Moscou accuse Kyiv d'avoir abattu un avion avec des prisonniers de guerre ukrainiens
information fournie par Reuters 24/01/2024 à 18:29

La Russie a accusé
mercredi l'Ukraine d'avoir abattu un avion de transport
militaire avec à son bord 65 soldats ukrainiens destinés à un
échange de prisonniers, déplorant un acte de terrorisme barbare
ayant tué 74 personnes au total dans la région de Belgorod, près
de la frontière ukrainienne.
        L'Ukraine est restée silencieuse sur la question pendant
plusieurs heures, citant la nécessité de prendre le temps de
clarifier la situation. Des représentants à Kyiv n'ont ensuite
ni confirmé ni infirmé avoir abattu l'appareil russe. 
  
        Les services du renseignement militaire ukrainien ont
déclaré que Moscou n'avait pas demandé à Kyiv de garantir la
sécurité de l'espace aérien près de Belgorod, ajoutant ne
disposer d'aucune information fiable sur les personnes qui se
trouvaient dans l'avion.
  
        Selon le ministère russe de la Défense, l'appareil
délibérément abattu par Kyiv est un Iliouchine Il-76 qui
transportait 65 soldats ukrainiens destinés à un échange de
prisonniers, six membres d'équipage russes et trois soldats
russes. Tous sont morts, a indiqué par ailleurs le gouverneur de
la région de Belgorod, Viatcheslav Gladkov.
  
        "Les dirigeants ukrainiens étaient parfaitement au
courant (...) que des soldats ukrainiens seraient transportés
par un appareil de transport militaire vers l'aérodrome de
Belgorod aujourd'hui en vue d'un échange", a dit le ministère
russe de la Défense dans un communiqué.
  
        "En commettant cet acte terroriste, les dirigeants
ukrainiens ont montré leur vrai visage. Ils ont méprisé les vies
de leurs propres citoyens", a-t-il ajouté.
  
        Il s'agit d'un "acte barbare", a dit pour sa part le
ministère russe des Affaires étrangères.
  
        
  
        UN MÉDIA UKRAINIEN DIT QUE KYIV A ABATTU L'AVION, PUIS
SE RÉTRACTE
  
        Mettant fin au silence sur la question à Kyiv,
l'état-major de l'armée ukrainienne a déclaré qu'il continuerait
de détruire tout appareil militaire russe transportant des
missiles destinés à frapper l'Ukraine.
  
        Dans un communiqué, il a ajouté que l'armée ukrainienne
a récemment constaté un flux croissant d'appareils militaires
russes se rendant à l'aérodrome de Belgorod, estimant qu'il y
avait un lien direct avec les séries de frappes menées par
Moscou contre plusieurs villes ukrainiennes dont Kharkiv.
  
        "Avec cela à l'esprit, l'armée ukrainienne va continuer
de prendre des mesures pour (...) contrôler l'espace aérien afin
d'éliminer la menace terroriste, y compris en direction de
Belgorod-Kharkiv", a dit l'état-major via la messagerie
Telegram.
  
        Si le bilan venait à être confirmé, il s'agirait de
l'incident le plus meurtrier survenu dans les frontières
internationalement reconnues de la Russie depuis le début
l'offensive lancée en Ukraine en février 2022, présentée par
Moscou comme une "opération militaire spéciale" mais dénoncée
par Kyiv et ses alliés comme une invasion.
  
        Reuters n'a pas pu vérifier qui se trouvait à bord de
l'appareil. L'Ukraine et la Russie procèdent régulièrement à des
échanges de prisonniers.
  
        Le média ukrainien Ukrainska Pravda a dans un premier
temps cité des sources militaires déclarant que l'Ukraine avait
abattu  l'appareil car il transportait des missiles S-300. Il a
ensuite corrigé son article en déclarant que cette information
n'avait pas été confirmée par d'autres sources.
  
        
  
        TENTATIVE DE DÉSTABILISATION, DIT LE RENSEIGNEMENT
MILITAIRE UKRAINIEN
  
        Les services du renseignement militaire ukrainien ont
estimé qu'il s'agissait d'une tentative de la Russie de
déstabiliser l'Ukraine de l'intérieur.
  
        Ils n'ont ni confirmé ni infirmé que Kyiv a abattu
l'avion russe, déclarant que l'Ukraine a respecté tous les
termes de l'accord conclu pour un échange de prisonniers prévu
mercredi avec la Russie.
  
        Contrairement aux précédents échanges de prisonniers,
ont-ils souligné, Moscou n'a pas demandé à Kyiv de garantir la
sécurité de l'espace aérien autour de Belgorod.
  
        "Sur cette base, il se pourrait qu'il s'agisse d'un acte
planifié et délibéré de la Russie pour déstabiliser l'Ukraine et
affaiblir le soutien international à notre Etat", ont déclaré
les services du renseignement militaire ukrainien.
  
        Une vidéo diffusée sur la messagerie Telegram par le
compte Baza, lié aux services de sécurité russes, et
authentifiée par Reuters, montre un gros avion chuter vers le
sol près du village de Iablonovo, dans la région de Belgorod, et
exploser dans une immense boule de feu.
  
        "C'était absolument volontaire" de la part de Kyiv, a
dit Andreï Kartapolov, député de la Douma et ancien général de
l'armée russe, à une chaîne de télévision russe.
  
        "Ils savaient parfaitement que l'avion était en route,
où il allait et les opérateurs des systèmes (ukrainiens) de
missiles sol-air ne peuvent pas confondre en tant que cibles des
avions de transport de troupes avec des appareils militaires ou
des hélicoptères", a-t-il poursuivi.
  
        "Cela a été fait délibérément pour saboter l'échange de
prisonniers", a-t-il ajouté. Un deuxième appareil russe
transportant environ 80 prisonniers ukrainiens en vue d'un
échange est lui parvenu à faire demi-tour, a dit Andreï
Kartapolov, resté très proche du ministère de la Défense.
  
        D'après lui, l'appareil a été abattu à l'aide de trois
missiles de conception américaine ou allemande et n'était pas
escorté par des avions de chasse parce que le vol avait été
convenu avec l'Ukraine.
  
    Viatcheslav Gladkov a déclaré qu'il n'y avait aucun
survivant et que l'avion s'était écrasé dans le district de
Korotchanski, au nord-est de la ville de Belgorod. Il a annoncé
que des enquêteurs et des secouristes se trouvaient sur les
lieux.
    Interrogé sur l'incident, le Kremlin a déclaré qu'il se
renseignait.
    La région de Belgorod a été la cible régulière d'attaques de
la part de l'Ukraine ces derniers mois, dont un tir de missile
qui a fait 25 morts en décembre.

 (Rédaction de Moscou, avec Pavel Polityuk et Yuliia Dysa à
Kyiv; version française Bertrand Boucey et Jean Terzian, édité
par Jean-Stéphane Brosse et Zhifan Liu)