Rôle, fonctionnement, accusations de conflits d'intérêts... Radiographie des agences de notation information fournie par Boursorama avec Media Services 31/05/2024 à 11:28
Après Fitch et Moody's en avril, le gouvernement français est suspendu vendredi 31 mai à l'annonce attendu de sa note par la 3e grande agence de notation, S&P Global Ratings.
Les agences de notation jouent un rôle central dans dans le monde de la finance, qui scrute avec attention les notes qu'elles attribuent aux entreprises, mais aussi aux États. Elle sont office de thermomètre de la santé financière, bien qu'elles aient été fortement critiquées ces dernières années.
Après être passées relativement inaperçues depuis la crise des dettes souveraines en Europe au tournant des années 2010, elles sont revenues sous les feux de la rampe avec le creusement des déficits et dettes publiques en raison de la pandémie de Covid et de la guerre en Ukraine.
Leurs appréciations sont supposées refléter la santé économique des États : pour noter un pays, les agences évaluent la croissance, la dette, le déficit, les dépenses, les recettes fiscales... afin d'établir un diagnostic qui guidera les financiers dans leurs décisions d'investissement. Elles utilisent aussi des critères subjectifs propres à chaque État.
Les trois principales agences de notation internationales, les américaines S&P Global Ratings, Fitch et Moody's, utilisent un système matérialisé sous forme de lettres, allant de AAA, la meilleure note possible, à D pour les défauts de paiement, en passant par B et C. "Les notes sont réparties en deux catégories : investissement, pour les meilleures notes, et spéculative, pour les moins bonnes" , la distinction entre les deux se situant autour de la note "BB", explique à l' AFP Slim Souissi, enseignant chercheur à l'université de Caen et ancien de l'agence de notation Fitch.
Ces notes peuvent être associées à une perspective, positive ou négative, donnant la potentielle évolution à moyen terme. S&P accorde à la France la note de "AA" avec une perspective négative, signifiant l'équivalent d'un 18 sur 20 avec un risque d'abaissement d'au moins un cran à "AA-".
Avec ces appréciations, les agences évaluent les capacités de remboursement d'une dette pour un État , une entreprise ou une collectivité territoriale. Et plus la note sera basse, plus les investisseurs seront tentés de réclamer un taux d'intérêt plus élevé pour prêter de l'argent car la dette sera considérée comme plus risquée.
Effets négatifs en chaîne
Or pour un État en difficultés, une dégradation de note peut avoir des effets négatifs en chaîne : une hausse de la charge de la dette mène à une baisse des investissements, à une réduction de la croissance et possiblement à de nouvelles dégradations de notes, ont notamment observé les critiques des agences au moment de la crise grecque à partir de 2008.
Cette succession d'événements n'est pas toujours automatique, "surtout pour les pays dont la monnaie ou la dette représente une valeur refuge comme les États-Unis" explique à l' AFP Julien Marcilly, chef économiste du cabinet Global Research Advisory, spécialisé dans la stratégie économique des États.
"Il ne faut pas surestimer l'impact des agences de notation, leurs appréciations reflètent des vulnérabilités sous-jacentes déjà connues des investisseurs ", ajoute-t-il.
Une autre critique des agences est qu'elles se rémunèrent grâce aux paiements des entreprises qui veulent être notées pour réussir à emprunter sur les marchés financiers. Ce système dit "émetteur/payeur" pose des questions de conflits d'intérêts, surveillés aujourd'hui en Europe par l'Autorité européenne des marchés financiers (Esma).
Lors de la crise des "subprime" (des emprunts hypothécaires à taux variables accordés aux Etats-Unis à des ménages à faibles revenus) déclenchée en 2007, les agences de notation avaient été pointées du doigt pour avoir accordé la meilleure note possible à des produits financiers qui ont été pourtant à l'origine de l'éclatement de la crise.