"Nous ne laissons pas filer les milliards!" : Bercy défend son action contre la fraude à l'impôt sur les dividendes
information fournie par Boursorama avec Media Services 09/07/2025 à 09:58

En cause : l'application d'un dispositif de lutte contre la fraude "CumCum", qui permet à des actionnaires étrangers de sociétés françaises de contourner l'impôt. Cet détournement coûterait entre 1,5 et 3 milliards d'euros par an aux finances publiques.

Eric Lombard, le 26 juin 2025, à Paris ( AFP / JULIEN DE ROSA )

La lutte contre la fraude est une priorité et Bercy n'a en rien affaibli un dispositif législatif de lutte contre le contournement de l'impôt sur les dividendes, a assuré mardi 8 juillet le ministre de l'Economie Eric Lombard, lors d'une audition à l'Assemblée nationale. "Nous ne laissons pas filer les milliards", a affirmé le ministre aux députés de la commission des Finances. " Depuis 2017, ce sont près de 4,5 milliards d'euros (...) de redressements qui ont effectivement été notifiés au titre de cette fraude" dite CumCum, a précisé M. Lombard. Le ministre de l'Economie est accusé depuis plusieurs semaines par des parlementaires d'avoir affaibli la lutte contre la fraude à l'impôt sur les dividendes, voire d'avoir cédé aux demandes de la Fédération bancaire française (FBF), ce qu'Eric Lombard conteste fermement.

Pomme de discorde entre le ministre et certains parlementaires: les modalités d'application d'un dispositif de lutte contre le contournement de l'impôt sur les dividendes, introduit par le Sénat dans la loi de finances pour 2025.

Exceptions à la retenue à la source

Le stratagème d'évasion fiscale dit CumCum consiste, pour des actionnaires étrangers d'entreprises françaises, à confier temporairement leurs actions à un tiers français - généralement une banque, moyennant rétribution - au moment du versement des dividendes. Cela leur permet d'échapper au prélèvement à la source de l'impôt dû en tant que non-résident. Le mécanisme voté dans le budget 2025 comble cette faille en imposant que la retenue à la source s'applique aux "bénéficiaires effectifs". Mais le texte d'application publié par l'administration fiscale permet des exceptions, notamment lorsque les banques ne connaissent pas les bénéficiaires des dividendes.

Pour les parlementaires, cette formulation introduit une brèche, tandis qu'Eric Lombard juge qu'elle est "conforme à la loi" et qu'elle assure une "solidité juridique". Pour les services de Bercy, le dispositif voté par le Parlement "n'impose pas de soumettre à retenue à la source de manière préventive", a expliqué M. Lombard. Mais "s'il trouve que nous avons tort et si le texte (de loi) nous oblige à opérer cette retenue à la source", la loi s'appliquera puisque "le rescrit (le texte d'application produit par les services fiscaux, NDLR) ne peut pas modifier la loi", a-t-il ajouté.

En revanche, l'application préventive systématique du prélèvement de l'impôt à la source pour tous les dividendes impliquerait d'ouvrir un guichet pour rembourser les actionnaires exonérés, ce qui pénaliserait l'attractivité de la Bourse de Paris et risquerait de provoquer "des transferts massifs d'opérations sur d'autres places" financières, notamment à Londres, a prévenu Eric Lombard. Dans une déclaration transmise à l'AFP à l'issue de cette audition, le président de la commission des Finances de l'Assemblée, le député LFI de Seine-Saint-Denis Eric Coquerel a estimé que "Bercy n'a pas adopté la loi votée mais la loi telle qu'il voulait l'amender".