Procès de l'ex-rebelle Lumbala en France: des pygmées racontent les viols de guerre en RDC
information fournie par AFP 26/11/2025 à 18:53

Croquis d'audience du 12 novembre 2025 montrant l'ancien chef rebelle congolais Roger Lumbala lors de son procès devant la Cour d'assises de Paris ( AFP / Benoit PEYRUCQ )

Un chef coutumier pygmée a raconté avoir été forcé à assister au viol de sa soeur par des soldats en République démocratique du Congo, témoignant mercredi devant la cour d'assises de Paris qui juge l'ex-rebelle congolais Roger Lumbala, plus de 20 ans après.

Sa soeur ne viendra pas témoigner à Paris: elle "a rendu l'âme après avoir perdu beaucoup de sang", trois jours après son viol par trois soldats alors qu'elle était enceinte de son septième enfant, dans une hutte, a raconté son frère, dont les propos en swahili étaient traduits en français.

Pillages, passages à tabac, travail forcé, viols: des membres de la communauté pygmée ont quitté leur forêt de la région d'Epulu, dans le nord-est de la RDC, pour raconter le calvaire des bambuti en 2002-2003.

Cette communauté vivant de chasse, de cueillette et d'agriculture, forte d'environ 2.000 personnes dispersées dans une vingtaine de villages selon ce notable, s'efforçait pourtant de rester à l'écart des guerres entre factions qui, depuis près de trente ans, ont fait des millions de morts et de déplacés dans l'est de la RDC.

Tous accusent les "Effacés" ou "Effaceurs", ainsi que se désignaient des rebelles d'un groupe soutenu par l'Ouganda, le RCD-N, dirigé par Roger Lumbala.

Arrêté en décembre 2020 à Paris, celui-ci rejette toute responsabilité et refuse d'assister à son procès, déniant toute légitimité à la justice française.

Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de crimes contre l'humanité, accusé d'avoir laissé agir ces hommes placés sous son autorité.

Son groupe avait engagé une offensive militaire contre une faction progouvernementale, avec notamment pour but la captation des richesses naturelles et minières de la région (diamants, or, coltan, etc.).

Les atrocités de cette opération baptisée "Effacer le tableau" ont été dénoncées en 2010 dans le rapport Mapping de l'ONU: des viols auraient notamment été commis "de façon systématique et généralisée" et "les femmes pygmées", dont la communauté était faussement accusée de collaborer avec l'ennemi, "ont payé un lourd tribut".

Plusieurs ont fait des milliers de kilomètres pour témoigner à huis clos à Paris de leur supplice.

Comme celle-ci, mercredi, qui a raconté pendant l'enquête comment adolescente, elle avait été violée avec sa mère, devant les hommes de la famille.

Jeudi, ce sera une fille, sa mère et sa tante, qui ont porté des accusations similaires, l'une d'elles racontant comment elle avait été emmenée de force pour servir d'esclave sexuelle.

- "Arme de guerre" -

Dans son ouvrage "La Force des femmes", le médecin Nobel de la Paix Denis Mukwege, qui soigne les femmes congolaises violées, explique comment le viol "est planifié" par les belligérants en RDC, utilisé "comme arme de guerre" et "moyen de terroriser la population", "peu coûteux, facile à organiser et malheureusement très efficace".

Le médecin congolais Nobel de la Paix Denis Mukwege à Paris, le 16 septembre 2025 ( AFP / STEPHANE DE SAKUTIN )

En début de procès, Brigid Inder, conseillère auprès de la Cour pénale internationale, a expliqué comment il détruisait les communautés. "Certaines femmes victimes de ces viols ont perdu leur union conjugale", dit le chef coutumier.

Il raconte aussi comment les assaillants ont détruit les filets traditionnels de chasse, "source de revenus pour la survie de la communauté". Depuis leur disparition, "nous vivons dans une extrême pauvreté", poursuit le notable selon qui les bambuti "ne participent jamais aux guerres".

Un autre, qui a porté plainte après avoir été contraint au travail forcé et passé à tabac, demande à la justice française qu'elle "rétablisse dans (leurs) droits" les bambuti.

Du doigt, le chef coutumier désigne le box déserté par l'accusé: "J'aurais voulu que Lumbala soit là pour écouter" les actions de ses hommes "hors de contrôle".

Mais, selon lui, l'ex-rebelle est absent car il "a peur pour son sort": "Il sait ce qui va lui arriver à l'issue de ce procès", le 19 décembre.