RDC: à Bruxelles, Tshisekedi tend la main à Kagame pour faire "la paix" et indigne Kigali
information fournie par AFP 09/10/2025 à 16:49

Le président rwandais Paul Kagame, le 9 octobre 2025 au siège de l'UE à Bruxelles (Belgique) ( AFP / Nicolas TUCAT )

Le président congolais Félix Tshisekedi a appelé jeudi son homologue rwandais Paul Kagame à avoir "le courage" de travailler avec lui pour faire "la paix des braves" dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), une invitation rejetée comme une "comédie politique ridicule" par Kigali.

L'est de la RDC, région riche en ressources naturelles frontalière du Rwanda, est en proie à des conflits depuis plus de 30 ans.

Les violences se sont intensifiées depuis janvier avec la prise des grandes villes de Goma et Bukavu par le groupe armé antigouvernemental M23, soutenu par le Rwanda et son armée.

"Je prends à témoin l'assistance ici présente et le monde entier (...) pour lancer un appel à la paix, lui tendre la main et demander à ce qu'on arrête cette escalade", a déclaré M. Tshisekedi lors d'un forum diplomatique à Bruxelles, auquel participait également M. Kagame.

"Aujourd'hui (...) nous sommes les deux seuls capables d'arrêter cette escalade", a-t-il ajouté, en référence aux violences qui se poursuivent en dépit d'un accord de paix signé fin juin à Washington.

Félix Tshisekedi a souligné que la paix ne pourrait être envisagée qu'à condition que son homologue rwandais donne expressément l'ordre au M23 de cesser les hostilités.

"L'Afrique a besoin de passer à autre chose, M. le président Paul Kagame, et nous en sommes capables", a-t-il lancé.

- "Bidon vide" -

Présent à la tribune quelques instants auparavant, le président rwandais n'a pas explicitement évoqué ces efforts de paix, faisant simplement part d'une "énergie positive" concernant "les affaires, les investissements, la paix". Sans donner davantage de détails.

Le président congolais Felix Tshisekedi lors d'un forum diplomatique à Bruxelles, le 9 octobre 2025 ( AFP / NICOLAS TUCAT )

Mais il a quelques heures plus tard usé de la métaphore pour dire sur X ce qu'il pensait de son homologue congolais: "Ceux qui s'inquiètent du bruit que fait un bidon vide ont aussi un problème", a écrit Paul Kagame. "Il vaut mieux laisser couler ou s'en éloigner."

En mars, le chef de l’État rwandais, lors d'un entretien fleuve avec un influenceur, avait déjà dit de Félix Tshisekedi, reprenant des propos tenus selon lui par l'un de ses anciens employeurs: "Celui-là qui n'arrivait même pas à livrer des pizzas est devenu président."

Les déclarations congolaises ont aussi fait bondir le ministre des Affaires étrangères rwandais Olivier Nduhungirehe, qui a fustigé sur X une "comédie politique ridicule", accusant M. Tshisekedi de "se faire passer pour une victime d'un conflit qu'il a lui-même provoqué."

"Le seul à pouvoir arrêter cette escalade est le président Tshisekedi, et LUI SEUL", a martelé M. Nduhungirehe dans un long message, le critiquant pour "abuser d'une tribune d'un sommet important de partenariat économique" et pour ses "mensonges éhontés" contre M. Kagame.

- Violences -

Le président rwandais Paul Kagame lors d'un forum diplomatique à Bruxelles, le 9 octobre 2025 ( AFP / NICOLAS TUCAT )

Le chef de la diplomatie rwandaise a notamment appelé Kinshasa à désarmer la milice Wazalendo (ou "patriotes", des jeunes mobilisés, armés et financés par Kinshasa) et à neutraliser les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), fondées par d'anciens responsables hutu rwandais du génocide des Tutsi de 1994 et considérées par le Rwanda comme une "menace existentielle".

Leur présence active dans des zones de l'est de la RDC est une des raisons avancées par Kigali pour justifier la présence de ses troupes aux côtés du M23.

Depuis sa résurgence fin 2021, le groupe armé M23 s'est emparé de vastes pans de territoires dans l'est de la RDC.

Kinshasa et le M23 ont signé une déclaration de principes à Doha le 19 juillet, dans laquelle les deux parties ont réaffirmé "leur engagement en faveur d'un cessez-le-feu permanent", dans la foulée de la signature d'un accord de paix entre la RDC et le Rwanda à Washington fin juin. Mais sur le terrain, les violences se poursuivent.

Durant son discours, le dirigeant congolais a pris le soin de saluer l'"implication" du président américain Donald Trump dans les efforts de paix.

Ce dernier s'attribue régulièrement le mérite d'avoir mis fin au conflit, pourtant toujours en cours. Il n'hésite pas à l'évoquer lorsqu'il se félicite d'avoir conclu "sept guerres", un argument qu'il présente volontiers comme faisant de lui un candidat idéal au prix Nobel de la paix.