Pourquoi le taux d’endettement public a-t-il augmenté dans beaucoup de pays de l’OCDE ? information fournie par Le Cercle des économistes 03/11/2025 à 07:48
La dette n'est pas qu'un souci français. Le taux d'endettement public a beaucoup augmenté depuis 2007 dans plusieurs pays de l'OCDE. Patrick Artus en analyse les causes et conséquences.
Aux Etats-Unis, le taux d'endettement public est passé de 62% du PIB en 2007 à 121% du PIB en 2025 ; au Royaume-Uni, de 35% du PIB en 2007 à 96% du PIB en 2025 ; en France, de 64% du PIB en 2007 à 116 % du PIB en 2025. On peut mettre en avant plusieurs explications de cette hausse : la volonté de lutter contre le ralentissement de la croissance ; le vieillissement démographique ; la multiplication des crises ; le désir des gouvernements de réduire la pression fiscale.
La première explication est la volonté des gouvernements de soutenir la croissance, alors qu'ils sont confrontés au ralentissement de celle-ci. Aux Etats-Unis, la croissance passe de plus de 3 % en moyenne avant la crise des subprimes (2008-2009) à 2 % en moyenne après cette crise ; au Royaume-Uni, la croissance passe de 3 % en moyenne avant la crise des subprimes à 2 % après cette crise et à moins de 1 % en moyenne depuis la crise du Covid. En France, la croissance du PIB passe de 2,5 % en moyenne de 2004 à 2007 à une croissance faible après 2012 (sauf en 2017-2018) et à une croissance très faible de 1 % en moyenne après 2023. La réactivité des gouvernements à cette faiblesse de la croissance a été de mettre en place des politiques de stimulation budgétaire, avec des déficits publics importants (croissant de 1,1 % du PIB en 2007 aux Etats-Unis à 6% du PIB en 2025, de 2,8 % du PIB en 2007 à 4,8 % du PIB en 2024 au Royaume-Uni, de 2,7 % du PIB en 2007 à 5,8 % du PIB en 2024 en France). Les gouvernements ont donc cédé à la tentation "Keynésienne" de mettre en place un déficit public important pour stimuler la croissance.
La seconde explication de la hausse du taux d'endettement public est le vieillissement démographique qui pousse à la hausse des dépenses de retraites, particulièrement dans les pays où le système est géré en répartition, et les dépenses de santé. On peut prendre ici l'exemple de la France. Le nombre d'actifs par retraité y était de 2,04 en 2004, il est de 1,67 aujourd'hui, ce qui conduit naturellement à un déséquilibre du système de retraite. Le vieillissement démographique accroît aussi les dépenses de santé qui augmentent avec l'âge : un français âgé de 2 à 16 ans consomme 870 euros de santé par an (en dépenses de soins de ville et dans les établissements de santé), un français âgé de 17 à 59 ans 1 807 euros, un français âgé de 75 à 84 ans 6 448 euros et un français de plus de 85 ans 8 360 euros. Plus la population est âgée, plus les dépenses de protection sociale sont élevées.
La troisième explication est la multiplication des crises, avec une réaction de la politique budgétaire visant à stabiliser l'économie dans ces périodes. Il s'agit de la crise des subprimes en 2008-2009, de la crise des pays de la zone euro de 2010 à 2012, de la crise du Covid en 2020, de la guerre en Ukraine et de la hausse induite des prix de l'énergie, qui a poussé les gouvernements européens à subventionner la consommation d'énergie à partir de 2022.
Enfin, la quatrième explication est la volonté des gouvernements de réduire la pression fiscale. Aux Etats-Unis, de 2015 à 2020, puis à nouveau de 2022 à aujourd'hui, la pression fiscale a reculé, en particulier avec les baisses d'impôts sur les ménages et sur les entreprises décidées par Donald Trump dans ses deux mandats de Président. En France, la pression fiscale a baissé depuis l'élection d'Emmanuel Macron, de 45,3 % en 2017 à 42,8 % en 2024, avec la suppression de la taxe d'habitation pour les résidences principales, la mise en place du prélèvement libératoire unique à 30 %, la baisse des impôts de production et du taux d'imposition des sociétés. Le Royaume-Uni fait exception puisque le taux d'imposition globale y a progressé depuis les années 2000.
On voit donc que dans beaucoup de grands pays de l'OCDE, avec la volonté de soutenir la croissance, avec le vieillissement démographique, avec les crises, avec le désir de baisser la pression fiscale, le taux d'endettement public a beaucoup progressé. L'endettement public s'est réduit dans le pays du sud de l'Europe, mais c'est en raison des crises de la dette qu'ils ont subi eu début des années 2010 et en Allemagne avec une discipline budgétaire sévère, mais qui disparaît aujourd'hui.
La question qui se pose, bien sûr, est celle de l'origine de la stabilisation qui sera nécessaire des taux d'endettement public dans les pays où ils ont beaucoup augmenté : retour spontané d'une discipline budgétaire plus forte ou crise de la dette publique ?