Rapport de la France à l'Otan, gestion de l'orgueil de Trump : l'ex-chef de l'Alliance atlantique se livre
information fournie par Boursorama avec Media Services 29/09/2025 à 14:20

Ancien Premier ministre de la Norvège, Jens Stoltenberg a dirigé l'Otan de 2014 à 2024. Il publie un ouvrage dans lequel il évoque les divergences affichées par Emmanuel Macron qui avait jugé l'organisation en état de "mort cérébrale", ou encore les procédés pour s'attirer les faveurs du président américain.

Emmanuel Macron, Jens Stoltenberg, Donald Trump, et Charles Michel, en 2017, à Bruxelles ( BELGA / BENOIT DOPPAGNE )

Des manoeuvres visant à flatter l'orgueil de Donald Trump aux bâtons mis dans les roues par la France, l'ex-chef de l'Otan, Jens Stoltenberg revient sur les moments forts de ses dix années passées à la tête de l'Alliance atlantique.

Dans "Vigie du monde", publié lundi 29 septembre en Norvège (et à paraitre le 15 octobre en France), Jens Stoltenberg lève le voile sur les coulisses du sommet de Bruxelles en juillet 2018, lors duquel M. Trump, pendant son premier mandat, avait menacé de claquer la porte, frustré par l'échec de nombreux pays européens à remplir leurs obligations budgétaires en matière de défense.

"Je quitte cette réunion, je n'ai aucune raison de rester", s'était exclamé le président américain, agacé notamment par la position de l'Allemagne d'Angela Merkel, alors encore loin de consacrer comme convenu 2% de son PIB aux dépenses militaires.

Mark Rutte --alors Premier ministre des Pays-Bas avant de succéder à M. Stoltenberg à la tête de l'Otan-- avait, pour le ramener à de meilleures dispositions, dû mettre en avant un chiffre, hâtivement concocté, de 33 milliards d'euros, censé représenter l'effort budgétaire supplémentaire déjà consenti par les Européens.

"Après un moment, Trump a sorti le marqueur noir qui ne le quittait pas, a rédigé quelques mots sur un bout de papier, puis s'est penché vers moi pour me le remettre", écrit M. Stoltenberg. "Il y était écrit: 'Monsieur le Secrétaire général, si vous pouvez dire que les alliés de l'OTAN ont augmenté leurs dépenses de défense de manière significative grâce à moi, alors je pense que nous pouvons parvenir à un accord'", ajoute-t-il.

Le Norvégien s'était exécuté, permettant au président américain de revendiquer une victoire et, ainsi, d'amoindrir les chances que son pays se retire de l'Otan.

"Vive frustration" de la France

Jens Stoltenberg revient aussi sur les déclarations d'Emmanuel Macron qui, en novembre 2019, avait jugé l'Otan en état de "mort cérébrale". "J'étais depuis longtemps arrivé à la conclusion que la défense la plus efficace de l'OTAN était d'admettre que la coopération ne se déroulait pas toujours sans accrocs. Nier quelque chose d'aussi évident pour tous ne ferait que saper ma crédibilité et, partant, celle de l'alliance", écrit-il. "Mais, lorsque j'ai reconnu qu'il y avait des problèmes, j'ai également souligné que ce qui nous unissait était plus fort que ce qui nous divisait", ajoute-t-il.

Il décrit comment la France, attachée à l'autonomie stratégique européenne, aurait éprouvé une "vive frustration à l'égard de sa gouvernance", le suspectant de vouloir endosser "un rôle plus éminent", s'opposant à ses projets de réformes et déployant au tournant des années 2020-2021 "une stratégie explicite visant à (lui) rogner les ailes".

Ces divergences ont été en partie aplanies lors d'une rencontre avec Emmanuel Macron à Paris en mai 2021. "Les positions françaises en matière de politique étrangère divergeaient régulièrement des miennes. La France souhaitait circonscrire le champ d'action de l'OTAN tout en conférant à l'Union européenne un rôle accru dans la politique de défense. Ces divergences restaient néanmoins surmontables", confie-t-il.

Le Norvégien est aujourd'hui ministre des Finances dans son pays.