Musique: Nantes rompt avec René Martin, soupçonné de harcèlement, la justice saisie
information fournie par AFP 24/10/2025 à 20:00

Des personnes font la queue pour assister à un concert lors de "La Folle Journée", le 1er février 2024 à Nantes, en Loire-Atlantique ( AFP / LOIC VENANCE )

La mairie de Nantes ne collaborera plus avec René Martin, fondateur du festival de musique classique La Folle Journée, soupçonné de "comportements inappropriés", ce que ce dernier conteste. La justice demande une enquête et va saisir l'inspection du travail.

Le Centre de réalisations et d'études artistiques (Créa), fondé par René Martin et gestionnaire de plusieurs festivals, a mandaté un audit après des révélations de presse sur des dérives dans sa gestion financière et son management.

Les conclusions de l'audit "démontrent clairement que les principes d'exemplarité, de respect des droits des salariés et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, ont été bafoués", affirme vendredi la mairie dans un communiqué annonçant la fin de sa collaboration avec René Martin.

La municipalité évoque notamment "l'exposition des salariés à des contenus à caractère pornographique".

La ville de Nantes a précisé qu'elle avait adressé les conclusions de l'audit au procureur de la République "sur la base de l'article 40 du code de procédure pénale", qui enjoint à toute autorité de saisir la justice lorsqu'elle a connaissance d'un crime ou d'un délit.

D'après le procureur de la République de Nantes, Antoine Leroy, l'audit en question conclut à des "dysfonctionnements manifestes" dans l'organisation et dans les conditions du travail au sein de l'association. Il a annoncé saisir "à brefs délais" l'inspection du travail.

Selon le parquet, le rapport fait également état de "comportements inappropriés" de la part de René Martin, 75 ans.

"Ce qui est décrit dans ce rapport pourrait, de mon point de vue, mais seulement après que seront réalisées des investigations plus approfondies, caractériser des infractions pénales de type harcèlement au travail", a ajouté Antoine Leroy, qui a annoncé saisir dans les prochains jours un service d'enquête pénale.

- Figure de la musique classique -

René Martin a contesté vendredi soir "les accusations de comportements inappropriés, de harcèlement ou d’+hypersexualisation+ des relations de travail", ajoutant que l'audit "ne semble faire état ni d’aucun fait répréhensible, ni d’aucun fait constitutif de harcèlement, mais évoque surtout des dysfonctionnements organisationnels et managériaux au sein de la structure."

Il s'est dit "déterminé à défendre (son) honneur et la vérité, par toutes les voies de droit", dans un communiqué.

René Martin, fondateur et directeur artistique du festival "La Folle Journée de Nantes", le 17 janvier 2019 à Nantes, en Loire-Atlantique ( AFP / LOIC VENANCE )

Fin septembre, une enquête de Médiacités et de La Lettre du Musicien avait fait état d'une "porosité entre dépenses professionnelles et dépenses personnelles" de René Martin, figure de la musique classique, également fondateur du festival international de piano de La Roque-d'Anthéron, dans les Bouches-du-Rhône.

Les témoignages d'une vingtaine d'anciens et d'actuels salariés décrivaient un directeur artistique "omnipotent" faisant régner une ambiance de travail "très difficile" entre "compliments", "humiliation" et "emprise", dans un climat "hypersexualisé".

"J'assure les victimes, les salariés, de mon plein soutien dans ce moment difficile et douloureux. C'est désormais au Créa de tirer toutes les conséquences des conclusions de cet audit et de prendre les décisions qui s'imposent", a déclaré la maire de Nantes, Johanna Rolland, citée dans le communiqué.

La ville et la métropole financent La Folle Journée à hauteur de 1,1 million d'euros sur un budget global de 4,7 millions d'euros. La mairie s'est dite "entièrement mobilisée aux côtés de l'équipe du Créa pour réussir l'édition 2026 et poursuivre l'aventure de la Folle Journée de Nantes".

Le Département de Loire-Atlantique a quant à lui suspendu vendredi son soutien financier à la Folle Journée (10.000 euros prévus pour 2026), expliquant attendre du Créa qu'il mette fin à la collaboration de René Martin.

Le Créa organise chaque année plus de 1.200 concerts en France et dans le monde, selon son site internet. Son festival-phare, La Folle Journée, a été créé en 1995 par René Martin.

En une trentaine d'éditions, celui-ci a accueilli à Nantes plus de trois millions de spectateurs. Depuis le début des années 2000, le festival s'est aussi exporté à l'étranger, notamment à Varsovie et Tokyo.