sur "chaque mort".
"La politique de Claudio Castro traite les favelas comme des territoires ennemis, où règne le permis de tuer", a accusé le député de gauche Henrique Vieira.
Dani Monteiro, la présidente de la commission des droits de l'homme de l'Assemblée législative de Rio, a annoncé qu'elle exigerait "des explications" sur l'opération.
En 2024, environ 700 personnes sont mortes lors d'interventions des forces de l'ordre à Rio, soit presque deux par jour.