Narcotrafic: à son procès, Abdelkader Bouguettaia se dit victime de faux témoignages
information fournie par AFP 15/12/2025 à 19:35

Photo d'Abdelkader Bouguettaia obtenue le 20 juin 2025, après son extradition de Dubaï, par l'AFP auprès d'Interpol ( INTERPOL / Handout )

Jugé pour des importations massives de cocaïne via le port du Havre, Abdelkader Bouguettaia a contesté les témoignages l'incriminant, au coeur des trois dossiers qui lui ont valu, en son absence alors qu'il résidait à Dubaï, des peines allant jusqu'à 15 ans de prison.

Abdelkader Bouguettaia, 38 ans, est apparu dans son box avec des lunettes aux verres épais sur le nez, le crâne et la barbe rasés, au premier jour de son nouveau procès lundi à Lille.

Surnommé "Bibi", il assure n'avoir "jamais fui" la France, mais l'avoir quittée "par peur", d'abord à destination de l'Algérie, après avoir été enlevé et séquestré en région parisienne en janvier 2019.

"Je ne sais pas qui ils visaient, peut-être un de mes proches", a assuré ce sixième de sept enfants (six frères et une soeur), réfutant tout lien entre cet enlèvement et une quelconque implication personnelle dans le narcotrafic. Deux de ses frères sont actuellement en détention pour trafic de cocaïne.

Condamné à plusieurs reprises pour trafic de stupéfiants, dont la première dès l'adolescence, Abdelkader Bouguettaia, reconnaît avoir été "un vendeur de cannabis", ce qu'il qualifie d'"erreurs de jeunesse".

Il a été extradé en juin dernier de Dubaï, d'où il est soupçonné d'avoir continué à piloter le trafic de cocaïne via le port du Havre, sa ville natale.

Interrogé sur la manière dont il a financé ses déplacements à l'étranger, il a expliqué avoir économisé en travaillant "plus de 10 ans au Buffalo Grill". Davantage que le temps qu'il a passé en liberté depuis sa majorité, s'est étonnée une assesseure.

A Dubaï, Abdelkader Bouguettaia assure qu'il était chef de salle dans un restaurant.

Selon un extrait d'interrogatoire d'un ancien proche consulté par l'AFP en 2024, il y occupait avec sa compagne deux appartements dans un immeuble cossu de la marina, possédait des voitures haut de gamme, et fréquentait des piscines d'hôtels luxueux ou restaurants chics.

- docker -

Au tribunal, il s'est présenté comme un citoyen sans problèmes à qui on voudrait faire porter "un chapeau XXL": "je paie mes impôts (...), j'ai mon permis, j'ai mes 12 points".

Condamné en 2022, 2023 et 2024, deux fois à neuf ans et une fois à 15 ans de réclusion criminelle, pour des importations de cocaïne ayant eu lieu entre 2019 et 2021, il n'a pas acquiescé à ces condamnations. Il est donc rejugé en sa présence jusqu'à mercredi devant la Juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Lille.

Ces dossiers portent sur plus de deux tonnes de cocaïne saisies.

Dans le premier dossier évoqué, qui porte sur la découverte de 141 kilogrammes de cocaïne en février 2019, la présidente a cité un témoin selon lequel M. Bouguettaia "est au courant de tout et tout le monde lui dit tout".

Selon ce témoin, Abdelkader Bouguettaia payait 100.000 euros à quiconque "lui ramenait un docker" prêt à travailler pour lui, lequel touchait également 100.000 euros.

- "Même Kennedy, c'est moi qui l'ai tué" -

Ce témoin dit avoir été "corvéable à merci pour +Bibi+", qu'il a qualifié de "menaçant": "Si je ne répondais pas, il m'envoyait du monde".

"Tout ça, c'est complètement faux", a simplement répondu "Bibi". "Si on écoutait (ce témoin), même le président Kennedy, c'est moi qui l'ai tué".

Interrogé sur le fait qu'un autre témoin l'ait identifié, sur photo, comme l'un des commanditaires de cette livraison, il estime que cela ne peut être qu'une confusion due à une fréquentation commune d'un bar à chicha.

Dans chacun des trois dossiers jugés cette semaine, les investigations ont permis d'identifier Abdelkader Bouguettaia comme l'un des principaux commanditaires de ces importations.

Certaines importations étaient effectuées via des cargaisons légales de gélatines de boeuf et de lames de bois en provenance d'Amérique du Sud, notamment du Brésil, ou encore "dans un conteneur de miettes de thon sous vide en provenance d'Equateur", selon le parquet de Lille.

M. Bouguettaia a en outre été mis en examen en juin à Paris, notamment pour l'importation d'un conteneur contenant 2,5 tonnes de cocaïne arrivé au Havre depuis la Colombie.