Présidentielle anticipée: pas de campagne possible sans démission effective, selon une constitutionnaliste information fournie par AFP 07/10/2025 à 15:24
Annoncer la démission à l'avance d'Emmanuel Macron, comme proposé par Edouard Philippe, risquerait de créer une pré-campagne présidentielle "inéquitable", selon la constitutionnaliste Anne-Charlène Bezzina qui estime que la France s'achemine "immanquablement vers une dissolution".
Question: Edouard Philippe demande à Emmanuel Macron de programmer sa démission pour début 2026 pour avoir une présidentielle anticipée avec une campagne plus ordonnée. Est-ce possible constitutionnellement ?
Réponse: "C'est absolument impossible de démissionner en deux temps et de considérer qu'on va lancer une campagne présidentielle en annonçant sa démission. L'article 7 de la Constitution précise bien que c'est la vacance de la présidence de la République qui va lancer la campagne présidentielle. Cela nous est arrivé en 1969 et en 1974, la première fois parce que de Gaulle démissionne, la deuxième fois parce que Pompidou meurt.
Cette campagne-là, de 35 jours maximum, va lancer toutes les règles de financement, de temps de parole médiatique, de recueil des parrainages, de déclaration des candidatures officielles, etc.
On ne peut pas avancer la présidentielle car ce sont des délais précis prévus par la Constitution. La seule chose qui peut avancer la présidentielle, c'est une déclaration de vacance par le Conseil constitutionnel. En dehors de ce cadre, le Président peut bien annoncer qu'il démissionnera, la parole présidentielle ne crée pas du droit."
Q: Est-ce que politiquement cette démission annoncée ne permettrait pas au moins d'organiser une pré-campagne ?
R: "Est-ce que cette pré-campagne vaudra véritablement campagne, et est-ce qu'elle ne va pas être complètement inéquitable, parce que chacun pourra se déclarer pré-candidat ?
Cela va amener des inégalités, avec des primes aux sortants ou à ceux qui ont déjà une très forte présence médiatique et c'est précisément ce que nos règles constitutionnelles veulent essayer d'éviter, c'est-à-dire qu'on part tous sur la ligne de départ avec les mêmes chances.
Cela va être un embrouillamini absolu, puisque vous allez avoir des recours tous les quatre matins en disant +j'ai eu moins de temps qu'untel, pourtant je suis véritablement candidat+, +comment on finance ça+, etc.
Si c'est juste pour lancer des idées, rien n'empêche à ce qu'une campagne d'idées infuse dès maintenant pour la présidentielle de 2027...
Que ça vienne d'Edouard Philippe donne surtout l'impression que l'étau se resserre autour d'Emmanuel Macron parce que là vous avez affaire à son ancien Premier ministre qui tue le père. Donc ça veut dire quelque chose du clivage autour de la personnalité d'Emmanuel Macron."
Q: Il est de toute façon peu probable qu'Emmanuel Macron suive le conseil d'Edouard Philippe... Selon vous, on va inévitablement vers la dissolution ?
R: "Si on raisonne en mode troisième et quatrième République, une Assemblée nationale contient en elle plusieurs potentialités gouvernementales, c'est-à-dire que vous pouvez essayer plusieurs alliages. Sauf qu'à mon sens, on les a utilisés tous.
Certes, on n'a pas essayé l'alliage gauche-centre, mais c'est trop tard maintenant puisque le centre lui-même ne parle plus d'une seule voix. Comment est-ce que vous voulez qu'un gouvernement de gauche, qui n'est plus soutenu par l'ensemble de la gauche en plus et ne sait pas jusqu'où il s'étend, trouve véritablement une assise à l'Assemblée ?
On peut encore avoir des petites solutions comme celle-ci, mais j'ai peur qu'elles amènent au même échec de gouvernement de 48 heures.
Il me semble qu'on est immanquablement orienté vers la dissolution. La dissolution, c'est la sortie d'un blocage entre deux institutions, le gouvernement et l'Assemblée, qui ne peuvent plus travailler ensemble. Là on est en plein dedans."