Putsch en Guinée-Bissau: un général nommé président, le président destitué parti au Sénégal information fournie par AFP 28/11/2025 à 01:16
La junte qui a pris le pouvoir en Guinée-Bissau a nommé jeudi un général comme président de transition tandis que le chef d'Etat destitué Umaro Sissoco Embalo a quitté le pays pour le Sénégal.
La veille, des militaires avaient annoncé avoir renversé M. Embalo et suspendu les élections présidentielle et législatives du 23 novembre, dont les résultats devaient être annoncés sous peu dans ce pays lusophone d'Afrique de l'Ouest à l'histoire jalonnée de putschs et de tentatives.
L'opposition dénonce de son côté un semblant de coup d'Etat orchestré par le président sortant pour la priver de sa victoire à la présidentielle.
Plusieurs analystes interrogés par l'AFP et des représentants de la diaspora émettent des doutes sur le scénario présenté par les putschistes, soulignant que l'arrêt du processus électoral profite au camp Embalo.
La capitale Bissau était jeudi à l'arrêt avec les magasins et marchés pour la plupart fermés, selon des journalistes de l'AFP.
Une forte présence des forces de l'ordre était visible dans les rues quasi-désertées par la population.
Des militaires en faction quadrillent toute la zone autour du palais présidentiel, où des tirs nourris avaient créé la panique parmi la population à la mi-journée la veille, au déclenchement du putsch.
La Guinée-Bissau, pays côtier d'Afrique de l'Ouest, situé entre le Sénégal et la Guinée (Conakry), a déjà connu quatre coups d'Etat et une kyrielle de tentatives de putsch depuis son indépendance du Portugal en 1974. La proclamation des résultats électoraux y a ainsi souvent donné lieu à des contestations.
"Je viens d'être investi pour assurer la direction du Haut commandement" militaire pour la restauration de l'ordre (HCM), a déclaré jeudi le général Horta N'Tam, après avoir prêté serment au siège de l'état-major, où la sécurité a été renforcée, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Jusqu'ici chef d'état-major de l'armée de terre du pays, le général N'Tam est considéré comme ayant été proche ces dernières années du président Embalo.
- "Période difficile" -
"La Guinée-Bissau traverse une période très difficile de son histoire. Les mesures qui s'imposent sont urgentes et importantes et requièrent la participation de tout le monde", a déclaré le général.
Mercredi, les auteurs du putsch avaient expliqué avoir été "poussés à le faire" pour garantir la "sécurité au niveau national et rétablir l'ordre", évoquant la découverte par les "renseignements généraux" d'un "plan visant à déstabiliser le pays avec l'implication des barons nationaux de la drogue".
Le HCM a annoncé jeudi dans un communiqué l'interdiction de "toute manifestation, marche, grève ou action perturbant la paix et la stabilité" du pays.
Il a levé le couvre-feu nocturne imposé la veille, nouveau signe d'une certaine stabilité malgré le coup d'Etat, après l'annonce le même jour de la réouverture de "toutes les frontières, fermées depuis mercredi après-midi".
Il a aussi ordonné "la réouverture immédiate" des écoles, marchés et des institutions privées.
Le HCM a également nommé jeudi un nouveau chef de l'armée, le général Tomas Djassi, précédemment chef d'état-major particulier du président Embalo.
Arrêté par les militaires dans un premier temps, M. Embalo a rejoint le Sénégal "sain et sauf" jeudi, dans un vol affrété par le gouvernement sénégalais.
Pays très pauvre de 2,2 millions d'habitants, la Guinée-Bissau est affectée par des problèmes de corruption et est réputée être une plaque tournante du trafic de drogue entre l'Amérique du Sud et l'Europe.
Le candidat d'opposition à la présidentielle, Fernando Dias, a affirmé jeudi à l'AFP avoir remporté l'élection et accuse M. Embalo d'avoir "organisé" le coup d'Etat pour empêcher son accession au pouvoir.
Joint par téléphone, M. Dias affirme être "en sécurité" et se cacher dans le pays.
- Zones d'ombre -
"C'est un coup d'Etat qui vise à empêcher la prise de pouvoir par le candidat de l'opposition" Fernando Dias, a affirmé jeudi à l'AFP un chercheur ouest-africain s'exprimant sous couvert de l'anonymat.
Le principal opposant bissau-guinéen Domingos Simoes Pereira - dirigeant du puissant PAIGC, parti historique ayant mené la Guinée-Bissau à l'indépendance - qui avait été écarté de la présidentielle de dimanche avant de soutenir M. Dias, a été lui aussi arrêté mercredi, selon des proches et un collaborateur.
Au terme d'une réunion virtuelle des chefs d'Etat et de gouvernement de la Cedeao jeudi, il a été décidé de "suspendre la Guinée-Bissau de tous les organes décisionnels" de l'organisation.
Une mission de médiation de haut-niveau de la Cedeao doit permettre de dialoguer avec les auteurs du coup pour le "rétablissement complet de l'ordre constitutionnel".