Nadège Abomangoli, une vice-présidente de l'Assemblée incarnation des fractures à gauche
information fournie par AFP 01/10/2025 à 19:15

Nadège Abomangoli à l'Assemblée nationale, à Paris le 24 octobte 2024 ( AFP / JULIEN DE ROSA )

Elle est entrée dans l’histoire comme la première femme noire à avoir présidé une séance à l’Assemblée nationale. Réélue mercredi à la vice-présidence du Palais Bourbon, la députée LFI Nadège Abomangoli incarne les fractures d'une partie de la gauche avec le PS.

Mme Abomangoli a obtenu 501 voix, devenant première vice-présidente de l'Assemblée.

Issue des quartiers populaires, "ambitieuse" telle que la décrivent des proches, cette femme de 50 ans est devenue l'une des figures du mouvement de Jean-Luc Mélenchon, qu'elle a rejoint en 2019 après 13 ans chez les socialistes.

L'antiracisme au coeur de son engagement, la femme politique est une "déçue" du PS, à qui elle reproche de n'avoir pas assez fait contre "l'offensive réactionnaire", voire de l'avoir "accompagnée".

Le "problème avec la gauche, c'est qu'elle a plein de grands principes mais derrière, il y a beaucoup de faux-semblants", accuse la députée, élue en 2022 dans son département, la Seine-Saint-Denis.

Cette dissociation, elle la ressent dès ses années d'études: en maîtrise d'histoire à la Sorbonne, alors qu'elle participe à une réunion de l'Unef, elle est traitée de "bourgeoise" pour avoir voulu partir avant la fin à cause d'un partiel le lendemain.

"Moi, j'avais un train à prendre pour rentrer à Epinay", explique l'élue, qui a grandi dans un quartier populaire et pour qui "les études" passaient "avant" la politique.

Mère d'un nourrisson, elle entre à Sciences Po alors secoué par un débat sur l'égalité des chances et en passe d'intégrer des lycéens issue de quartiers prioritaires.

- "Occuper les espaces" -

"Il y avait eu des réactions très violentes, des remarques empreintes de mépris de classe" y compris de certains camarades de gauche qui avaient "soudainement peur que cela dégrade leur diplôme", se remémore Nadège Abomangoli.

Elle va même jusqu'à entreprendre une tournée dans les lycées de banlieue pour faire connaître l'école.

"J'ai toujours considéré qu'il fallait occuper les espaces", lâche-t-elle. "Etre présents dans les organisation de masse qui ont vocation à gouverner".

Au Parti socialiste, par exemple, qu'elle intègre après plusieurs années de chômage, elle monte petit à petit les échelons, de conseillère régionale jusqu'à porte-parole du parti à l'été 2015.

Quelques mois plus tard, les attentats du 13-Novembre surviennent, et le gouvernement de François Hollande dégaine son projet de déchéance de la nationalité.

C'est la "gifle" pour Nadège Abomangoli, binationale, arrivée en France à l'âge de 2 ans du Congo.

Mais elle choisit de rester. Pendant la loi travail, aussi.

Le député socialiste Jerôme Guedj se souvient d'une "porte-parole zélée qui rappelait la discipline et tapait sur les frondeurs", pourtant à la pointe de la contestation de cette loi qu'ils voyaient comme un recul social.

Ce n'est qu'en 2019, qu'elle finit par rejoindre La France insoumise.

Pourquoi avoir tant attendu pour quitter le PS ? Elle reconnaît, un peu embarrassée, que le Front de gauche, l'alliance initiale de Mélenchon avec le PCF, ne l'avait pas vraiment séduite.

"Ça faisait vieille gauche", pas assez la "nouvelle France" tournée vers les minorités qu'elle appelle de ses vœux, dit-elle.

Pour son ancien chef au PS, Jean-Christophe Cambadélis, Nadège Abomangoli se plaignait effectivement du "manque de conviction" du parti mais avait surtout "envie de devenir députée". Cette dernière souligne au contraire avoir refusé une circonscription en 2012, privilégiant sa vie personnelle.

- "Les faire rager" -

Dans son bureau, entre une affiche du mouvement des femmes iraniennes "femme, vie, liberté", et une autre "free Gaza", une photo d'elle, prise le premier jour de son mandat, occupe une place discrète.

À côté, un mot, encadré, de son collègue LFI Sébastien Delogu, lui annonçant après son élection à la vice-présidence en 2024 qu'elle est la première femme noire à occuper ce poste.

À ce moment-là, elle dit avoir pensé à sa mère, "femme de ménage, qui a créé la première section syndicale" de l'hôtel où elle était employée.

À la vice-présidence, l'élue a aimé l'exercice de "l'impartialité", devoir "parler à tout le monde", diriger les séances.

Malgré des attaques sur les réseaux sociaux, et cette lettre raciste. "Une noire n'a rien à faire à ce poste", lit la vice-présidente. En dépit de "la violence" de l'invective, Nadège Abomangoli ressent un "sentiment paradoxal": "Ça me plait aussi de les faire rager".