REPORTAGE-A Gaza, les ambitions scolaires remplacées par la quête désespérée de nourriture information fournie par Reuters 12/08/2025 à 09:00
par Dawoud Abu Elkass
Elle était déterminée à devenir journaliste, à rendre compte des événements à Gaza. Comme d'autres étudiantes, Maha Ali n'a désormais qu'un seul objectif: trouver de la nourriture, alors que la famine s'est répandue dans l'enclave palestinienne.
Les bombardements israéliens ayant ravagé la bande de Gaza, Maha Ali vit désormais au milieu des ruines de l'Université islamique, jadis institution scolaire en pleine effervescence, devenue un abri pour les personnes déplacées par la guerre depuis près de deux ans.
Cette étudiante de 26 ans, au parcours scolaire exemplaire, estime que l'avenir des jeunes Gazaouis leur a été volé par les offensives israéliennes incessantes.
"Pendant longtemps, nous disions que nous voulions vivre, que nous voulions recevoir une éducation. Nous voulions voyager. Désormais, tout ce que nous voulons, c'est manger", dit-elle.
D'après les autorités locales, plus de 60.000 personnes ont été tuées dans la bande de Gaza depuis le début du siège total mené par Israël en réponse à l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023, lors de laquelle 1.200 personnes ont été tuées et environ 250 autres enlevées, selon les autorités israéliennes.
Le ministre palestinien de l'Education accuse Israël de mener une destruction systémique des écoles et universités gazaouies. Parmi les 307 établissements scolaires de l'enclave, 293 ont été complètement ou partiellement détruits, dit Amjad Barham. "En faisant cela, l'occupation veut tuer l'espoir que portent nos fils et nos filles", déplore-t-il.
Aucun commentaire n'a été effectué dans l'immédiat par l'armée israélienne ou par le ministère israélien des Affaires étrangères.
Israël accuse le Hamas et les autres groupes armés palestiniens de s'abriter de manière systématique dans des zones et des infrastructures civiles, dont les écoles, et d'utiliser les civils comme des boucliers humains. Le Hamas rejette ces accusations et, comme la population palestinienne, accuse Israël de mener des frappes indiscriminées.
"TOUT EST PARTI EN FUMÉE"
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), le dernier examen à date de la bande de Gaza effectué en juillet via des images satellites montre que 97% des sites éducatifs gazaouis ont subi des dégâts et que 91% d'entre eux nécessitent d'importants travaux ou une reconstruction complète pour redevenir fonctionnels.
"Les restrictions des autorités israéliennes continuent de limiter l'entrée de fournitures éducatives à Gaza, nuisant à l'ampleur et à la qualité des interventions", dit l'OCHA.
Ces données austères dépeignent un avenir sombre pour la jeunesse gazaouie, alors que la bande de Gaza faisait déjà face avant la guerre à un taux élevé de chômage et à la pauvreté.
Yasmine al-Za'aneen, 19 ans, se souvient à quel point elle était immergée dans ses études, imprimant de multiples documents et trouvant un bureau pour le faire sien avec des fournitures.
"A cause de la guerre, tout a été arrêté", dit-elle, assise sous une tente dans un camp pour les déplacés, parcourant les quelques livres ayant survécu aux bombardements israéliens et à son déplacement contraint.
"Tout ce que j'ai construit, tout ce que j'ai fait, en seulement quelques secondes, c'est parti en fumée".
Impossible de se rattacher dans l'immédiat à un quelconque espoir de répit et de retour en salle de classe.
Les négociations indirectes sur un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas sont restées dans l'impasse, tandis que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a présenté la semaine dernière un nouveau plan pour Gaza prévoyant l'occupation militaire totale de l'enclave palestinienne.
Bombardé par l'armée israélienne, l'institut Azhar est devenu un abri de fortune, notamment pour Saja Adwan, 19 ans, qui y étudiait et s'y trouve désormais avec sa famille.
Ses livres et ses documents d'étude ont disparu avec la guerre. Pour occuper son esprit, elle prend des notes avec les maigres papiers éducatifs qu'il lui reste.
"Tous mes souvenirs se trouvaient ici. Mes ambitions, mes objectifs. Je réalisais un rêve. C'était ma vie. Quand je me rendais à l'Institut, je me sentais psychologiquement à l'aise", dit Saja Adwan. "Mes études étaient ici. Mon avenir était ici".
(Reportage de Dawoud Abu Elkass, avec la contribution d'Olivia Le Poidevin à Genève; version française Jean Terzian, édité par Blandine Hénault)