Quelles vérités la COP30 de Belém a-t-elle délivrées ? information fournie par Le Cercle des économistes 24/11/2025 à 08:28
La COP30 de Belém a finalement accouché d'un modeste consensus sur l'action climatique à venir. Pour l'économiste Patrice Geoffron, les faibles résultats de cette réunion sonnent l'heure d'une nécessaire remobilisation massive de la part des marchés, et de tous les acteurs économiques.
Dix ans après Paris, la COP30 de Belém était annoncée par le Président Lula comme celle de la « vérité » et de la « mise en œuvre », après plusieurs éditions ayant ouvert des chantiers nouveaux, sans les ancrer dans le concret. Mais, dans un contexte mêlant guerre commerciale, conflits militaires et mépris américain du multilatéralisme, la tâche s'annonçait difficile. Et, à l'évidence, elle le fut.
Certes, diverses avancées sont notables. En matière de financement tout d'abord, avec l'objectif de mobiliser 1,3 trillion de dollars annuels d'ici 2035. En outre, un triplement des flux dédiés à l'adaptation est également visé à cet horizon. Pour la première fois, les pays développés reconnaissent formellement que l'adaptation ne peut plus être le parent pauvre de la finance climatique. Mais, eu égard aux difficultés des nations avancées à faire face à leurs engagements jusqu'alors (le versement de100 Mds $ par an à partir de 2020, prévu dans l'Accord de Paris, a été très laborieux), et compte tenu de la désaffection fédérale américaine, les perspectives à 2035 laissent perplexe. Au total, la COP30 de la « mise en œuvre » n'aura pas réellement clarifié les modalités de ce soutien à l'action climatique des pays les plus fragiles.
Plus convaincant au rang des quelques réussites de Belém, la création du Tropical Forests Forever Facility (TFFF) qui mobilisera 7 milliards de dollars dans une première phase. Ce fonds vise à soutenir un mécanisme rémunérant directement les pays tropicaux pour la conservation de leurs forêts sur pied. Avec un potentiel de protection de plus d'un milliard d'hectares dans 70 pays en développement, un tel fonds reconnaît la valeur des services écosystémiques rendus par les forêts tropicales à l'ensemble de la planète. L'adoption d'un mécanisme de transition juste (Belém Action Mechanism) constitue une autre avancée significative. Il vise à prendre en compte les impacts sociaux de la transition sur les travailleurs et les communautés dépendantes des hydrocarbures. Le nouveau mécanisme vise à accroître l'équité, avec un engagement renforcé en matière de coopération internationale, d'assistance technique et de partage de connaissances.
Une omission notable
Mais le marqueur de la COP30 restera… une omission, avec l'absence d'avancée en matière de feuille de route destinée à une « transition hors des énergies fossiles ». On se souvient que ce principe très général avait constitué une avancée notable à Dubaï, il y a deux ans, où, pour la première fois, les combustibles fossiles étaient mentionnés en conclusion d'une COP. Un large groupe de 80 pays s'est mobilisé au Brésil contre une telle feuille de route. Au-delà de la Russie et de l'Arabie saoudite, dont les intérêts propres auraient été visés par une telle démarche, de nombreux pays en développement ont mis en avant la priorité au financement de leurs efforts climatiques, préalablement à l'adoption de contraintes sur leurs usages des fossiles susceptibles d'entraver leur croissance. En surplus, de toute évidence, la chaise laissée vide par Donald Trump n'incitait pas à un engagement puissant pour contingenter les fossiles, dès lors que la première puissance économique mondiale fait désormais de l'extraction le principe directeur de sa politique énergétique et une arme de domination internationale.
Ce recul marque aussi la limite d'influence de l'Union Européenne qui avait fait cette feuille de route une de ses priorités. De surcroît, l'Inde et la Chine ont pointé le Mécanisme d'Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), qui vise à soumettre certains produits importés à une tarification du carbone, accusant l'UE d'adopter ainsi une « mesure commerciale unilatérale ». Ces conclusions mitigées de la COP30 ne doivent pas inciter les Européens à marquer le pas de leur décarbonation : importateurs massifs de pétrole et de gaz, remplaçant une dépendance russe par une dépendance américaine, nous ne pouvons faire l'économie d'une feuille de route ambitieuse pour sortir des fossiles.